lecture: Alain Tourret, Philippe Nauche, rapport, Les mutuelles étudiantes, quel avenir?

Les mutuelles étudiantes, quel avenir? Rapport N° 1778 Commission d’enquête assemblée nationale (Alain Tourret Président, Philippe Nauche Rapporteur) Deux tomes. 110 F (disponible en téléchargement sur le site internet de l’assemblée nationale sous format PDF ou sous format texte)

Des députés de droite avaient réclamé une commission d’enquête sur la MNEF, l’Assemblée nationale avait décidé d’une commission à l’objet élargi au mutualisme étudiant dans son ensemble. Les limites de la commission d’enquête – qui ne peut connaître des faits dont la justice est saisie – explique le peu de «révélations» du rapport, d’autant que d’autres rapports (IGAS, Cour des comptes) ont été publiés, ou du moins certains éléments. Pour qui veut des éléments chiffrés et techniques (montant des remises de gestion, budgets, organisation de la «diversification») pour les années 90 essentiellement, le document apporte des explications et se conclut par un certain nombre de recommandations.

Bien évidemment, ce sont les auditions des personnes invitées à comparaître et à répondre aux questions qui sont intéressantes, et notamment des dirigeants syndicaux et mutualistes étudiants actuels, et de certains autres plus anciens. Mais ni le rapport, ni la plupart des auditions ne reviennent sur l’histoire politique de la MNEF sur une longue période qui permettrait de comprendre mieux les dérives. Il est dommage que l’on n’ait ainsi pas convoqué beaucoup plus d’anciens dirigeants de la MNEF ou du mouvement étudiant des années 1970 et 1980, cela aurait fourni plus de matériaux aux historiens, aux chercheurs et… aux députés eux-mêmes. Deux exceptions, Jean-Marie Leguen et Olivier Spitakhis. Le premier rappelle le contexte des années 1970, l’appui gouvernemental apporté à la création des «mutuelles concurrentes» et le contexte d’isolement de la MNEF privé d’un mouvement étudiant groupuscularisé. Le deuxième insiste sur la «dépolitisation» de la mutuelle au cours des années 80 et sur une diversification qui lui avait été demandée par les autorités de tutelle et la CNAM elle-même. Olivier Spithakis n’est aucunement sur la défensive dans son audition, et assume totalement une série de mesures en faisant appel à d’autres exemples dans d’autres mutuelles et secteurs de la société. Il est vrai que le marché dicte sa loi, et qu’à partir du moment où l’on rentre dans cette logique (conquête de parts de marchés, «professionnalisation», etc…) comme effectivement il était (et c’est toujours) dans «l’air du temps» dans les années 1980 et 1990 il est difficile de s’étonner ensuite de «dérives» intrinsèques à cette logique. Certains de ceux qui reprochent à l’ancienne direction de la MNEF de s’être éloignés de la logique mutualiste sont parfois les mêmes qui lui demandaient une «bonne gestion» et une logique d’entreprise il y a quelques années. Les auditions de l’ancienne présidente, Marie-Dominique Linale, de Philippe Plantagenest, de Jean-Michel Grosz et de quelques autres sont passionnantes notamment en ce qu’elles révèlent (et confirment) comme «ambiance» dans les hautes sphères de la mutuelle, comment certaines décisions sont prises, les conflits interpersonnels, les indemnités de rupture élevées (mais pour qui connaît le monde des entreprises au niveau du haut encadrement on y trouve bien «mieux», sans que personne ne s’insurge de comparer ces indemnités avec celles du salarié lambda licencié à la suite d’erreurs de gestion de ses dirigeants).

Le rapport reprend en tous cas un certain nombre de points : la massification du monde étudiant et sa diversification, comme la logique de concurrence entre les mutuelles qui amène à une dérive des dépenses de «communication» pour s’arracher l’adhérent potentiel (alors qu’il n’y a plus qu’un étudiant sur cinq ou sur six à être mutualiste). Le rapport confirme bien que, – loin d’avoir été «contrôlée» par l’UNEF ID, la direction de la MNEF avait sa logique propre (et disposait plus des moyens matériels de contrôler que d’être contrôlée), autonomisation/»dépolitisation» qui s’est traduite par la disparition, dans les faits, du rôle dirigeant qu’étaient censés détenir les administrateurs étudiants.

A lire, autant par ce qui y est dit que par ce qui est tu…

Robi Morder

Les Cahiers du GERME trimestriel n° 11/12 4° trimestre 1999

Print Friendly, PDF & Email
(Comments are closed)