Alain COULON Le métier d’étudiant PUF 1997 Professeur en sciences de l’éducation à l’Université Paris VIII-Saint-Denis, Alain Coulon a l’habitude de dire à ses nouveaux étudiants «devenez des étudiants professionnels», c’est à dire «considérez votre nouveau statut d’étudiant comme une nouvelle profession que vous allez exercer». Pari difficile pour un milieu par nature «transitoire». Au délà de cette exhortation, l’auteur s’interroge : «comment acquiert t-on cette compétence, sinon par un apprentissage qui initie le novice aux règles de son nouvel univers». Construisant l’entrée dans l’enseignement supérieur comme un objet sociologique, Alain Coulon dégage trois temps : celui de «l’étrangeté», celui de «l’apprentissage» et, enfin, celui de «l’affiliation» qui permet à l’étudiant d’interpréter (voire de transgresser) les règles mais aussi «affiliation intellectuel» constituant un «rite d’intégration». La recherche a été menée en 1984, au moment où l’Université Paris VIII mettait en place les nouveaux premiers cycles avec une approche ethno-méthodologique «qui considère les faits sociaux comme des accomplissements pratiques et non comme des choses».
Pour qui a effectué des études à Paris VIII, les descriptions sont évocatrices : publics d’étudiants «traditionnels» melangés aux publics d’étudiants particuliers (salariés, adultes, étrangers) si présents dans cette Université qui continue (même sous forme mythique) à véhiculer une mémoire de l’ex-Vincennes, notamment au travers de ses enseignants et surtout des personnels ATOSS. Le premier contact avec l’Université, s’accompagne de visions «imaginaires», «fantasmatiques». Une fois inscrits, «on peut alors dire qu’on est étudiant, expression qui résonne comme un mot un peu magique, qui va vous donner une nouvelle identité». Alain Coulon constate que le «métier d’étudiant» (nous dirions plutôt «socialisation» et «formation d’une identité collective») c’est, «au delà des cours […] nouer des contacts, établir des dialogues, mener des activités avec d’autres étudiants» ce qui permet de reconnaître que l’on «rencontre les mêmes problèmes». Au delà de l’intégration, l’affiliation c’est «naturaliser en les incorporant les pratiques et les fonctionnements universitaires afin de devenir un membre compétent de la communauté universitaire : c’est se forger un habitus d’étudiant, dont on peut penser qu’il est constitué lorsque les routines et les «allant de soin» ont pris le pas sur le sentiment d’étrangeté et de dépaysement qu’éprouvent tout d’abord les étudiants débutants». Les activités para-universitaires sont des facteurs extrêmement puissants d’intégration. L’auteur rappelle le rôle des anciennes corpos étudiantes qui «jouaient un rôle important d’intégration». Et encore aujourd’hui les activités para-universitaires tournées vers l’Université «comme le fait de militer dans un syndicat étudiant» favorise cette affiliation.
Mais si le processus d’acquisition du «métier d’étudiant» est bien décrit, il nous reste une interrogation en fermant ce livre : quelle est l’image sociale de l’étudiant , comment se construit-elle, quel est le «modèle-type» (ou les modèles) duquel l’apprenti-étudiant est censé se rapprocher?
Robi Morder
Les Cahiers du Germe trimestriel n° 6 – 1° trimestre 1998