1er MAI. DOCUMENT: LES ÉTUDIANT·ES UKRAINIEN·ES LANCENT UN APPEL AUX ÉTUDIANT·ES DE FRANCE

etuiidantsukraineprimadia1Nous avons reçu de la part du syndicat étudiant ukrainien Priama Diia que nous avons déjà présenté sur notre site, un appel qu’ils nous demandent de porter à la connaissance du public étudiant, et de transmettre aux organisations étudiantes de France, ce que nous avons fait avec un dossier comportant la lettre d’un lycéen qui nous est parvenue ensuite. Nous avons déjà prévu  – dès que l’occasion et les possibilités matérielles le permettront – d’organiser une réunion d’information avec des étudiants ukrainiens portant sur l’histoire comme sur l’actualité des mouvements étudiants en Ukraine. L’appel est suivi d’une lettre d’un lycéen et d’une déclaration du 1er mai.

APPEL

Depuis le 24 février 2022, les étudiant·es ukrainien·nes vivent une guerre qu’ils n’ont pas voulue en raison de l’agression impérialiste de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Beaucoup d’entre nous ont perdu leurs parents, leurs sœurs, leurs frères et leurs amis dans les bombardements. Certaines de nos universités ont été détruites. Des milliers d’étudiant·es ont dû fuir l’endroit où elles et ils vivaient, étudiaient et trouver refuge dans d’autres villes, sans logement et sans ressources. Pire, des étudiant·es vivent sous occupation russe, soumis·es à la terreur. Les autorités russes les obligent à prendre un passeport russe et à travailler pour quelques centimes sans aucune garantie.

Nous vivons dans la peur de tout perdre, y compris notre vie lorsque les sirènes retentissent.

En plus de cette situation dramatique, la politique du gouvernement ukrainien à l’égard des étudiant·es ne tient pas compte de notre situation. Pour des raisons d’économies budgétaires et de magouilles, il ferme les universités les moins rentables avec leurs dortoirs qui accueillent habituellement des étudiant·es réfugié·es. La répartition des ressources financières entre les universités est opaque et on peut penser que la corruption règne au sein du ministère de l’éducation. Le ministre de l’éducation a récemment démissionné.

Pour défendre nos droits et nos conditions d’études et de vie, nous avons créé le syndicat étudiant Priama Diia (Action directe). Par ailleurs, tous les problèmes qui existaient avant le 24 février 2022 demeurent : abus de pouvoir de la part des administrations universitaires, discrimination, corruption, décisions néfastes du ministère de l’éducation et des sciences envers les étudiant·es, demandes de frais supplémentaires de scolarité ou excessifs, etc. Ces derniers mois, en raison de ces menaces, les tensions sociales avec les étudiant·es ont conduit à plusieurs campagnes de protestation, dont les plus importantes ont été l’action pacifique des étudiant·es de l’Académie ukrainienne de l’imprimerie à Lviv contre la réorganisation de l’université et le mouvement Students UA, qui se bat pour le droit des étudiant·es ukrainien·nes dans les universités étrangères de partir à l’étranger pour poursuivre leurs études. Les militant·es de Priama Diia ont participé à ces deux campagnes.

En raison de la guerre, d’une part, et de la politique néolibérale des autorités ukrainiennes, d’autre part, la situation sociale des étudiant·es ne cesse de se dégrader.

logo primadiaC’est pourquoi notre syndicat d’étudiant·es ukrainien·nes souhaite ouvrir un dialogue avec les étudiant·es de France et leurs organisations. Nous avons besoin de votre solidarité. Notre syndicat est basé sur les principes de solidarité avec les groupes opprimés et exploités dans notre pays et au niveau international.

Nous avons besoin de votre solidarité !

10 avril 2023

Moi, Kostya, lycéen ukrainien, membre du syndicat Action directe

Merci de vous présenter pour nos lecteurs (1)

Je m’appelle Kostya, je suis élève de seconde. [Kostya habite la région de Volyn dans le nord-ouest de l’Ukraine]

Comment avez-vous vécu le début de la guerre ?

En fait, j’ai senti qu’une invasion à grande échelle se produirait bientôt, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit aussi importante et destructrice. Je me souviens très bien du début. Ma mère m’a demandé d’acheter de la nourriture, qui était pratiquement inexistante, et m’a dit de rester à la maison. La première semaine a été très angoissante, personne ne savait ce qui allait se passer. Nous espérions simplement que tout irait pour le mieux ensuite. Mon état mental est devenu critique, j’étais très anxieux, j’avais peur de ma vie future et je suis devenue très pessimiste.

Qu’est ce qui a changé  dans votre vie depuis un an ?

Au cours de l’année écoulée, beaucoup de choses ont changé. Comme je l’ai dit plus haut, mon psychisme est devenu très instable, j’ai perdu des gens pour diverses raisons – quelqu’un est parti à l’étranger et un autre a été tué par une balle ennemie pendant la « dénazification ». Les prix dans les magasins sont devenus très élevés et ma famille a dû renoncer à de nombreuses choses qui étaient courantes il y a un an. Je dois également mentionner que notre peuple est très uni les uns envers les autres.

Dans quelles conditions poursuivez-vous vos études maintenant ?

Nous étudions à temps plein, mais un jour par semaine, nous suivons des cours à distance. Lorsque un raid aérien commence, nous nous préparons et nous nous rendons à l’abri (au sous-sol).

Et vos loisirs en ce temps de guerre ?

La musique m’aide à me distraire. J’écoute beaucoup de choses, le groupe que j’aime le plus est « Grazhdanskaya oborona ». Je regarde aussi parfois diverses vidéos et films historiques.

Vous êtes membre du syndicat Action direct e (Priama Diia). Pourquoi ?

Cela fait un an que je m’intéresse aux idées de gauche, notamment à l’anarchisme. Après avoir finalement réalisé que j’étais anarchiste, ou plutôt anarcho-communiste, j’ai commencé à chercher une organisation. À cette époque, Action directe a repris ses activités et j’ai pu la rejoindre. Il existe plusieurs organisations de gauche et anarchistes en Ukraine, mais j’ai choisi Action directe parce qu’elle est composée de presque tous les étudiants qui ont les mêmes problèmes et les mêmes plaintes à l’égard de notre gouvernement. Dans cette organisation, je peux aider les gens et recevoir l’aide de mes frères et sœurs.

Quelles sont vos activités de membre de Priama Diia

En raison de certains problèmes, je n’ai pas participé activement à la vie du syndicat, mais il y a une semaine, j’ai pris part à la première réunion des membres de l’organisation. J’essaie de passer plus de temps avec le syndicat et de m’impliquer dans certaines activités.

Les lycéens protestent-ils contre la politique du gouvernement ? Si oui sur quelles questions et comment ?

Les lycéens ukrainiens sont assez divisés, beaucoup sont mécontents de notre gouvernement, très souvent des partisans des idées de gauche, une autre partie, après l’invasion à grande échelle, a soutenu les idées nationalistes et de droite, et soutient souvent notre gouvernement. Enfin, il y a un troisième groupe qui se moque de tout, y compris du gouvernement, mais ils ne sont pas nombreux.

Nous protestons contre l’arbitraire des autorités, les arrestations illégales, les violations des droits des étudiants, la corruption, etc. Nous diffusons des informations, organisons des rassemblements et protestons.

Comment voyez-vous votre avenir ?

J’envisage d’entrer à la faculté d’histoire ou de philosophie de Kyiv. J’espère également être actif dans des organisations de gauche. J’ai également la possibilité de rejoindre les forces armées ukrainiennes si la situation au front devient critique et que je dois défendre mon peuple. Je vous remercie de l’intérêt que vous portez aux problèmes des Ukrainiens ordinaires.

19 avril 2023

[1] Propos recueillis par Patrick Le Tréhondat.

1er mai Bonne journée de solidarité travailleurs et étudiants!

Priama Diia 1er mai 2023Communiqué sur la chaîne Telegram de Priama Diia pour ce 1er mai 2023.

« Bien que cela ne soit pas évident, les étudiants ont un rapport direct avec le travail. Nous tous, étudiants et professeurs, interagissant entre les murs des amphithéâtres ou devant les écrans d’ordinateur, sommes engagés dans un travail intellectuel. Nous menons des recherches, écrivons des articles scientifiques, contribuons à la création d’innovations qui affectent directement le bien-être des personnes et, plus important encore, façonnons notre champ intellectuel.

Dans des conditions où l’autonomie et la liberté de pensée et de science de l’université sont limitées – en introduisant des services payants, en réduisant le nombre d’enseignants et de personnel, en ignorant les problèmes systémiques, etc. – étudiants et enseignants devraient parler des défis actuels et futurs, s’unir dans une communauté lutte. On ne se bat pas contre, on se bat pour !

Le 1er mai est un jour qui incite à défendre nos droits, et même si ce n’est pas un jour férié cette année et que le peuple résiste à l’impérialisme russe, les idées de solidarité ouvrière n’ont disparu nulle part. Joyeuse fête du Travail! »

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