Années 30 : l’UNEF change de cap

La Première guerre mondiale et ses conséquences ont fait sortir le milieu étudiant du XIXe siècle[1]. Si par rapport à ce que nous connaissons aujourd’hui il reste « socialement étroit, dans ses effectifs comme dans son recrutement »[2], les étudiants de l’entre-deux-guerres ne sont plus ceux qui avaient fondé l’Union Nationale des Associations Générales d’Etudiants de France en 1907.  

L’UNEF ET LES TRANSFORMATIONS DU MONDE ETUDIANT

Arrêtons-nous quelques instants sur l’évolution du milieu étudiant dans l’entre-deux-guerres. Celle-ci se caractérise d’abord par «la lente progression des effectifs»[3]. En 1920, après les coupes sombres opérées par la Première guerre mondiale, le nombre d’étudiants a rattrapé le niveau atteint en 1914. 45 000 étudiants fréquentent alors les établissements de l’enseignement supérieur. Pendant quinze ans, les effectifs progressent régulièrement chaque année pour atteindre près de 93 000 étudiants en 1934. Si au milieu des années trente l’arrivée à l’Université des classes creuses de la Première guerre mondiale remet en cause pendant un temps cette évolution[4], le fléchissement n’est que conjoncturel ; la lente démocratisation du second degré prépare des augmentations bien plus importantes[5]. A la veille de la mobilisation, 90 000 étudiants fréquentent l’enseignement supérieur.

L’augmentation ne résulte pas du dynamisme démographique de la population française — la tendance est plutôt au vieillissement —, il nous faut donc chercher ailleurs les causes du doublement des effectifs entre 1920 et 1939. L’élargissement progressif du recrutement aux classes moyennes et l’augmentation du nombre de jeunes femmes accédant à l’Université sont les principales causes de cette augmentation. L’évolution en cours n’est donc pas simplement d’ordre quantitatif mais également d’ordre qualitatif ; la mise en avant des difficultés d’existence des étudiants  dès le début des années vingt, nous montre d’ailleurs que la « question sociale » émerge à l’Université avant même que la crise économique du début des années trente ne vienne fragiliser la situation financière des milieux les plus aisés dont étaient encore issus l’essentiel des étudiants au début du siècle.

L’étudiant des années trente n’est donc plus seulement l’étudiant bien né. Dans l’entre-deux-guerres, l’Université s’ouvre peu à peu aux classes moyennes[6]. L’augmentation du nombre de boursiers entre 1920 et 1930 encourage cette évolution[7]. «Les professeurs sont au pouvoir ; Herriot en est comme le prototype, puis Daladier»[8] ; le modèle du «boursier méritant» montre que l’ascension vers les classes dirigeantes de la société est possible.

Des étudiants frappés par la crise

L’arrivée de la crise amplifie sans doute aussi – ou tout du moins conforte – cette augmentation : les professions libérales sont le groupe professionnel dont les revenus résistent le mieux à la crise économique ; si leurs revenus baissent, les fonctionnaires bénéficient toujours de la garantie de l’emploi ; pour des jeunes issus de milieux particulièrement touchés par la crise la poursuite d’études préparant à ces professions ouvre des perspectives. Mais, les années trente rappellent aux étudiants que pour constituer parfois un monde à part, le monde étudiant n’en est pas moins exposé aux aléas qui touchent l’ensemble de la société française. Ces étudiants sont donc aussi des étudiants frappés par la crise.

La paupérisation d’une partie du milieu se traduit par l’apparition d’un discours sur «l’étudiant pauvre» dans la presse universitaire de gauche et d’extrême-droite. Parallèlement, le développement du chômage intellectuel favorise l’émergence de «protectionnismes» qui contribuent à renforcer un «individualisme» qui tend à s’opposer à « l’esprit de corps »[9] que tentent de promouvoir les associations. Avant même que pèse sur eux la menace d’une nouvelle guerre, les difficultés du temps contribuent au désenchantement de ces étudiants qui semblent regretter l’âge d’or décrit dans les journaux d’A.G. mais qui contribuent aussi au développement d’un état d’esprit plus volontiers revendicatif.

Les revues des A.G. se font aussi l’écho de l’aggravation des conditions de vie des étudiants. « Les conditions d’existence ont changé pour l’étudiant. L’encombrement des Facultés, la surcharge des programmes, la difficulté d’utilisation des diplômes, les conditions d’existence souvent incertaines et parfois pénibles, constituent les mêmes éléments d’un problème nouveau qui se pose à tous les étudiants », peut on lire en avril 1936 dans Angers-Etudiant.

La première ­raison que l’on peut avancer pour expliquer cette détérioration est d’origine endogène : l’augmentation des effectifs consécutif à l’élargissement social du recrutement.  En l’absence d’une politique publique d’aide sociale aux étudiants[10], on assiste alors à une augmentation du nombre d’étudiants dans le besoin.

L’année 1935 est sans doute celle de la généralisation à l’ensemble des étudiants des difficultés  jusqu’ici rencontrées par une minorité.  Résultant de modifications de la conjoncture extérieure au milieu étudiant. Les raisons sont cette fois-ci d’origine exogène. La politique de déflation mise en œuvre par le gouvernement Laval à partir de juillet 1935 s’attaque aux dépenses publiques. La baisse du traitement des fonctionnaires, des pensions et des rentes se répercute au niveau des aides financières susceptibles d’être apportées aux étudiants par leur famille. Les coupes budgétaires n’épargnent pas l’Education nationale où les crédits consacrés aux boursiers et aux pupilles de la nation sont  réduits de près de 20 % entre 1935 et 1936[11]. Le doublement des droits universitaires lors de la rentrée universitaire de novembre 1935[12] touche quant à lui tous les étudiants et suscite notamment le lancement par l’UNEF d’un mot d’ordre de «grève générale »[13]  pour les 11 et 12 février 1936. Son annonce « [est] acclamée avec enthousiasme »[14] par les étudiants avant qu’elle ne soit décommandée par le bureau de l’U.N. « après la constitution d’une commission ministérielle où [son secrétaire général] représent[e] tous les étudiants de France »[15]. Si le congrès de l’U.N. qui se tient à Nancy le mois suivant du 13 au 19 avril, approuve l’attitude du bureau de l’U.N. dans cette affaire, une forte minorité lui reproche d’ »avoir accepté de transiger »[16] et refuse d’approuver le rapport du secrétaire général[17].

Malgré l’objectif gouvernemental de baisse des prix, l’indice général des prix repart à la hausse à partir de l’automne 1935. Au cours des quatre ans qui suivent, le prix des produits alimentaires augmente de 146 %[18]. Cette hausse généralisée des prix touche tous les étudiants qui font leurs calculs pour « obtenir l’augmentation du taux des bourses que justifie la hausse du coût de la vie »[19].

Face aux difficultés, on recherche parfois dans le folklore un peu de réconfort. C’est ainsi que l’Association des étudiants en médecine de Paris (AEMP) pense trouver dans « la résurrection de la gaité du Quartier Latin  (sic) […] une détente nécessaire et bienfaisante qui […] fait oublier un peu les soucis de l’heure présente, et [l’] inquiétude pour l’avenir »[20]. On n’oublie pas toutefois d’organiser une tombola au profit de la caisse de secours de l’association ; « étant donné la crise actuelle et la gêne dans laquelle peuvent se trouver certains […] en particulier pour le paiement de leurs droits universitaires, l’Association réserv[e] toujours un accueil bienveillant aux appels qui lui [sont] adressés »[21].

L’UNEF change de cap

L’« entr’aide » n’est pas une nouveauté, elle existe de longue date et s’est renforcée au lendemain de la Première guerre mondiale avec le retour des étudiants anciens combattants. La nouveauté de la période réside plus dans le développement d’un esprit revendicatif qui dépasse alors le cadre des groupements politiques étudiants qui se sont développés pendant les années vingt. Trop marquée, l’Union fédérale des étudiants (UFE) qui regroupe étudiants socialistes et étudiants communistes dans une structure que Jacques Varin qualifie de pré-syndicale[22], ne parvient pas à capitaliser cet esprit revendicatif et à remettre en cause la position dominante de l’UNEF qui a l’écoute des Pouvoirs publics.

La détérioration des conditions de vie des étudiants et les incertitudes qui pèsent sur leur avenir[23] posent la question de leur identité, de leur reconnaissance, de leur place dans la nation[24]. Ces préoccupations ne sont sans doute pas absentes des crises qui secouent l’UNEF dans la première moitié des années trente ; c’est autour des réponses à apporter à cette situation que se cristallisent des oppositions au sein de l’UNEF au cours des années universitaires 1935-1936 et 1936-1937. En avril 1935, six A.G. disposant d’environ 30 % des droits de vote du congrès[25] refusent le quitus à l’équipe sortante ; en avril 1936, l’attitude du bureau de l’U.N. face à l’augmentation des droits d’inscription est acquise par 82 voix contre 51[26] : on s’oppose à l’UNEF.

Si l’on ne parvient pas à distinguer de façon formelle une bipolarisation de l’organisation étudiante entre partisans d’une Université « plus ouverte » et partisans d’une Université « plus conforme à la tradition », on observe par contre l’émergence d’une sensibilité cherchant à capitaliser l’esprit revendicatif qui s’est développé dans les universités. Sa première particularité est de se saisir de revendications transcendant les intérêts disciplinaires et qui ne sont pas neutres comme la baisse des droits d’inscription et l’extension des possibilités d’exonération car elles reviennent à favoriser l’augmentation du nombre des étudiants par un élargissement social du recrutement. Sa seconde particularité réside dans l’un des moyens d’action qu’elle ne se refuse pas à utiliser pour faire avancer ses revendications : la grève.

Cette orientation est encore minoritaire au congrès de 1936 mais nous attribuons à une « sensibilité » cherchant une nouvelle voix pour l’organisation étudiante l’origine de d’une motion adoptée au début du congrès demandant notamment la constitution d’une « Commission de revendications » chargée d’établir une « Charte des étudiants » qui « couper[ait] court aux tentatives des certaines Associations politiques et confessionnelles qui essaient de prendre en mains l’action revendicatrice des étudiants, rôle normalement dévolu à l’Union nationale »[27].

Le congrès qui se tient à Vichy du 29 mars au 4 avril 1937 apparaît comme celui du changement. Les deux dernières années de l’entre-deux-guerres ne ressemblent pas aux précédentes l’UNEF change de cap. Ce tournant a-t-il été vécu comme tel par la majorité des délégués ? Difficile de répondre en l’absence du compte rendu officiel. Une chose est sûre dans l’année qui suit l’élection à sa présidence de Claude Delorme, l’UNEF opère un recentrage de son orientation autour de la questions de l’aide sociale encouragé par le ministère de l’Education nationale et son ministre : Jean Zay.

Après la série de crises qui l’avaient secouée au début de la décennie[28], c’est une organisation étudiante apaisée et confiante en sa capacité à peser sur l’avenir des étudiants qui aborde la fin des années trente.

L’Etat, l’UNEF, le CSO : « une collaboration inédite ».

Un mois et demi après l’arrivée de Jean Zay rue de Grenelle, les Œuvres sont regroupées au sein d’un Comité supérieur des œuvres sociales en faveur des étudiants (CSO) doté d’un secrétariat permanent dirigé par un ancien vice-président de l’Union Nationale, secrétaire général du BUS depuis sa création : Alfred Rosier[29].  Cette création est le signe d’ « une convergence » entre le désir exprimé par l’UNEF de pérenniser ses principales réalisations en collaborant avec les Pouvoirs publics et « une préoccupation essentielle »[30] du nouveau ministre : « une politique générale des étudiants »[31].

Lors de son congrès tenu à Toulouse en avril 1929, la commission « Vie matérielle des étudiants – Affaires économiques » avait émis le vœu « que soit constitué un organisme réduit à quelques personnes comprenant des représentants du ministère de l’Instruction publique, des techniciens et des représentants de l’UNEF. Cet organisme [devait avoir] pour but de répartir les fonds destinés à l’aide sociale aux étudiants [et de] permettre[e] l’établissement d’un véritable programme d’hygiène et d’aide matérielle aux étudiants »[32]. La demande continuait d’exister en juin 1936.

Le projet de Comité supérieur des œuvres est antérieur à la première rencontre officielle de l’UNEF avec le nouveau ministre[33]. Si, comme nous le pensons, Alfred Rosier est l’auteur de la note du 12 juin 1936, nous avons alors une parfaite illustration du rôle joué par un ancien responsable de l’UNEF dans l’aboutissement d’une de ses revendications. Retenons surtout, que la création du Comité supérieur des œuvres sociales en faveur des étudiants est placée sous le signe d’une convergence d’intérêts où domine une volonté du ministre de l’Education nationale qui est aussi une des marques du Front populaire : celle d’ « organiser ».

La création du Comité supérieur des œuvres sociales en faveur des étudiants organise «une  collaboration inédite» : l’instauration d’une représentation des étudiants par l’intermédiaire de l’UNEF au sein de cet organisme satisfait pleinement le vœu émis en 1929. C’est après la mise en place du Secrétariat permanent l’autre innovation majeure du dispositif prévu par l’arrêté du 27 juillet 1936. Pour la première fois des représentants des étudiants sont appelés à siéger dans une instance dépendant du ministère de l’Education nationale aux côtés des représentants de l’administration. Cette collaboration sera souvent rappelée. Elle apparaît à la Une du Courrier des étudiants; de mai-juin 1938[34] dans laquelle le directeur de l’Enseignement supérieur, Théodore Rosset, en souligne le caractère exceptionnel et novateur : « toutes ces créations [OSSU, OTU, BUS…] et celles qui viendront à l’avenir, pourront désormais naître, croître et prospérer par la collaboration constante et confiante des administrateurs et des étudiants. Cette collaboration a pu paraître audacieuse. A priori seulement, car la pratique a prouvé qu’elle était possible, facile et féconde. Les associations d’étudiants ont montré, par leur action quotidienne, qu’elles méritaient que le Ministre leur fît confiance et qu’elles plaçaient, […] au premier plan de leurs préoccupations et de leur action, l’intérêt supérieur des études et le bien des étudiants.

Les responsables de l’UNEF qui siègent au CSO partagent cet avis : « les rapports avec les pouvoirs publics sont excellents, en tant que représentants de l’UNEF nous sommes toujours bien accueillis »[35]. Dans le discours qu’il prononce lors de cette séance d’ouverture du congrès de 1939 Jean Zay commence par rappeler cette collaboration avant de dresser le bilan de son action au ministère de l’Education nationale : « Mon premier devoir au seuil de ce congrès, c’est de souligner la collaboration quasi quotidienne qui a existé entre vous et nous, collaboration qui ne s’est proposée comme but que de servir les intérêts des étudiants. Nous avons abouti à des résultats. Je remercie Mr. Delorme, qui s’est montré le représentant et le défenseur des intérêts des étudiants français. […]. Je remercie particulièrement mon ami Rosier, qui est des vôtres, au point qu’il est auprès de moi un étudiant toujours en activité, qui s’efforce de faire comprendre à l’administration tous les problèmes qui peuvent vous préoccuper. […]. L’administration des grandes œuvres créées par l’U.N. ne pouvait pas avoir d’existence réelle si une collaboration minutieuse ne les soutenait pas. Je veux rendre à l’Union Nationale ce premier hommage  qu’elle a pris ses responsabilités et demandé une collaboration nécessaire ».[36]

Alfred Rosier qui est de toutes les réunions importantes de l’UNEF est le symbole de cette collaboration .« Les  résultats auxquels nous sommes arrivés sont dus à Rosier, à notre ami Rosier. Nous avons la chance de l’avoir comme chef de cabinet à l’Education nationale, nous formons le vœu qu’il y reste encore bien longtemps. Il sait présenter nos vœux à la façon “Union Nationale”. Il garde « le souvenir de cinq ans d’Union Nationale et sait ce que sont les congrès d’étudiants »[37], nous dit Claude Delorme ; ajoutons qu’il sait aussi négocier la rédaction de certains vœux.

Un an après la mise en place du CSO, au sortir du congrès de Vichy, la volonté de l’UNEF de placer l’aide sociale au cœur de son action et celle de Jean Zay de mettre en place une véritable « politique générale des étudiants »[38] peuvent se rencontrer. Nul doute qu’après avoir fait l’expérience de la droite à la tête de l’UNEF[39], celui-ci accueille favorablement les changements survenus à l’UNEF et en particulier l’élection d’un étudiant socialiste à sa présidence. Fort du soutien de son jeune ministre[40] qui le nomme chef de cabinet le 1er juillet 1937, assuré de la bonne volonté des dirigeants de l’UNEF, Alfred Rosier peut alors orchestrer un nouveau départ pour les Œuvres. « Le Sanatorium des étudiants s’agrandit » et « la médecine préventive universitaire est instituée ». « Le BUS étend ses activités ». « L’OSU devient l’OSSU et prend une dimension nouvelle »[41]. Disons tout de suite et une fois pour toutes que ces changements doivent plus à la volonté des quelques hommes réunis au sein du CSO et aux moyens mis à leur disposition par Jean Zay, qu’à l’activité propre de l’organisation étudiante. Ils n’en répondent pas moins aux attentes de l’UNEF qui s’associe à ce nouveau départ en siégeant au CSO et en approuvant les différentes initiatives lors de ses réunions nationales.

L’INSTITUTIONALISATION DE L’UNEF

L’UNEF privilégie depuis toujours l’action institutionnelle pour parvenir à ses fins. En l’absence de répondant — ce fut le plus souvent le cas en matière d’aide sociale jusqu’à l’arrivée de Jean Zay —, elle prend l’initiative de mettre en place les structures qu’elle juge indispensables, non sans quelques difficultés : neuf ans séparent la pose de la première pierre du Sanatorium de Saint-Hilaire-du-Touvet, le 25 octobre 1924, de son inauguration  définitive le 7 juillet 1933[42]. Dès 1928, elle demande « une représentation de l’U.N. au Conseil supérieur de l’instruction publique »[43] et en 1929 une représentation au sein d’un organisme qui « aurait pour but de répartir les fonds destinés à l’aide sociale aux étudiants »[44]. On imagine donc assez aisément le bon accueil réservé à la première représentation officielle de l’U.N. au sein d’une instance présidée au nom du ministre par le directeur de l’Enseignement supérieur.

Lors de la réunion du CSO de juin 1937 qui suit son élection, Claude Delorme obtient « après une discussion très énergique »[45] que soit tranchée une question restée en suspens depuis sa création, celle du monopole de l’UNEF en matière d’aide sociale aux étudiants : « seules les Associations générales d’étudiants affiliées à l’U.N. peuvent être représentées au Comité des Œuvres et les crédits affectés aux œuvres d’étudiants doivent être automatiquement versés aux A.G. et non à toutes autres associations ». Forte cette reconnaissance, les responsables de l’Union Nationale engagent l’organisation étudiante sur la voie de l’institutionnalisation. Celle-ci se manifeste d’abord par la participation de l’UNEF au Courrier des étudiants publié par le CSO qui à partir de son numéro de mai-juin 1938 devient aussi l’organe officiel de l’Union Nationale.

Un journal national : le courrier des étudiants

La « publication d’un journal ou d’un bulletin de l’UNEF » était l’une des raisons qui avait motivé le vœu émis par les A.G. de Toulouse et de Dijon au congrès de 1929[46] de créer d’une commission s’occupant de la presse universitaire. En se contentant de mettre en place un secrétariat de presse chargé de coordonner les initiatives des A.G., le congrès d’Alger[47] n’avait pas répondu à cette attente. L’absence d’organe de presse officiel de l’UNEF jusqu’en 1938 ne correspond pas à un manque de moyens, de nombreuses A.G. disposent du leur et l’UNEF assure le secrétariat de presse de la CIE depuis 1932 ; avant de s’adresser aux étudiants, l’Union Nationale s’adresse surtout aux pouvoirs publics.

 La création du CSO et la publication du  Courrier des étudiants pour appuyer son action à partir de novembre 1937  modifie cette situation. Le Courrier des étudiants correspond à une préoccupation du ministère de communiquer en direction des étudiants pour donner une lisibilité aux décisions du CSO et montrer l’attention portée à l’avis de leurs représentants étudiants. Cette création apporte « un renouveau d’actualité »[48] à « la question du journal de l’U.N ». Lors de la réunion de l’Office de presse de l’UNEF du congrès de Nice, en avril 1938, Jean David rend compte « des négociations entamées pour faire du “Courrier” un journal de l’U.N »[49] et reçoit le mandat de continuer les négociations sous réserve que l’UNEF dispose d’une liberté d’expression  et de l’absence pour elle d’obligations financières. Sans doute ne manquait-il plus que cet accord du congrès : dès le numéro de mai-juin 1938, Le Courrier des étudiants devient le « bulletin mensuel du Comité Supérieur des Œuvres sociales en faveur des étudiants et de l’Union Nationale des Etudiants de France ». S’il n’en reste pas moins domicilié 110 rue de Grenelle, Paris VIIe, au ministère de l’Education nationale, l’UNEF peut y publier sa motion remettant en cause le bien fondé de l’Ecole nationale d’administration voulue par le ministère[50].

Le compte-rendu de la dernière réunion du CSO y côtoie le film du congrès de Nice de l’UNEF[51] ; l’éditorial de la page de couverture est aussi bien signé par le directeur de l’Enseignement supérieur — Théodore Rosset — qui y rappelle la création du CSO[52] que par le président de l’UNEF qui s’y félicite de la mise en place de la médecine préventive universitaire en soulignant l’exemplarité de la collaboration qui s’est établie entre les représentants des étudiants, de l’administration et des Œuvres[53]. Chacun y trouve son avantage : une caution étudiante pour le ministère, une reconnaissance institutionnelle vis-à-vis des étudiants pour l’Union Nationale. Sans doute faut-il aussi y voir une préoccupation nouvelle pour l’UNEF, celle de communiquer, et pour certains responsables nationaux de l’organisation étudiante un moyen d’orienter l’action de l’UNEF et de ses A.G.

Le rapport présenté par Jean David au conseil d’administration de l’UNEF des 17 et 18 décembre 1938[54] illustre ce nouveau souci de l’Union Nationale de communiquer. On est d’abord marqué par le décalage qui existe entre une activité internationale de l’Office de presse de l’UNEF très développée — 16 pages — et l’absence de réalisation d’un point de vue national. C’est ensuite   « le programme des réalisations nationales de l’Office de  presse » qui retient notre attention ; son ambition se résume en une phrase : « L’œuvre de l’Office, sur le plan national, devra répondre à celle accomplie sur le plan international »[55].  Le programme prévoit d’aider les A.G. qui rencontrent des difficultés à assurer une certaine régularité à leur publication. Il insiste ensuite sur les relations à établir avec les grands quotidiens. Il s’agit d’assurer un « contact personnel avec le rédacteur universitaire de chaque quotidien »[56] et de « maintenir avec lui des relations amicales par les moyens les plus opportuns » ; il sera ainsi possible de disposer « dans chaque salle de rédaction […] d’un rédacteur universitaire qui veillera à la parution [des] communiqués ». Jean David précise la nature des communiqués. Pour l’UNEF, il s’agira « de porter à la connaissance des lecteurs les réunions, conseils et congrès de l’Union Nationale des Etudiants et surtout de les informer des questions qui y auront été débattues »[57].

Les communiqués devront également porter sur les Œuvres, « leur action salutaire [étant] insuffisamment connue du grand public »:

« Il ne faut pas ignorer ce que sont l’Office du tourisme universitaire qui se développe dans un sens plus démocratique, et l’Office du sport scolaire et universitaire dont l’action sera salutaire à la jeunesse du pays. Mais il faut aussi que ce grand public sache ce qu’est l’Œuvre du Bureau universitaire de statistiques, et connaisse l’existence des Centres locaux d’orientation professionnelle. Il faut que l’existence du Sanatorium des Etudiants soit plus connue du français moyen, et nous solliciterons de quelques quotidiens à grand tirage l’envoi de reporters à Saint-Hilaire-du-Touvet. Enfin, nos informations devront porter sur l’organisation de la Semaine Sociale des Etudiants, initiative prise l’an dernier, dont le succès eût été plus complet s’il avait été soutenu par une publicité plus considérable ».

L’UNEF semble découvrir l’intérêt que peut représenter l’opinion publique.

S’il ne semble pas que l’intention de Jean Zay et d’Alfred Rosier ait été d’ »étatiser » les Œuvres, l’évolution de ses fondations n’en soulève pas moins quelques inquiétudes au sein de l’Union Nationale, comme nous le montre l’organisation de la Semaine sociale de l’étudiant de 1939 et le débat qu’elle provoque lors du congrès de Versailles[58].

La Semaine sociale de l’étudiant a pour origine un projet de l’Office de médecine de l’UNEF sur « l’organisation de manifestations en faveur du Sana de Saint-Hilaire-du-Touvet »[59] transmis à Alfred Rosier en novembre 1937. Après une concertation entre le CSO et l’Office de médecine de l’UNEF, le projet d’une « Semaine nationale aux profits des œuvres sociales d’étudiants » du 22 au 27 mars 1938 fut retenu et soumis au conseil d’administration de l’UNEF de décembre 1937 qui donna son approbation. Si toutes les A.G. ne participèrent pas à cette première initiative nationale impulsée conjointement par le CSO, l’Office de médecine et le secrétariat général de l’Union Nationale, les résultats furent néanmoins jugés suffisamment positifs pour qu’il fut décidé de reconduire cette manifestation en 1939.

Annoncée à la Une du Courrier des étudiants de mars 1939[60], la Semaine sociale de l’Etudiant est après le congrès annuel de Pâques, le deuxième temps fort « national » de l’UNEF en 1939. Pour la première fois sans doute, une action décidée nationalement est mise en œuvre par une majorité d’A.G.[61] qui organisent dans leur université des manifestations destinées à recueillir des fonds pour le « Sana »[62]. Son organisation prend ansi une toute autre ampleur. Un secrétariat d’organisation est mis en place par le CSO qui demande à l’UNEF d’avancer des fonds « pour le paiement d’un employé »[63]. Une commission comprenant René-Yves Le Mazou, des membres de la Fédération des étudiants de Paris, de l’Office de médecine et « un représentant des “Anciens”[64] a en charge de veiller sur sa préparation. A Paris un gala cinématographique est organisé à l’Opéra avec la projection du film « Toute la ville danse » ; une loterie et une vente d’insignes sont organisées le même jour dans toute la France[65]. En marge de cette manifestation, le ministère des P.T.T. émet le 1er décembre 1938 à 657.000 exemplaires un timbre à surtaxe  vendu au profit du CSO. En un peu moins de cinq mois la surtaxe de soixante centimes rapporte trois cent quinze mille francs[66]  correspondant à la vente de 580.000 exemplaires[67]. Ouverte quelques mois plus tôt par l’émission de ce timbre, la Semaine se clôt deux mois plus tard par un bal organisé en présence du ministre de l’Education nationale le 22 juin à l’Opéra[68]. 50 % des fonds collectés sont attribués au Sanatorium, 20 % reviennent au BUS, les 30 % restants sont conservés par les A.G. organisatrices pour leur permettre d’aider des étudiants devant rejoindre le Sanatorium[69].

Le renforcement du rôle de l’Union Nationale vis-à-vis des A.G.

La participation de l’UNEF au Courrier des étudiants et l’organisation de la Semaine sociale de l’étudiant sont des signes parmi d’autres du renforcement du rôle de l’Union Nationale vis-à-vis des A.G.. Claude Delorme, René-Yves Le Mazou et Jean David sont en relations constantes avec le CSO par l’intermédiaire d’Alfred Rosier ; plus que jamais les A.G. ont besoin d’eux pour défendre leurs demandes en matière d’aide sociale.

Jusqu’ici directement adressées à la direction de l’Enseignement supérieur, les demandes sont désormais examinées par le CSO où siègent le président et le secrétaire général de l’Union Nationale. Claude Delorme et René-Yves Le Mazou insistent sur ce point lors du congrès de 1938. René-Yves Le Mazou en profite pour rappeler aux A.G. « de toujours [leur] envoyer un double de la correspondance »[70] qu’elles adressent au ministère « pour que l’U.N. soit au courant et puisse appuyer [leur] démarches, et cela pour toutes questions, demandes de subventions, clubs des A.G. »  Il y reviendra l’année d’après pour demander aux A.G. de lui faire parvenir « une copie de la lettre par laquelle [les président d’A.G.] informent les recteurs des bénéfices qu’ils ont faits »[71] lors de la Semaine sociale.

  Cette présence des deux principaux responsables de l’UNEF au sein du CSO est d’autant plus importante qu’on y décide de la répartition des subventions destinées aux cités universitaires, aux restaurants universitaires, et, sujet qui intéresse tout particulièrement les Associations générales, des subventions accordées aux A.G. pour le fonctionnement de leurs œuvres sociales. Rendant compte de la réunion du CSO du 31 mars 1938, Claude Delorme est en mesure de garantir à celles qui n’auraient pas encore reçu à la fin du mois de mai la subvention qui leur a été attribuée, qu’il leur suffit de s’adresser à l’U.N. pour être « pay[ées] immédiatement »[72]

Les années 1937-1939 marquent un moment important dans l’histoire de l’UNEF et du mouvement étudiant : elles consacrent la reconnaissance officielle de l’UNEF comme seule organisation représentative des étudiants ; elles voient la mise en place d’une véritable politique d’aide sociale aux étudiants assurant la pérennisation des Œuvres et la satisfaction d’anciennes revendications comme celle d’une médecine préventive universitaire conçue comme un premier pas en direction d’un système généralisé d’assurance-maladie pour les étudiants.          L’institutionnalisation de l’UNEF et de ses fondations a pour effet de modifier la nature de l’organisation étudiante : une véritable Union Nationale tend à remplacer la vielle fédération. Ce mouvement ne se fait pas sans qu’apparaisse une nouvelle difficulté : l’institutionnalisation des Œuvres est parfois vécue comme une dépossession. L’organisation conjointe de la Semaine sociale de l’étudiant de 1939 par l’UNEF et les pouvoirs publics par l’intermédiaire du CSO contribue à révéler le nouveau rôle joué par l’Union Nationale auprès de ses A.G. ; mais si elle marque la reconnaissance de ses fondations, elle montre aussi toute l’ambiguïté de leur nouveau statut et favorise chez certains responsables étudiants le sentiment d’en être dépossédé. Difficilement perceptible en 1938, le débat est nettement posé en 1939.

Pour Roger Bazex[73] qui a été l’origine de la Semaine sociale de 1938, celle de 1939 n’est « plus estudiantine, mais ministérielle[74] : l’UNEF l’a « créée, et, par la suite, le ministère s’en est emparé » ; Jean David a dû “gueuler” au téléphone[75] pour que l’Union Nationale figure sur le papier à lettres servant à sa préparation et que le nom de Claude Delorme soit mentionné. René-Yves Le Mazou approuve ses critiques.

L’UNEF nous apparaît majoritairement acquise aux évolutions en cours. Toutefois, l’orientation défendue par Claude Delorme, Jean David et Albert Lenclud, qui placent au centre de leurs priorités la question de l’aide sociale aux étudiants, nous apparaît comme fragile. Roger Bazex et avec plus de retenue René-Yves Le Mazou,  tendent à se démarquer de cette orientation placée sous le signe de la collaboration avec le ministère Jean Zay. Cette orientation n’en est pas moins majoritaire ; sans doute parce qu’elle sait ménager l’autre orientation possible : celle de l’opposition avec le ministère sur le terrain des réformes de l’enseignement[76]. Personne ne s’oppose à la réélection de Claude Delorme au congrès de Nice de 1938[77]. Albert Lenclud, prend sa suite l’année suivante sans plus d’opposition[78]. Il fait élire Delorme par applaudissements président d’honneur.

Le développement des Œuvres universitaires entre 1936 et 1939 n’est pas moins dissociable du nom de Claude Delorme que de ceux de Jean Zay et d’Alfred Rosier. Claude Delorme leur assure le soutien de l’Union Nationale. Sous sa présidence l’UNEF s’institutionnalise et tend à occuper une place qu’elle n’avait sans doute jamais eue auparavant : vis-à-vis de Pouvoirs publics, l’UNEF est désormais représentée dans une instance ministérielle, le CSO ; vis-à-vis des A.G., l’Union Nationale ne se contente plus d’être leur porte-parole mais inspire en partie leur activité ; et vis-à-vis des étudiants qui y adhèrent davantage que par le passé : l’UNEF qui regroupait 14 000 étudiants en 1938[79] en réunit 21 000 en 1939 soit près d’un étudiant sur quatre[80].

Nous ne réduirons cependant pas les « années Delorme » à l’action de l’UNEF en matière d’aide sociale, la collaboration avec le ministère Jean Zay et l’aide apportée par Alfred Rosier s’exercent dans d’autres domaines encore plus marqués idéologiquement. L’UNEF de la fin de l’entre-deux-guerres n’est pas une entité désincarnée. Elle existe dans le bureau d’un ministre, dans les couloirs d’une faculté, ou sur un terrain de sport, par la volonté de quelques centaines d’étudiants pouvant prétendre qu’ils en représentent une dizaine de milliers. Ils étudient à Tours ou à Paris, à Bordeaux ou à Strasbourg ; ils se destinent à l’exercice d’une profession libérale, aux métiers de l’art ou à devenir fonctionnaires mais ils ont en commun de faire partie d’une « jeune génération de la crise »[81], et la jeunesse, comme la période, est propice aux engagements.

POUR RESUMER NOTRE PROPOS

A la fin des années trente, la pression exercée conjointement par une partie des étudiants qui placent désormais la question sociale au premier rang de leurs proccupations et par l’ambition réformatrice des nouveaux maîtres de l’Education nationale au lendemain de la victoire du Front populaire met en mouvement l’organisation étudiante. Lorsqu’au congrès de Vichy de 1937 les préoccupations sociales prennent le dessus sur la « protection » des disciplines, l’UNEF change de cap.

Placées sous le signe d’une convergence entre ces deux parties, les deux années qui suivent sont celles des grandes avancées pour le mouvement étudiant : généralisation de la médecine préventive universitaire faute de pouvoir mettre en place « les caisses des malades » revendiquées depuis la fin des années vingt compte tenu des difficultés financières du moment ; réforme du sport universitaire synonyme de moyens sans précédent ; agrandissements du Sanatorium ; développement de centres locaux d’orientation professionnelle ; subventionnement des restaurants universitaires au prorata du nombre de repas servis ; reconnaissance officielle enfin d’un « fait » – syndical ? – « étudiant » à travers la mise en place du Comité supérieur des œuvres sociales en faveur des étudiants où l’UNEF représente pour la première fois les étudiants à un niveau ministériel.

Associée au développement des Œuvres universitaires par le ministère Jean Zay, l’UNEF s’institutionnalise, ce qui modifie la physionomie de l’organisation étudiante en renforçant le rôle de sa direction nationale. Accompagnant le resserrement de son orientation autour des questions d’aide sociale qui transcendent les disciplines et les contingences géographiques, une véritable Union Nationale tend à se substituer à la fédération d’associations fondée à Lille en 1907.

A la fin de l’été 1939, avant de rejoindre leur centre de mobilisation, les membres du Bureau de l’Union « charg[ent], un de ses vice-présidents que n’appelle pour le moment aucune obligation militaire, de se déplacer avec les Œuvres, et d’y maintenir le rôle qu’y a toujours joué l’UNEF »[82]. C’est l’expression d’une volonté – maintenir l’UNEF pour maintenir les Œuvres.

Stéphane Merceron

Les Cahiers du Germe spécial 3, « engagements étudiants », mars 1998.

[1]. Malgré le cliché qu’elles tendent à instaurer, nous renvoyons le lecteur aux descriptions que Michel De La Fournière et François Borella font de cette période. Cf. DE LA FOURNIERE (Michel) et BORELLA (François), Le syndicalisme étudiant., pp. 22-24 et pp. 37-39.

[2]. ORY (Pascal), « Les Universités belges et françaises face à l’occupation allemande », art. cit., p. 52.

[3]. Nous avons repris des chiffres proposés par Didier Fischer auxquels nous avons ajouté ceux cités par Michel De La Fournière et François Borella. Dans les deux cas, les chiffres indiqués résultent d’une compilation de statistiques du ministère de l’Instruction publique ou de l’Education nationale et du Bureau universitaire de statistiques (BUS). Cf. FISCHER (Didier), «Le monde étudiant à la Libération»,Cahiers du Germe spécial n°1 mars 1996 p. 19 et DE LA FOURNIERE (Michel) et BORELLA (François), op. cit., p 19-33.

[4]. Didier Fischer propose d’ajouter à l’effet des classes creuses les conséquences d’un «certain tarissement de l’immigration étrangère» (FISCHER, Didier, op. cit. p 20). Le nombre élevé d’étudiants étrangers inscrits dans les universités françaises nous amène à ne pas négliger cette dernière proposition. En 1930, ils représentaient 20 % des effectifs (Cf. MONCHABLON, Alain, Cahiers du Germe spécial n° 1 mars 1996 p. 6).

[5]. Il y a dans les lycées et collèges 195 000 garçons et filles en 1938 contre 107 000 en 1930, soit une progression de   82 % en seulement huit ans. Cf. BORNE (Dominique) et DUBIEF (Henri), Nouvelle histoire de la France contemporaine, t. 13, La crise des années 30, 1929-1938 ; Paris, Seuil – coll. « Points Histoire » n° 113, 1976, pp. 259 et 264.

[6]. Alain Monchablon estime à 40 % l’apport des classes moyennes à la population étudiante en 1939. Cf. MONCHABLON (Alain), art. cit., p. 6.

[7]. BORNE (Dominique) et DUBIEF (Henri), op. cit., p. 263.

[8]. Ibid., p. 233.

[9]. Angers-Etudiant, s.n., avr. 1936, p. 1.

[10]. Le nombre d’étudiants bénéficiaires d’une bourse dont le nombre est compris entre 600 et 800 ne représente pas 1 % du nombre total des étudiants en 1936. Le Gay sçavoir, n° 2, fév.-mars 1938.

[11]. De 23 613 000 francs en 1935, ils passent à 18 937 970 francs en 1936 (cf. ORY, Pascal, op. cit., p. 43).

[12]. Les droits universitaires se composent de cinq parties : les droits d’inscription, les droits d’immatriculation ou de scolarité, les droits de travaux pratiques et de laboratoires — particulièrement élevés en sciences —, les droits de bibliothèque et les droits d’examens. En 1938, seuls les droits d’inscription peuvent bénéficier d’une exonération. La juxtaposition des différents droits donne un montant total différencié suivant les disciplines et suivant l’année d’études. En 1938, ils sont ainsi de l’ordre de 600 francs en médecine mais de 2 000 francs en stomatologie. Le Gay sçavoir, n° 2, fév.-mars 1938.

[13]. A notre connaissance, il s’agit du premier mot d’ordre du genre pour l’organisation étudiante qui à cette occasion enrichit son répertoire d’action par un emprunt au mouvement syndical. Angers-Etudiant, s.n., fév. 1936, p. 1.

[14]. Ibid.

[15]. Confédération Internationale des Etudiants, IXe année, n° 3, juin-août 1936, p. 4.

[16]. Angers-Etudiant, s.n., mai-juin 1936.

[17]. L’A.G. de Clermont-Ferrand est à ranger au nombre des opposants : organisant un meeting le 11 février 1936, elle n’a pas décommandé la grève. La motion qu’elle adopte lors de ce meeting pour une diminution des taxes universitaires et l’augmentation des possibilités d’exonérations devient dès lors une revendication qu’elle n’entend pas oublier. Le Gay savoir, n° 1, jan. 1936

[18]. L’indice (base 100 en 1919) passe de 300 à 740 pendant cette période.

[19]. « Les Etudiants doivent obtenir l’augmentation du taux des bourses que justifie la hausse du coût de la vie » par Yves Moreau, rédacteur en chef du Gay sçavoir. Le Gay Sçavoir, n° 2, fév.-mars 1938.

[20]. AEMP, n° 1, avr. 1936, p. 3.

[21]. AEMP, n° 2, mai 1936, p. 8.

[22]. Voir contribution VARIN.

[23]. A. MONCHABLON « L’UNEF et les étudiants de 1919 à 1939. Des élites inquiètes », art. cit.

[24]. Comme le note très justement Didier FISCHER (Didier), art. cit.

[25]. Aix  , Alger, Marseille , Rouen, Strasbourg, Toulouse et Casablanca, ont 46 voix sur un total d’environ150. Compte rendu du XXIVe congrès tenu à Tours en 1935 (BDIC, 4° _ 1151/1).

[26]. Confédération Internationale des Etudiants, IXe année, n° 3, juin-août 1936, p. 4. Il est vraisemblable que pour les auteurs de la motion, la prise en charge par l’UNEF de l’esprit revendicatif réponde à la nécessité de faire face à la concurrence de l’UFE — qui présente des candidats contre ceux des A.G. lors des élections aux conseils de discipline des facultés —, mais également à une volonté de faire évoluer l’organisation étudiante qui a sa propre logique.

[27]. Confédération Internationale des Etudiants, IXe année, n° 3, juin-août 1936, pp. 3-4.

[28]. En l’absence de recherches et de publications spécifiques, il est encore difficile d’avoir une vue d’ensemble des crises qui agitent l’UNEF au début des années trente. Il semble toutefois acquis qu’elles aient culminé entre 1932 et 1934.  Nous nous contenterons ici d’en retenir trois temps  forts : la scission en 1932 d’un certain nombre d’A.G. — dont celle de Paris, noyautée par l’Action française depuis 1925 —, la dissolution de l’A.G. de Paris début 1934 — la plus importante — suite à une débacle financière, et les «combinaisons » dénoncées par plusieurs délégations qui président à la formation du bureau de l’U.N. lors du XXIIIe congrès tenu à Marseille du 3 au 10 avril de la même année. MONCHABLON (Alain), op. cit, p.16 ; compte rendu du XXIIe congrès tenu à Pau en 1933 (BU Poitiers, AGE 3) ; L’Université de Paris, revue mensuelle de l’AGE de Paris, numéros de février et de mars-avril 1933 (BU Poitiers, AGE 5) ; et compte rendu du XXIIIe congrès tenu à Marseille en 1934 (BDIC, 4° delta 1151/1).

[29]. Président de l’A.G. de Lyon de 1922 à 1927 et vice-président de l’UNEF de 1924 à 1926, Alfred Rosier est juriste de formation. Sa thèse — « bel et important ouvrage sur « La crise du logement ouvrier » est dédiée à l’UNEF » nous rapporte le compte rendu du congrès d’Alger de 1930 (BDIC, 4° delta 1151/1) — fait de lui un spécialiste des Habitations bon marché (HBM). Lorsqu’il quitte l’UNEF, c’est pour rentrer comme rédacteur au ministère de l’Education nationale où il s’occupe des questions relatives aux cités universitaires auprès de Jacques Cavalier, directeur de l’Enseignement supérieur. Après un passage au ministère du Travail, il retrouve le ministère de l’Education nationale de 1932 à 1935 comme attaché auprès du cabinet du ministre socialiste indépendant Anatole De Monzie. Il participe à la création du BUS entre 1932 et 1933 et en assure ensuite sa direction (Cf. BN, salle des périodiques, Nouveau dictionnaire national des contemporains 1961-1962).

[30]. ZAY (Jean), op. cit., p. 330.

[31]. Ibid., p. 34.

[32]. Compte rendu du XVIIIe congrès tenu à Toulouse en 1929 (BDIC, 4°delta 1151/1). Ce compte rendu est particulièrement intéressant du point de vue de l’aide sociale aux étudiants ; y sont également évoqués : l’état d’avancement du Sanatorium, la mensualisation des bourses, les réductions sur les billets des chemins de fer, et la gratuité des musées.

[33]. Situé par Pascal Ory vers le 17 juin 1936 (ORY, Pascal, op. cit., p. 615). Il est néanmoins possible que des contacts aient été pris avant cette date par l’intermédiaire d’Alfred Rosier.

[34]. Le Courrier des étudiants, n° 6, mai-juin 1938, p. 1. Reproduit en annexe n° 14 : « Le Comité supérieur des œuvres sociale en faveur des étudiants ».

[35]. Intervention de René-Yves Le Mazou, « rapports avec les pouvoirs publics », compte rendu du conseil d’administration des 17 et 18 décembre 1938 — « CR Paris 1938 » dans les notes qui suivent — p. 6 (BDIC,              4° delta 1157/1).

[36]. « Discours de Mr. Jean Zay, Ministre de l’Education nationale », CR. Versailles 1939, pp. 5-6 (BDIC, 4° delta 1151/1).

[37]. Ibid., p. 11, intervention d’Alfred Rosier.

[38]. ZAY (Jean), Souvenirs et solitude, Paris, Julliard, 1946, p. 330.

[39]. Lorsqu’il reçoit Georges  Rennwald et Alain Baron peu de temps après sa nomination — « vers le 17 juin 1936 » —, Jean Zay « enten[d] la voix d’une association représentative » (ORY, Pascal, La Belle illusion, op. cit., pp. 616-617) mais a également le sentiment de rencontrer la droite (entretien avec Pascal Ory en novembre 1994).

[40]. Né le 6 août 1904, nommé ministre de l’Education nationale par Léon Blum à l’âge de trente et un ans, Jean Zay en a trente-deux lorsqu’il inaugure en avril 1937 le congrès de Vichy. Né à Cluny le 30 juin 1900, Alfred Rosier a quatre ans de plus que son ministre. Une dizaine d’années seulement les séparent alors de l’âge des responsables étudiants ; cette proximité générationnelle ne doit pas être négligée.

[41]. Comparée à celles des autres œuvres, la réforme de l’OTU ne nécessite pas ici de développement : si ses activités tendent à se développer elles aussi, leur développement apparaît plus quantitatif que qualitatif, cette réforme n’annonce pas de réalisation aussi importante que la mise en place d’une médecine préventive ou la réforme du sport universitaire.

[42]. Le Courrier des étudiants, n° 7, oct. 1938, p. 1.

[43]. Compte rendu du XVIIIe congrès tenu à Toulouse en 1929, commission n° 3 : « Réforme des études », rappel des vœux présentés en 1928 (BDIC, 4° delta  1151/1). Une nouvelle fois émis en 1936, la satisfaction de ce vœu sera refusée par Jean Zay (ORY, Pascal, op. cit., p. 616).

[44]. Compte rendu du XVIIIe congrès tenu à Toulouse en 1929, commission n° 2 : « Vie matérielle des étudiants – Affaires économiques », vœu n°2 (BDIC, 4° delta 1151/1).

[45]. « Compte rendu de l’activité du président de l’UNEF. », CR. Nice 1938, p. 6 (BDIC, 4° delta 1151/1). Cette discussion avait pour objet un problème survenu à Toulouse : après que l’A.G. de Toulouse ait demandé à l’université l’achat d’une maison et son affectation à l’A.G., d’autres associations demandèrent de pouvoir également disposer de ce local.

[46]. Compte rendu du XVIIIe congrès tenu à Toulouse en 1929, commission n° 1 : « Administration de l’U.N. et vie intérieur des A.G. » (BDIC, 4°delta 1151/1).

[47]. Compte rendu du XIXe congrès tenu à Alger en 1930 (BDIC, 4°delta 1151/1).

[48]. « Office de presse universitaire, rapport du directeur de l’office », CR. Nice 1938,  p. 115 (BDIC, 4°delta 1151/1).

[49]. Ibid., p. 116.

[50]. CR. Paris 1938, p. 3 (BDIC, 4° delta 1157/1).

[51]. Le Courrier des étudiants, n° 6, mai-juin 1938.

[52]. Ibid., p. 1.

[53]. Le Courrier des étudiants, n° 7, octobre 1938, p. 1 (cf. annexe n° 16).

[54]. Circulaire 3814 de l’Office de presse universitaire de l’UNEF : « Rapport de l’Office de Presse Universitaire présenté au Conseil d’administration de l’UNEF les 17 et 18 décembre 1938 », 19 pp. (BDIC, 4°  delta 1157/1).

[55]. Ibid., p. 16.

[56]. Ibid., p. 17.

[57]. Ibid., p. 18.

[58]. Cf. infra.

[59]. Réunion de l’Office central des études en médecine de l’UNEF, CR. Nice 1938, p. 29 (BDIC, 4°delta 1151/1).

[60]. Le Courrier des étudiants, n° 11, mars 1939, p. 1 ; cf. annexe n° 18 : « La semaine sociale de l’étudiant ».

[61]. Il n’est pas certain qu’elles y aient toutes participé.

[62]. A Clermont-Ferrand le programme des manifestations est le suivant : kermesse pendant trois jours, thé dansant, rencontres sportives opposant le Clermont-Ferrand Université Club à des équipes militaires et concert de clôture au théâtre municipal.

[63]. CR. Paris1938, p. 19 (BDIC, 4°delta 1157/1).

[64]. Ibid. «L’Association des Anciens membres du bureau de l’Union Nationale des Etudiants» a pour objet de « faire œuvre de propagande en faveur de l’Union Nationale et de ses réalisations, ainsi que du Comité Supérieur des Œuvres sociales en faveur des étudiants » (Dijon-Escholier, n.s., n°9, mars 1939).  Elle a été créée en 1937 lors du Congrès de la  CIE de Paris dont les « Anciens » ont contribué à assurer le succès. Signe de leur engagement au côté de l’UNEF, ils envoient un télégramme qui est lu aux délégués des A.G. pour l’ouverture du congrès de Nice : « Les Anciens de l’Union Nationale vous adressent avec leurs meilleurs vœux de succès pour vos travaux, leurs sentiments de cordiale sympathie. Ribes. » (CR. Nice 1938, p. 5, BDIC, 4° delta 1151/1). Lors du conseil d’administration des 17 et 18 décembre 1938, René-Yves Le Mazou rend compte de leur réunion — le même jour — et de leur invitation à participer au banquet qui la suivra car si « les finances de leur association ne leur permettent pas de [les] inviter gratuitement, ils seront cependant heureux si [les membres du conseil d’administration veulent] bien participer à leurs agapes ». Ils ont tout naturellement leur place dans l’organisation d’une manifestation réalisée au profit de leur plus belle œuvre. Représentant les “Anciens” lors de ce conseil d’administration de l’U.N., Maître Alriq désigne Antébi pour y participer en leur nom (cf. CR. Paris 1938, p. 6, BDIC 4° delta 1157/1).

[65]. Intervention d’Alfred Rosier sur les activités du CSO, CR. Versailles 1939, p. 12 (BDIC, 4°delta 1151/1).

[66]. Ibid., p. 13.

[67]. Catalogue Cérès des timbres-poste, France ; Paris, Cérès, 51e édition, 1993, p. 98. Cf. « Le timbre à surtaxe du Comité supérieur des œuvres sociales en faveur des étudiants » dans Les cahiers du GERME, n° 1, mars 1996, p. 14.

[68]. CR. Versailles 1939, p. 13 (BDIC, 4° delta 1151/1).

[69]. CR. Paris 1938, p. 18 (BDIC, 4° delta 1157/1).

[70]. Intervention de René-Yves Le Mazou, CR. Nice 1938, pp. 32-33 (BDIC, 4° delta 1151/1).

[71]. Intervention de René-Yves Le Mazou, CR. Versailles 1939, p. 40 (BDIC, 4° delta 1151/1).

[72]. Intervention de Claude Delorme, CR. Nice 1938, p. 7 (BDIC, 4° delta 1151/1).

[73]. Directeur de l’Office de médecine de 1937 à 1939.

[74]. Intervention de Roger Bazex, CR. Versailles 1939, p. 38 (BDIC, 4° delta 1151/1).

[75]. Ibid. Intervention de Jean David

[76]. C’est sans doute le sens de la présence de René-Yves Le Mazou au secrétariat général de l’UNEF pendant que Claude Delorme assure la présidence.

[77]. Seul candidat, il est réélu par 151 voix contre 13 blancs et 6 nuls. Personne ne s’oppose non plus à la réélection de René-Yves Le Mazou qui est encore mieux élu du reste par 163 voix contre 7 nuls (BDIC, 4° delta  1151/1 : CR. Nice 1938, pp. 41-42).

[78]. Candidat unique à la présidence, il est élu par 164 voix contre 3 nuls. Là encore, personne ne s’oppose non plus à la réélection de René-Yves Le Mazou qui reçoit le même nombre de suffrages même si pour cette élection le compte rendu fait état de 21 bulletins blancs (BDIC, 4° delta 1151/1 : CR. Versailles  1939, pp. 32-44).

[79]. Cf. annexe  : « L’Union Nationale des Etudiants de France en 1938 ».

[80]. Cf. annexe : « Evolution du nombre d’adhérents entre 1938 et 1939 ».

[81]. Michel Winock regroupe la génération des intellectuels nés entre 1900 et 1910 sous l’appellation de « génération de la crise » (WINOCK, Michel, «Les générations in­tellectuelles», dans Vingtième siècle, n° 22, avr.-juin 1989pp. 26-29). L’emploi de « jeune génération de la crise » nous paraît opportun pour désigner les étudiants de l’UNEF nés entre 1910 et 1920 qui sont aux responsabilités à l’U.N. et dans les A.G. à la fin des années trente. Précisons toutefois que si les étudiants se considèrent comme de jeunes intellectuels, l’appellation « jeune génération de la crise » ne renvoie pas au concept de « génération intellectuelle » développé à l’IEP et à l’IHTP : appliqué aux étudiants de l’UNEF, le terme «jeunes intellectuels» peut éventuellement être envisagé comme la situation qui précède celle de «travailleur intellectuel » — pour reprendre le vocabulaire cétéiste —, mais pas comme celle de «gens ayant acquis une certaine notoriété dans le domaine cognitif et créatif, notoriété dont ils se servent pour intervenir dans le débat politique» (WINOCK, Michel, art. cit., p. 17), acceptation retenue par Michel Winock lorsqu’il envisage «la génération [des intellectuels] de la crise».

[82] Circulaire 39-01 de Jean David aux présidents d’A.G. datée du 2 septembre 1939 (BDIC, 4°  delta 1159/1).

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