Années 30 : l’UNEF change de cap

La Première guerre mondiale et ses conséquences ont fait sortir le milieu étudiant du XIXe siècle[1]. Si par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui il reste « socialement étroit, dans ses effectifs comme dans son recrutement »[2], les étudiants de l’entre-deux-guerres ne sont plus ceux qui avaient fondé l’Union Nationale des Associations Générales d’Etudiants de France en 1907.  

L’UNEF ET LES TRANSFORMATIONS DU MONDE ETUDIANT

Arrêtons-nous quelques instants sur l’évolution du milieu étudiant dans l’entre-deux-guerres. Celle-ci se caractérise d’abord par «la lente progression des effectifs»[3]. En 1920, après les coupes sombres opérées par la Première guerre mondiale, le nombre d’étudiants a rattrapé le niveau atteint en 1914. 45 000 étudiants fréquentent alors les établissements de l’enseignement supérieur. Pendant quinze ans, les effectifs progressent régulièrement chaque année pour atteindre près de 93 000 étudiants en 1934. Si au milieu des années trente l’arrivée à l’Université des classes creuses de la Première guerre mondiale remet en cause pendant un temps cette évolution[4], le fléchissement n’est que conjoncturel ; la lente démocratisation du second degré prépare des augmentations bien plus importantes[5]. A la veille de la mobilisation, 90 000 étudiants fréquentent l’enseignement supérieur. Continue reading ‘Années 30 : l’UNEF change de cap’

Regards juridiques, sociologiques et politiques sur les structures de l’UNEF

Le droit positif ignore le syndicalisme étudiant. En effet, le droit syndical est lié à l’exercice d’une profession (salariée ou indépendante), et les règles juridiques en vigueur ne reconnaissent pas le fait d’étudier comme une profession. En conséquence, le droit syndical reconnu en 1884, ne s’applique pas aux étudiants. C’est pourtant au cours de cette décennie que se sont constituées les associations générales d’étudiants, bien avant la loi de 1901 qui instaure la liberté d’association[1]. Et c’est plusieurs années après l’adoption de cette loi que se constitue une association d’AGE : l’UNEF. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ceux qui constituent l’Union nationale des AGE de France ne se sont pas immédiatement engouffrés dans l’ouverture légale de cette première année du siècle pour constituer enfin ouvertement un groupement national. La constitution de l’UNEF est bien le produit de certaines volontés d’étudiants et de l’Etat ainsi que le décrit Alain Monchablon, et non un mouvement impétueux et spontané que seules les limitations légales auraient bridé. Continue reading ‘Regards juridiques, sociologiques et politiques sur les structures de l’UNEF’

Les AGE de l’UNEF. Leurs statuts juridiques, essai de recensement.

Bref aperçu de 1880 à nos jours[1]

[1] Ce texte est un rapport au Président de la FAGE  VIIème Congrès de la FAGE – Lille – Novembre 1996, qu’Olivier Raeis a présenté au séminaire du GERME du 15 janvier 1997.

Aujourd’hui, à la veille de la célébration du 90ème anniversaire de la grande Union Nationale des Associations Générales d’Etudiants de France (UNAGEF dite UNEF), on peut faire un bilan des actions et réalisations de ces AGE. Celles-ci se sont fondées dans les grandes villes universitaires à la fin du siècle dernier , apparemment sous la poussée des autorités qui avaient pour intention de créer des associations d’étudiants qu’elles pourraient contrôler, ce qui ne fut pas forcément C’est en 1906 qu’elles prirent la décision de se fédérer, et tinrent pour cela leur premier congrès en 1907 à Lille. C’est cette date que l’on peut fixer comme étant la naissance du mouvement étudiant français. Mouvement ne se voulant pas politique ni confessionnel. Les AGE, au moment de la fondation de l’UNEF, possèdent déjà des biens qu’elles mettent à disposition des étudiants ( ex : l’AGE Lille qui organise le premier congrès de l’UNEF au 49, rue de Valmy, son siège social). Ces locaux ont, au fil du temps, eu des destins divers, dans leurs usages et dans leurs propriétaires. Continue reading ‘Les AGE de l’UNEF. Leurs statuts juridiques, essai de recensement.’

La naissance des associations générales d’étudiants et la constitution de l’UNEF

Plus de trente ans séparent la naissance des AGE et leur regroupement au sein de l’UNEF. C’est ce décalage et sa signification qu’on voudrait analyser ici.

La constitution d’un mouvement étudiant dans les principales villes de France  dans les premières années de la IIIe République correspond à une nouveauté sociale, comme à un souci politique largement partagé. La nouveauté sociale est celle de l’étudiant, en particulier dans les Facultés de sciences et de lettres où la création de bourses de licence et d’agrégation engendre « un public professionnel des facultés », selon la formule d’Ernest Lavisse, à l’image sinon à l’égal des facultés de droit et de médecine. L’ensemble de la population étudiante connaît une croissance rapide, doublant en quarante ans pour atteindre les 42 000 inscrits à la veille de 1914. Souci politique:  Albert de Mun avait songé à regrouper les diverses conférences catholiques d’étudiants, dont à Paris la conférence du Luxembourg datant de 1854, pour former un parti catholique, avant d’être invité par Léon XIII à y renoncer pour fonder l’Association Catholique de la Jeunesse Française[1].  Chez les socialistes, malgré la méfiance de principe envers ces enfants de la bourgeoisie, un essai d’association étudiante « fut tenté par notre ami E.Massard, alors délégué des Ecoles aux funérailles de Michelet (en 1874). Malgré le concours empressé des premiers adhérents, cette oeuvre n’eut qu’une courte durée. »[2]. A la même période, d’autres tentatives eurent lieu à Paris, sans plus de succès[3]Continue reading ‘La naissance des associations générales d’étudiants et la constitution de l’UNEF’

biographie: bureau et comité de l’AG de Grenoble (1943-1962)

La liste ci-dessous a été établie par Jean-Yves Sabot d’après les archives de l’AGEG, 624 W 113. La distinction bureau / comité de l’AG tient à la modification statutaire apportée dans l’organisation grenobloise en 1954 (voir Jean-Yves Sabot Le syndicalisme étudiant et la guerre d’Algérie, Paris, l’Harmattan 1995, voir note Monchablon).

Cette liste a été publiée dans Les Cahiers du Germe trimestriels, N° 6, 1998 Continue reading ‘biographie: bureau et comité de l’AG de Grenoble (1943-1962)’

lecture : Claude Singer, L’Université libérée, l’Université épurée (1943-1947)

Claude SINGER L’Université libérée, l’Université épurée (1943-1947) Les Belles lettres 1997. Cinq ans après l’analyse des persécutions antisémites menées par Vichy dans les divers ordres d’enseignement1 , Claude Singer nous présente L’Université libérée, l’Université épurée (1943-1947), université étant à prendre comme métaphore de l’ensemble Education Nationale, même si l’enseignement supérieur est plus particulièrement étudié.

L’analyse est menée minutieusement à partir de multiples fonds d’archives publiques (en particulier dans la cote F 17, les 263 cartons des CAE, Commissions Académiques d’Enquête, chargées de préparer les dossiers individuels d’épuration, dont certains dossiers sont aujourd’hui curieusement vides) y compris ceux de la  BDIC. Elle permet une approche prosopographique partielle  de la période. Continue reading ‘lecture : Claude Singer, L’Université libérée, l’Université épurée (1943-1947)’

lecture : Comité National d’Evaluation Les missions de l’enseignement supérieur : principes et réalités

Comité National d’Evaluation Les missions de l’enseignement supérieur : principes et réalités. (La documentation française). Nous noterons dans ce rapport 1997 au Président de la République, la troisième partie consacrée à «quelques missions de l’enseignement supérieur», et notamment le chapitre «les étudiants dans l’Université» qui passe en revue en quelques pages la formation, la recherche, l’orientation, l’insertion professionnelle. Aussi, quelques remarques sur «l’université lieu de vie», «l’université et les étudiants dans la cité». Mais tout ceci est évidemment un peu rapide, s’agissant plus de recommandations que d’analyses. Continue reading ‘lecture : Comité National d’Evaluation Les missions de l’enseignement supérieur : principes et réalités’

lecture : Alain Coulon, Le métier d’étudiant

Alain COULON Le métier d’étudiant PUF 1997 Professeur en sciences de l’éducation à l’Université Paris VIII-Saint-Denis, Alain Coulon a l’habitude de dire à ses nouveaux étudiants «devenez des étudiants professionnels», c’est à dire «considérez votre nouveau statut d’étudiant comme une nouvelle profession que vous allez exercer». Pari difficile pour un milieu par nature «transitoire». Au délà de cette exhortation, l’auteur s’interroge : «comment acquiert t-on cette compétence, sinon par un apprentissage qui initie le novice aux règles de son nouvel univers». Construisant l’entrée dans l’enseignement supérieur comme un objet sociologique, Alain Coulon dégage trois temps : celui de «l’étrangeté», celui de «l’apprentissage» et, enfin, celui de «l’affiliation» qui permet à l’étudiant d’interpréter (voire de transgresser) les règles mais aussi «affiliation intellectuel» constituant un «rite d’intégration». La recherche a été menée en 1984, au moment où l’Université Paris VIII mettait en place les nouveaux premiers cycles avec une approche ethno-méthodologique  «qui considère les faits sociaux comme des accomplissements pratiques et non comme des choses». Continue reading ‘lecture : Alain Coulon, Le métier d’étudiant’

lecture : Raphaël Desanti, L’invention permanente du syndicalisme étudiant; Nathalie Luyckx, Le corporatif et le syndical à l’AGEL-UNEF dans les années 1950 (ruptures symboliques et mise en formes du passé)

Raphaël DESANTI L’invention permanente du syndicalisme étudiant DEA sciences sociales (J.P. Molinari dir.) Nantes 1997 91 p. Nathalie LUYCKX Le corporatif et le syndical à l’AGEL-UNEF dans les années 1950 (ruptures symboliques et mise en formes du passé) Mémoire sciences politiques, (D. Barbet dir.) IEP Lyon 2 1997 112 p + annexes. Pourquoi traiter dans une même note de lecture de deux mémoires soutenus, certes la même année, mais dans deux villes et deux disciplines différentes. Raphaël Desanti développe une réflexion sociologique : «comment peut-on parler de syndicalisme, fût-il étudiant, en dehors des rapports sociaux ordinairement noués autour du travail» et a conduit une analyse particulière du discours syndical, en s’appuyant notamment sur les archives de l’UNEF d’avant 68, déposées au CHT de Nantes et des textes des congrès de l’UNEF US, du MAS et de l’UNEF ID. Quant à elle, Nathalie Luyckx, en sciences politiques, a délimité dans le temps et l’espace son objet : les années 1950 dans la ville de Lyon, AGE «phare» puisqu’on lui doit la «Charte de Grenoble», au coeur de la vie étudiante avec ses services, sa reconnaissance par les autorités, AGE «bastion» de la «Mino». Elle a travaillé à partir d’entretiens avec des anciens dirigeants (Paul Bouchet et Alain Bujard), et des archives non classées à la Bibliothèque municipale auxquelles elle a pu avoir accès.

C’est qu’en réalité, ces deux travaux se rejoignent, se complètent et se recoupent puisqu’ils tendent tous deux à «dénaturaliser» (c’est à dire à ne pas prendre pour acquise) la notion de «syndicalisme étudiant», qui s’est «imposée» et conquis sa légitimité dans le vocabulaire utilisé aussi bien par les acteurs, que par les autorités et la presse, et même par des auteurs. «Invention (fut-elle permanente)» pour Raphaël Desanti, «moment fondateur» à démythifier pour Nathalie Luyckx. Continue reading ‘lecture : Raphaël Desanti, L’invention permanente du syndicalisme étudiant; Nathalie Luyckx, Le corporatif et le syndical à l’AGEL-UNEF dans les années 1950 (ruptures symboliques et mise en formes du passé)’

lecture: Anja Burchardt, Blaustrumpf – Modestudentin – Anarchistin ? Deutsche und russische Medizinstudentinnen in Berlin 1896-1918

Anja Burchardt, Blaustrumpf – Modestudentin – Anarchistin ? Deutsche und russische Medizinstudentinnen in Berlin 1896-1918 (Bas bleu, étudiante à la mode, anarchiste ? Etudiantes en médecine allemandes et russes à Berlin), Stuttgart/Weimar, Verlag J. B. Metzler, 1997, 316 p. Etude d’histoire de la médecine, l’ouvrage d’Anja Burchardt consacré aux premières étudiantes en médecine à l’Université de Berlin rappelle encore une fois les obstacles que les femmes ont eu à surmonter pour accéder à la «citoyenneté» universitaire. Continue reading ‘lecture: Anja Burchardt, Blaustrumpf – Modestudentin – Anarchistin ? Deutsche und russische Medizinstudentinnen in Berlin 1896-1918’