1939 – 1945 : les 17 novembre de Prague, l’internationale étudiante

17 novemberA l’occasion du 80e anniversaire du Congrès mondial des étudiants de Prague de novembre 1945, nous publions  l’introduction du président de la République tchécoslovaque , Édouard Benes , à la brochure éditée Le 17 novembre. Nos lecteurs trouveront  en téléchargement la version originale en anglais, don de Tom Madden au Germe et à la Cité des mémoires étudiantes, ainsi que sa traduction française.  Nous avons établi à la suite des liens vers nos articles du site. Une visioconférence organisée par le Germe et la cité se tient le 17 novembre à 14h (lien)

DISCOURS DU PRESIDENT EDWARD-BENEŠ,

Il y a peu de jours dans l’année aussi mémorables que le 17 novembre 1939. Une journée mémorable, mais pour tous les contemporains, une journée pleine d’horreur en raison des atrocités commises ce jour-là par nos oppresseurs, des atrocités commises principalement contre ceux qui devaient être les principaux porteurs des valeurs spirituelles de la nation et qui étaient destinés à défendre la richesse de notre héritage moral, en premier lieu avec des armes spirituelles, un héritage que les Allemands s’efforçaient d’arracher de nos cœurs et d’effacer de nos âmes. Pourtant, cette journée, avec toute l’horreur qui a balayé la nation à ce moment-là, allait devenir presque solennelle.

webinaire 17 novembre 2025Les victimes innocentes parmi les étudiants tchécoslovaques ont fait battre plus fort le cœur d’une nation étouffée ; ce jour-là, comme par manifeste, l’attitude de nos oppresseurs a proclamé à nouveau au monde entier leur programme d’inhumanité, une inhumanité que le monde n’aurait pu imaginer jusqu’alors, même dans les coins les moins civilisés.

Néanmoins, ce même monde a immédiatement compris ce que signifiait ce massacre des étudiants de Prague.

En effet, pour nous à l’étranger, c’était le premier signe clair et franc de résistance au nazisme, un signe suffisamment évident pour ne laisser aucun doute, une expression de la jeune génération et de notre jeunesse étudiante, qui prouvait que notre jeunesse étudiante a le droit d’être considérée non seulement comme la fleur de la jeunesse, mais aussi comme la fleur de toute la nation.

Ainsi, dans leur pays, les étudiants victimes du 17 novembre 1939 ont uni et soudé de leur sang l’ensemble du peuple tchèque dans le lien le plus étroit, dans la détermination de leur courageuse résistance contre tout le nazisme et donc contre tout ce qui corrompt, sape et détruit moralement et spirituellement la dignité humaine. Il en allait de même à l’étranger. Le monde entier a pris conscience et a su que non seulement la nation tchèque était écrasée sous une oppression politique terrible, mais que la nation tchèque et, surtout, sa jeunesse, ses étudiants, qui représenteraient un jour la nation dans les affaires internationales et les influenceraient, dont le poids compterait dans leur direction et leur contrôle, résistaient, résistaient avec dignité, héroïsme et courage.

Ainsi, fondé sur ces réalités, le mémorable 17 novembre 1939 est devenu symboliquement la Journée internationale des étudiants.

Peut-être n’avons-nous pas encore eu l’occasion, dans la précipitation des premiers mois qui ont suivi la Révolution, de prendre pleinement conscience de la portée et de l’importance internationale de cette réalité. Le premier Congrès international des étudiants nous rappellera son importance. Non seulement par le souvenir de certains détails, mais aussi par la présence de délégués de tant de nations. Quelle est la profondeur de sa signification pour notre État et notre nation ! En effet, la reconnaissance du 17 novembre 1939 comme Journée internationale des étudiants est en même temps une reconnaissance de tous les devoirs qui lient le monde entier à la nation tchécoslovaque dans cette Grande Guerre. Ainsi, même les étudiants victimes ont contribué dans une large mesure à la reconnaissance internationale de nos droits et de nos revendications.

En même temps, c’est une obligation pour nous envers notre pays et l’étranger. Nous ne devons pas dévier le moins du monde de notre position digne, courageuse, héroïque et surtout hautement morale, qui nous a valu tant de respect à l’étranger, ni oublier l’obligation que nos jeunes étudiants, qui restent l’idéal du peuple, de la nation et de l’État, devront fidèlement remplir.

DR EDWARD-BENEŠ,

Président de la République tchécoslovaque.

Sur notre site

 Le 17 novembre 1939: aux origines de la « Journée internationale des étudiants »

Prague, 17 novembre 1939. Exécution de 9 dirigeants étudiants. De nombreux étudiants tchèques rejoignent les rangs de l’armée tchécoslovaque à l’étranger. C’est dans la garnison du 1er régiment d’artillerie en Angleterre, que naquit à l’automne 1940 l’idée de célébrer le 17 novembre comme journée internationale des étudiants

Londres 1941 – Washington – Londres 1942: conférences internationales étudiantes pour vaincre le nazisme et le fascisme

Londres, 16 novembre 1941, déclaration :« Nous, étudiants de Grande Bretagne et de ses territoires, Inde, Amériques du Nord et du Sud, URSS, Belgique, Thécoslovaquie, France, Grèce, Chine, Hollande, Norvège, Pologne, Yougoslavie et de toutes les nations libres, rendons hommage et commémorons les étudiants torturés et exécutés ; 2-5 septembre 1942, Washington (USA) l’assemblée internationale des étudiants, confirme le 17 novembre comme « Journée internationale de l’étudiant », s’ensuit en novembre le rassemblement à Londres et son « appel à l’action »

Franklin D. Roosevelt, discours devant l’Assemblée internationale des étudiants – 3 septembre 1942

Le 3 septembre 1942,  le président Roosevelt s’adresse à l’assemblée internationale des étudiants à Washington.

Le 17 novembre 1945, le congrès mondial des étudiants à Prague

En décembre 1941 est créée à Londres  un Conseil international des étudiants (International Students Council), puisque de nombreuses organisations étudiantes européennes y sont exilées. En novembre 1945, un congrès de la jeunesse du monde s’y tient.  Les étudiants se rendent ensuite à Prague, sur l’invitation de l’union des étudiants de Tchécoslovaque pour tenir le 17 novembre, un congrès étudiant.

 Le Comité préparatoire international (CPI) de janvier 1946

Après le congrès de Prague, est mis sur pied un Comité préparatoire international (CPI) d’un congrès de fondation de l’Union internationale des étudiants.

La première session s’était tenue en novembre/décembre 1945. La deuxième session du CPI, présidée par Pierre Rostini, fixe la date du congrès constitutif du 17 au 31 août à Prague.

Le Comité préparatoire international (CPI) d’avril 1946

C’est dans la capitale tchécoslovaque que se réunit pour la troisième fois du 9 au 13 avril le CPI  Tom Madden le préside, sont présents les représentants de Grande Bretagne, France, URSS, Chine, Inde,  Belgique, Yougoslavie, Tchécoslovaquie.  Pour la France, ce sont Paul Bouchet, Pierre Trouvat président de l’UNEF, et Joseph Roger de l’UJRF.

Prague, en août 1946: le congrès de fondation de l’Union internationale des étudiants

C’est à la Maison de la musique de Prague que s’ouvre le congrès le dimanche 18 août. La « cité du congrès » dispose de ses propres hôtels, salle de Conférence, banque, bureau de poste, station de radio, publications en cinq langues et système de traduction

Trois catégories d’organisations participent au congrès : les pays comme l’Angleterre, l’Écosse, la France, le Danemark où fonctionnent des unions nationales d’étudiants représentatives ; les pays qui, faute d’UNE, ont constitué des comités de coordination ad hoc, (par exemple les États-Unis), enfin les pays sans UNE, qui n’ont pas réussi à former de tels comités ce qui amène à l’intervention de la commission des mandats du CPI dont Tom Madden fera un rapport devant le congrès.

Vidéos sur la chaine Youtube de la CME

Un pont entre l’Est et l’Ouest? L’UIE ou le pari étudiant!avec Paul Bouchet, Tom Madden, 30 oct 2013

Aux sources de l’UIE Tom Madden, 6 janvier 2009

« Le choix de Prague », Pierre Rostini, 18 septembre 2004

Quelques autres références

Paul Bouchet, « Vers une coopération étudiante internationale », Lyon étudiant, 1946

Internationalismes et internationales étudiantes. Cycle Paul Bouchet « l’utopie étudiante » recueil de textes

Paul Bouchet au congrès de fondation de l’Union internationale des étudiants, Prague, novembre 1946 Internationalismes et internationales étudiantes. Cycle Paul Bouchet « l’utopie étudiante » Dans le cadre de l’année du centenaire de la naissance de Paul[…]

Novembre 1919-2019: 100e anniversaire de la création de la CIE

De la Confédération interalliée à la Confédération internationale des étudiants. Il y a 100 ans, du 20 au 25 novembre 1919, le 8ème congrès de l’Union nationale des associations d’étudiants de France, son premier congrès de l’après-guerre, se tient à Strasbourg redevenue française.  C’est cette CIE que la majorité des les dirigeants étudiants de1945 refuse de reconstituer.

L’UNEF (1971-2001) et l’activité internationale

Sur les relations UNEF/UIE, un numéro spécial commun des Cahiers du Germe et Bulletin Pour une histoire de l’UNEF.

Pešta, Mikuláš Un mois de novembre presque oublié : la Journée internationale des étudiants et sa mémoire occultée, Publié dans paměť a dějiny, 2021/03

Gillabert, Matthieu, Lesnykh, Lidia, Pešta, Mikuláš: Student Internationalism in the Global Cold War: The Foundation and Split of the International Union of Students, in: Kott, Sandrine, Muschik, Eva-Maria, Roehrlich, Elisabeth (eds.): International Organizations and the Cold War: Competition, Cooperation, and Convergence, 2025 (Histories of Internationalism), p. 131–144.

Gillabert, Matthieu; Pešta, Mikuláš: L’Union internationale des étudiants (UIE). Stratégies de légitimation en début de guerre froide mondiale, in: Les cahiers du GERME (34), 2022, p. 79–83.

Print Friendly, PDF & Email
(Comments are closed)