mai 1907, une union nationale est née.

JORF 15 MAI 1907(Mise à jour du 4 mai 2023, première édition 14 mai 2019). Le 15 mai 1907, est déposée la déclaration de création de l’Union nationale des associations des étudiants de France (UNAEF, donc elle ne sera d’abord ni UNAGEF, ni UNEF, sigle sous lequel elle sera ultérieurement connue). Publiée au Journal officiel de la république française, le 2 juin, c’est l’acte de naissance de la personne morale dont la constitution a été décidée une dizaine de jours plus tôt, le 4 mai, à Lille à l’occasion d’un congrès national dans cette même ville réunissant 12 ou 13 AGE (associations générales d’étudiants).

NAISSANCE DE L’UNAEF: Le ministre ne vient pas, banquet international et scission.

Les quotidiens nationaux en rendent compte, reprenant les dépêches détaillées de l’agence Havas. Aristide Briand, ministre de l’Instruction publique, des Arts et de la Culture avait prévu de présider les inaugurations. la maison de l'étudiant lille 1907Il y renonce finalement, en raison des manifestations annoncées par des partis et syndicats ouvriers en raison du non-accomplissement des « réformes ouvrières promises », et L’Aurore conclut « nous croyons savoir que le gouvernement ne sera représenté par aucun de ses membres ». Ce sont Bayet, chef de cabinet au ministère et le recteur de l’académie de Paris, Liard, qui représenteront les pouvoirs publics.

On inaugure la nouvelle maison de l’étudiant de Lille, et on accueille de nombreuses délégations étrangères qui prennent la parole au cours du banquet traditionnel. Un délégué allemand salue cette rencontre comme « le commencement du rapprochement entre les deux jeunesses française et allemande ».

Le congrès s’achève par une scission, indique L’Humanité de Jean Jaurès, « Paris, Lyon, Montpellier et l’Association amicale des étudiants en pharmacie de France voulaient un organisme fédératif groupant les étudiants par professions » et se retirent du congrès, on parle même de créer une autre organisation, cela n’aura pas de suite.

congres de lille réception internationale

Col. Cité des mémoires étudiantes

En plus, l’AGE de Paris exigeait que la présidence de l’Union soit assurée par le président parisien, et que le siège soit dans la capitale, ce qui est mal pris par les associations de province. La Revue internationale de l’enseignement indique à propos du congrès ; « nous n’avons que des renseignements incomplets et contradictoires ». Selon les versions, l’UNAEF est ainsi créée par 6 au minimum (version de l’AGE de Paris) à 10. Le Radical précise qu’il s’agit d’Aix, Alger, Nancy, Bordeaux, Toulouse, Caen, Dijon, Grenoble, Lille et Marseille.

Il aura donc fallu trente ans entre la création de la première AGE à Nancy et la constitution d’une structure à l’échelle nationale alors que des contacts, nationaux et même internationaux existaient de longue date. Le congrès avait été décidé un an auparavant par des représentants d’AGE qui s’étaient retrouvés lors de l’exposition universelle de Marseille de 1906 pour discuter avec leurs homologues étrangers de la reconstruction d’une internationale étudiante. Les pourparlers débouchent sur un échec à ce niveau, mais les AGE se donnent rendez-vous à Lille l’année suivante.

le bureau

Le Radical. Source gallica.bnf.fr / BnF

En constituant l’UNAEF, ils constituent la première union nationale d’étudiants, qui sera le « modèle » de référence quasiment imposé lors de la création de la Confédération internationale des étudiants en 1919, puis de l’Union internationale des étudiants en 1946. De simple fédération d’AGE, d’abord provinciales puisque l’AGE de Paris quitte le congrès de 1907 et n’adhérera à l’Union nationale qu’en 1909, l’organisation s’affirmera comme une véritable union nationale institutionnalisée au cours de l’entre-deux-guerres, reconnue par l’Etat, co-gérant avec lui notamment le Centre supérieur des oeuvres (CSO). Ni résistante, ni collaborationiste, l’UNEF est refondée doctrinalement après la seconde guerre mondiale par le congrès qui adopte la charte de Grenoble (dossier charte de Grenoble sur notre site). Rejointe par l’Union des grandes écoles en 1956, elle est considérée comme le « syndicat unique de la classe étudiante ». La « grande UNEF » unitaire durera jusqu’à la scission FNEF soutenue par l’Etat de 1961, mais l’UNEF demeure puissante avant de s’affaiblir et de se diviser à partir des années 1960 en de multiples organisations à vocation représentative se réclamant chacune à leur manière, peu ou prou, de l’héritage de l’Union.

Pour aller plus loin:

materiaux1907Jean-Philippe Legois, Alain Monchablon, Robi Morder (coord), Cent ans de mouvements étudiants, Paris, Syllepse, 2007.

Jean-Philippe Legois, Alain Monchablon, Robi Morder (coord), « 1907, une union étudiante est née », Matériaux pour l’histoire de notre temps, BDIC/La contemporaine, Nanterre 2007. (accessible en ligne)

Stéphane Merceron, « Années 30, l’UNEF change de cap », Cahiers du Germe spécial n° 3, mars 1998, (sur notre site)

Alain Monchablon  « Espoirs et déboires d’un mouvement institutionnel », in Legois, Monchablon, Morder, Cent ans de mouvements étudiants, Syllepse, 2007.

Alain Monchablon, « La fondation de l’Unef en 1907 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2007-2

Alain Monchablon, « La naissance des associations générales d’étudiants et la constitution de l’UNEF » Cahiers du Germe spécial 3, mars 1998 (sur notre site)

Robi Morder, « L’UNEF de l’exception au modèle », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2007-2 (accessible en ligne)

Robi Morder, « l’UNEF, un exemple d’Investissement syndical de la forme associative », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2003-1,  n° 69 (accessible en ligne)

100 ANSRobi Morder, « Regards juridiques, sociologiques et politiques sur les structures de l’UNEF », Cahiers du Germe, spécial 3, mars 1998 (sur notre site)

Jean-Quentin Poindron, « L’Union des grandes écoles de 1947 à 1971 », Cahiers du Germe spécial n° 3, mars 1998 (sur notre site)

Olivier Raeis, « Les AGE de l’UNEF. Leurs statuts juridiques, essai de recensement.Bref aperçu de 1880 à nos jours »Cahiers du Germe spécial n° 3, mars 1998, (sur notre site)

Traces, Passé, présent du mouvement étudiant, 1997. Actes du colloque éponyme à l’occasion des 90 ans de la création de l’UNEF, sur l’initiative de l’AAUNEF, l’association TRACES étudiantes et la MNEF avec les interventions de nombreux anciens, des organisations étudiantes (les deux UNEF, la FAGE, l’UNI), des chercheurs du Germe.


Print Friendly, PDF & Email
(Comments are closed)