« Le premier syndicat étudiant indépendant est en cours de création à l’Université de Saint-Pétersbourg »

Denis Skopin poses with his students at St. Petersburg State University after being dismissedПочему они не боятся? И как сделать такой же? Мы с ними поговорили (Pourquoi n’ont-ils pas peur ? Et comment faire de même ?)

La guerre contre l’Ukraine a modifié la situation dans les universités russes, elle a accéléré des processus déjà en œuvre depuis plusieurs années à l’encontre des mondes universitaires où les traditionnelles libertés académiques sont de plus en plus réduites. Pour y faire face, malgré la restriction des libertés et des droits, un nouveau syndicat indépendant vient d’être fondé à la Faculté des arts libéraux et des sciences de l’Université de Saint-Petersbourg. À titre documentaire nous portons (traduit en français, puis en version russe) à la connaissance  de nos lectrices et lecteurs un reportage de Nastya Sliva publié sur le site web Groza (Orage). Nous continuerons à publier des informations sur la situation universitaire en Russie, en Biélorussie, en Ukraine.

Il convient de situer le contexte. La faculté des arts libéraux et des sciences, connue aussi comme « Collège Smolny », est un des 24 établissements de l’Université d’État de Saint-Petersbourg. La faculté avait la réputation d’institution ouverte et tournée vers l’avenir. contestation-sociale-a-bas-bruit-en-russieElle a abrité le premier programme d’arts libéraux du pays et avait un accord avec le Bard College de New York. des centaines d’étudiants russes et américains avaient pu bénéficier de ce programme d’échanges. Karine Clément, qui y a travaillé pendant 20 ans avant d’être expulsée de Russie, avait mené une enquête de terrain avec l’appui d’étudiants et de collègues sur les rapports de la population russe à la contestation sociale et au nationalisme (Contestation sociale à bas bruit en Russie : critiques sociales ordinaires et nationalismes, Paris, Le Croquant, janvier 2022).

Il y a eu déjà des exclusions d’étudiants connus pour avoir rejoint les manifestations contre la guerre en Ukraine. En septembre, deux membres du corps professoral – Zhanna Chernova et Viktor Kaplun – ont été licenciés sans explication.

Le 21 septembre dernier, Denis Skopin, professeur de philosophie avait participé à l’église Saint Isaac à un rassemblement de protestation contre  la mobilisation des hommes en âge de servir. Il y avait été arrêté et condamné à 10 jours de prison. Considérant que «L’acte commis par l’employé est immoral et incompatible avec la mise en œuvre des fonctions éducatives et la poursuite de ce travail», la faculté l’a licencié le 26 octobre. À la fin de son dernier cours, il a été applaudi par les étudiants devant la faculté(voir photo (site RFE) en tête d’article, et une vidéo devenue virale  Peu de temps s’est écoulé entre ce geste de solidarité et la constitution du syndicat indépendant. Pendant cette même période, un projet de loi a été approuvé fin novembre par le Conseil de la Fédération de Russie, en attente de promulgation par le président, élargissant l’interdiction des rassemblements, manifestations et réunions aux (entre autres) bâtiments et terrains universitaires. L’intérêt du reportage réside autant dans les motivations que dans le processus concret de construction, recrutement, recherche d’appuis juridiques, matériels, moraux.

Il faut enfin rappeler, avant de lire le reportage, les conditions de production qu’imposent les restrictions faites aux médias (des milliers de titres et de sites ont été fermés au cours des derniers mois) et apprécier à leur juste mesure les termes et formulations compte tenu de ces contraintes pour qui veut continuer à paraître en restant dans la légalité pour  atteindre encore un large public.

Robi Morder

N.B. J’ai révisé et adapté la traduction, et suis seul responsable des erreurs éventuelles.

« Pourquoi n’ont-ils pas peur ? Et comment faire de même ? » 

Nous leur avons parlé

13/12/22 Par Nastya Sliva.  (article original sur le site de Groza).

À l’Université de Saint-Pétersbourg, la pression continue à s’exercer sur la Faculté des arts libéraux et des sciences : l’administration de l’université licencie massivement les enseignants coupables d’actes « répréhensibles » – et, comme l’ont rapporté les médias, menace de fermer complètement la faculté. Afin de résister de manière organisée aux décisions de l’administration, les étudiants de l’Université de Saint-Pétersbourg ont créée le premier syndicat étudiant indépendant. Cela s’est fait malgré l’existence d’un syndicat à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg. Il s’agit en réalité du syndicat officiel, ou comme les étudiants l’appellent, le syndicat «jaune». Contrairement au syndicat jaune, la nouvelle organisation étudiante ne dépend pas de l’université, et ses membres vont défendre les droits académiques des étudiants, réclamer des conditions de vie normales auprès de l’administration et préserver la Faculté des arts libéraux et des sciences de l’Université de Saint-Pétersbourg pas seulement en paroles.

« Nous avons besoin de quelque chose de nouveau qui puisse avoir un impact sur l’université. » 

Comment est né le nouveau syndicat étudiant ?

La présidente du nouveau syndicat, Danila Shlakin, rappelle que l’idée de créer un syndicat étudiant indépendant est née à la Faculté des arts libéraux et des sciences de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg. En raison du programme spécial, la faculté avait obtenu plus que d’autres des forces de sécurité et de l’administration de l’université. La Faculté des arts libéraux et des sciences de l’Université de Saint-Pétersbourg est la dernière en Russie à travailler dans le cadre du programme des arts libéraux. La particularité du cursus est que les étudiants peuvent élaborer en toute autonomie leur propre cursus et modifier leur profil au cours de la formation.Au printemps 2021, le principal partenaire de la faculté, l’American Bard College, a été qualifiée d’« organisation indésirable », en conséquence l’université a rompu tous les liens académiques. En mai 2022, l’administration de l’Université de Saint-Pétersbourg considérait que certaines disciplines de la faculté était « idéologisées » et tentait de les réduire. Le changement de programme a finalement été reporté à 2023. Toutefois, selon un professeur, si la direction de l’université a relâché la pression c’est à cause du bruit fait par les étudiants. En juin 2022, ils ont lancé le hashtag « #save_smolny » et ont commencé à écrire des lettres au comité d’admission de l’université, à Dmitry Medvedev, chef du conseil d’administration, et à Nikolai Kropachev, recteur de l’Université de Saint-Pétersbourg..En octobre 2022, des informations sont apparues dans les médias selon lesquelles l’Université de Saint-Pétersbourg supprimerait le programme d’arts libéraux et de sciences et le remplacerait par le cours d’arts et sciences humaines.

Les changements importants à la Faculté des arts libéraux et des sciences.

Le système d’éducation [des arts libéraux], qui est unique à l’Université de Saint-Pétersbourg et dans toute la Russie, est en cours de réforme et est moulé dans la « norme d’État ». Depuis, la faculté est en ébullition constante. C’est là que l’idée de créer un syndicat indépendant est apparue comme un moyen de mener un dialogue adéquat sur un pied d’égalité avec l’administration.Le syndicat indépendant a été créé le 19 novembre et une réunion de tous ses membres a eu lieu le 23 novembre. Rapidement, des étudiants d’autres facultés de l’Université de Saint-Pétersbourg ont rejoint le nouveau syndicat. C’est devenu une initiative étudiante commune. Comme le dit son président, d’autres élèves ont découvert le syndicat grâce à ses membres : « Les membres du syndicat circulent dans les facultés avec des formulaires et proposent d’adhérer au syndicat. Ils expliquent ce que nous prévoyons de faire, nos idées, un peu d’histoire et comment nous rejoindre. À l’avenir, nous distribuerons des dépliants contenant des informations sur notre syndicat, en les distribuant dans les dortoirs et les facultés. Nous couvrons les activités du syndicat par notre chaîne télégramme. »

Kirill Knyazev, étudiant au département d’histoire de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg, l’un des membres du nouveau syndicat, avait entendu parler du syndicat indépendant par des connaissances du département d’histoire et l’a rejoint en raison de sa citoyenneté active : « Le jour suivant l’assemblée constituante, ils m’ont écrit en me demandant de distribuer des bulletins d’adhésion au syndicat. Et j’ai déjà fait l’expérience: j’ai recueilli des signatures en faveur du responsable d’un des comités du conseil étudiant. »

Kirill estime que la nécessité d’une organisation syndicale est apparue il y a longtemps : « Chaque faculté [de l’Université de Saint-Pétersbourg] a des conseils d’étudiants, mais ils n’ont aucun pouvoir. Ils peuvent exprimer l’opinion [des étudiants de la faculté], parler avec l’administration, mais n’influencent pas directement ses décisions. Il apparaîssait depuis longtemps que nous avions besoin d’un organe capable d’exprimer des réclamations et revendications à l’administration et de conduire [les étudiants] à l’action. Nous avons besoin de quelque chose de nouveau pouvant avoir un impact sur l’université. Quand les gars m’ont écrit qu’un syndicat était apparu, j’étais ravi : « Quoi ? Hourra ! » J’en ai rêvé, et c’est ici. »

Le président du syndicat en parle également : selon lui, les problèmes existant dans les facultés ne peuvent pas être résolus par le conseil des étudiants, car « il est intégré dans la hiérarchie de l’université » et l’administration en profite :« Le syndicat, selon la loi fédérale, dispose de pouvoirs suffisants pour défendre les droits des étudiants indépendamment de l’administration. Les étudiants comprennent qu’il n’est pas possible de résoudre les problèmes dans le cadre d’autres associations, mais cela peut se faire dans le cadre du syndicat. »

En octobre 2022, le conseil des étudiants de la Faculté des arts libéraux et des sciences a demandé à discuter du licenciement des enseignants lors d’une réunion du conseil académique. En réponse, Alexander Gnetov, secrétaire académique de l’Université de Saint-Pétersbourg, a déclaré que « les problèmes des étudiants ne relèvent pas de la compétence du conseil académique. ». L’Université de Saint-Pétersbourg a en effet il y a peu licencié des enseignants pour des raisons politiques, souvent sans même le cacher. Ainsi, pour s’être rendu à un rassemblement contre la mobilisation [militaire] en octobre, le professeur de philosophie Denis Skopin a été licencié. Déjà, le doyen de la Faculté des arts libéraux et des sciences, Danil Raskov, avait été démis de ses fonctions – prétendument en raison de violations des mesures sur la coopération avec le Bard College.

Quels problèmes les membres du syndicat vont-ils résoudre?

Le principal problème que les membres du syndicat voudraient résoudre est la pression sur la Faculté des arts libéraux et des sciences. Ensuite, il y a des problèmes avec les dortoirs : selon le syndicaliste Kirill, il n’y a pas assez de places à Saint-Pétersbourg pour ceux qui étudient dans la ville. Les dortoirs principaux sont situés à Peterhof et le trajet aller-retour dure environ deux heures.Le site Web de l’Université de Saint-Pétersbourg indique que l’université propose des places dans 21 dortoirs: 13 d’entre eux sont situés dans le quartier de Petrodvorets (Peterhof), huit à Vasileostrovsky et un à Nevsky.« Il y a aussi un bâtiment (NDLR – L’ancien dortoir de l’usine Bolshevichka sur Pechatnik Grigoriev, 16/3), qui a été transféré à l’université en 2011. Ensuite, ils ont dit qu’il fallait 40 millions de roubles pour le réparer, mais il n’y avait pas d’argent et depuis il n’a pas été réparé. Je pense que nous pouvons résoudre ce problème si le syndicat a une certaine influence. »Il y a aussi un problème avec les bourses : elles ne sont pas indexées et ne suivent pas l’inflation. Deux mille roubles ne suffisent même pas pour voyager. (Note du rédacteur – Selon le site Web de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg, la bourse universitaire en 2022 est de 2164 roubles par mois [soit 31/32€]).

« C’est une université d’importance fédérale, [le président] Poutine en est diplômé, mais il n’y a pas d’argent pour quoi que ce soit. »

Selon son président, pour que le syndicat se renforce, il est nécessaire de recruter le plus de membres possible : « Cela affecte l’efficacité avec laquelle nous pouvons résoudre les problèmes qui concernent les étudiants. Dans un avenir proche, nous commencerons à traiter les problèmes de dortoirs et de conditions de vie dans ceux-ci. Nos amis des autres syndicats sont prêts à nous aider dans ce domaine. »

L’administration universitaire n’a pas encore réagi à l’initiative des étudiants. Pour entamer un dialogue, le 28 novembre, les membres du syndicat ont envoyé des documents officiels à l’administration : une lettre avec un avis de création d’un syndicat, un extrait du procès-verbal de l’assemblée constituante, un certificat de création d’une organisation primaire. L’administration de l’université a ignoré la lettre des étudiants.

« Il est difficile de dire à quoi s’attendre. Ils peuvent essayer de nous apaiser en nous invitant à prendre une tasse de thé. Ou peut-être qu’il y aura une tentative de pression ou autre chose – c’est impossible à prévoir », déclare le président du syndicat.Kirill, syndicaliste, a un avis similaire : « Il y a des gens très différents dans l’administration de l’université : ceux qui entrent facilement en contact, et ceux avec qui il est impossible de négocier. Je ne peux même pas imaginer quelle sera la réaction. »

« Il doit y avoir une volonté de se battre pour vos droits. »

Comment créer un syndicat dans une université ?

« Un mois s’est écoulé de l’idée à la création du syndicat, mais la préparation active n’a pas duré plus de deux semaines. Dès ce moment, nous avons établi des contacts avec d’autres syndicats, développé une vision commune de ce qu’un syndicat devrait être et faire – explique Danila. Il n’est pas difficile de créer votre propre syndicat, et pour cela vous pouvez vous tourner vers ceux qui fonctionnent déjà – ils vous accepteront et aideront à monter l’organisation [syndicale] primaire à l’université. C’est exactement ce que nous avons fait – nous nous sommes tournés vers les gens du [syndicat étudiant indépendant] Diskurs, alors maintenant nous nous rapportons à lui de manière conditionnelle. »

Mais il y a aussi d’autres syndicats. Par exemple  « Diskurs» est actif à Moscou, Saint-Pétersbourg, Voronej, Astrakhan, Kirov, Petropavlovsk-Kamtchatski, la région de Sverdlovsk, la région de Belgorod et Sébastopol.Anastasia Baibikova, coordinatrice du syndicat étudiant indépendant (NSP). Diskurs, explique que leur syndicat a été fondé en 2016 à Belgorod :« [Notre syndicat] a été créé pour faire contrepoids aux syndicats des universités et des collèges qui, sur des questions importantes, se sont rangés du côté de l’administration, et rarement des étudiants. Ça ne devrait pas être comme ça.Nous avons écrit la Charte, notre manifeste, et sommes allés trouver ceux qui ne sont pas indifférents aux problèmes des étudiants. Contrairement à d’autres syndicats, nous avons fondamentalement abandonné l’idée des cotisations et avons essayé de créer nos propres organisations syndicales primaires dans différentes universités. Ils se sont battus pour les droits de manière à ne piéger personne : les étudiants d’une université s’occupent des problèmes d’une autre. C’est plus facile pour les étudiants, et c’est plus difficile pour l’administration de faire pression sur eux. Un an plus tard, notre département a commencé à recevoir des offres d’adhésion d’autres villes. Nous sommes donc devenus un syndicat interrégional. »

Afin de s’unir dans leurs universités, les étudiants doivent avoir la volonté de se battre pour leurs droits. S’il y a au moins quelques personnes de ce type, quelque chose peut déjà être fait. Les enthousiastes peuvent créer leur propre syndicat à partir de zéro, et nous les aiderons dans cette tâche. Ou vous pouvez simplement ouvrir une organisation syndicale primaire d’un NSP déjà existant et agir ensemble. Le centre aidera à la fois du point de vue de la protection juridique et organisationnelle. Nous avons aussi une mission pédagogique, car les élèves ne connaissent pas du tout leurs droits. Nous développons des séminaires, des conférences et des manuels pour eux. »

Selon Anastasia, la principale différence entre la création d’un syndicat et la création d’une organisation syndicale primaire [équivalent d’antenne ou section syndicale] est que vous devez rédiger votre propre charte et structure pour votre syndicat. L’organisation syndicale primaire reprend la charte du syndicat sous lequel elle a été créée.

Grâce au travail d’un syndicat indépendant :

– A Belgorod, le couvre-feu dans les résidences étudiantes a été annulé.

– À Saint-Pétersbourg, avec la communauté scientifique, ils ont pu empêcher la Bibliothèque nationale de Russie de fusionner avec la Bibliothèque d’État.

– À Ekaterinbourg, le problème des retards de bourses a été résolu.

Pendant la pandémie, ils ont plaidé pour une réduction des frais de scolarité, ont atteint la Douma d’État, mais la majorité Russie unie a rejeté la proposition. Le syndicat a également demandé des réparations dans les dortoirs et la mise aux normes des bâtiments universitaires.On peut s’adresser à la branche régionale ou fédérale du syndicat pour obtenir de l’aide. Si les étudiants ont besoin d’aide pour ouvrir une organisation primaire, le comité syndical de Diskurs enverra tous les documents nécessaires et vous indiquera comment démarrer.

« Un syndicat indépendant ne devrait pas peser sur le budget  des étudiants. »

Comment fonctionne la nouvelle organisation étudiante de l’Université de Saint-Pétersbourg ?

Selon le président du syndicat, le mécanisme de travail est toujours réglementé – la structure apparaîtra avec la première expérience. Jusqu’à présent, les étudiants sont guidés par la charte de Diskours : selon celle-ci, les décisions sont prises lors d’une conférence où tous les membres du syndicat votent. Au quotidien, le syndicat est géré par le comité syndical. « Nous avons formé plusieurs départements : par exemple, le département de la promotion sera responsable des relations avec les médias et des campagnes ; département d’organisation d’événements – pour organiser une conférence ou organiser des réunions du syndicat avec l’administration de l’université. »Diskours ne coordonne pas le travail du syndicat de l’Université de Saint-Pétersbourg : les étudiants sont totalement autonomes et « s’occupent de tout eux-mêmes ». Ils prennent des décisions en votant et discutent d’autres questions importantes dans les chats. De plus, le nouveau syndicat n’a ni budget ni financement.« Le syndicat « jaune » s’est approprié 2 % des bourses de ses membres. De ce fait, dans l’esprit des étudiants, le syndicat est un endroit étrange où une partie de leur bourse disparaît. Nous pensons tous qu’un syndicat indépendant ne devrait pas imposer aux étudiants de lourdes cotisations. Mais des dons volontaires peuvent être faits pour les activités du syndicat, et les membres du comité syndical sont prêts à donner une pièce à leur cause »Le site Web du syndicat «jaune» indique que la cotisation pour les étudiants du secteur public est de 4% de la bourse (87 Roubles) et pour les étudiants rémunérés – 200. Plus de 20 000 personnes étudient à l’Université de Saint-Pétersbourg.

« Il doit y avoir une volonté de se battre pour vos droits. »

Pourquoi les étudiants continuent-ils de s’unir et de se battre pour leurs droits ?

Dans l’un des posts de la chaîne télégramme du syndicat, il est dit que ses membres « par leur présence même » se protègent eux-mêmes et leurs collègues, et s’il y a plus de 50 participants, il sera difficile de faire pression sur eux ». Le post se termine ainsi : « Malgré ces faits, nous comprenons les éventuelles inquiétudes, c’est pourquoi nous considérons qu’il est important de ne pas publier les noms de ceux qui se sont inscrits, en n’annonçant que le nombre total. »La présidente du syndicat, Danila Shlakin, est sûre qu’il n’y a pas de questions sur les articles politiques, et l’exclusion n’est pas si terrible : « Il me semble que notre lutte est rationnelle et pragmatique. Notre objectif est de défendre les droits des étudiants et une éducation de qualité. Si vous pensez que vous serez expulsé parce que vous vous battez pour vos droits, il est insensé de penser que votre situation ne s’aggravera pas à l’avenir parce que vous ne vous êtes pas battu pour vos droits.Vous devez commencer à défendre vos droits dès maintenant, sinon ils seront  d’autant plus violés. Si vous êtes expulsé ou si des sanctions vous sont appliquées, vous perdrez beaucoup moins que vous ne le pourriez.S’ils veulent faire pression sur nous, qu’ils essayent. Nous avons tout sous contrôle. Il sera plus coûteux de faire pression sur les membres du syndicat. Nous avons des amis d’autres syndicats – la Confédération du travail de Russie et Solidarité universitaire s’y trouvent. Nous pouvons toujours nous tourner vers eux pour obtenir une assistance juridique s’ils l’on fait pression sur nous. Même la réprimande d’un membre d’un syndicat, d’un comité syndical ou d’un président peut provoquer une procédure en justice de notre part. Je n’ai pas de souci là-dessus ».Le syndicaliste Kirill est également optimiste : « Nous ne faisons rien de mal. Je pense que tout ira bien. Même si nous nous effondrons en un mois, ce sera une expérience enrichissante. »

Le fait que Solidarité universitaire, entre autres, aide d’autres organisations syndicales, a été raconté par Andronik Arutyunov dans notre texte « Comment la communauté universitaire en Russie a changé après huit mois de guerre ».

В СПбГУ формируют первый независимый(!) студенческий профсоюз

Почему они не боятся? И как сделать такой же? Мы с ними поговорили

13.12.22 Настя Слива

syndicat independant st petersbourgВ СПбГУ продолжается давление на факультет свободных искусств и наук: администрация вуза массово увольняет «неугодных» преподавателей — и, как сообщали СМИ, вовсе грозит закрыть факультет. Чтобы организованно сопротивляться решениям администрации, студенты СПбГУ создали первый независимый студенческий профсоюз.

И это при том, что профсоюз в СПбГУ уже есть — но официальный, или как называют его студенты «желтый». В отличие от «желтого» профсоюза, новая студенческая организация не зависит от вуза, а ее члены собираются отстаивать академические права студентов, добиваться от администрации нормальных условий проживания и сохранить факультет свободных искусств и наук СПбГУ не только на словах.

«Нам нужно что-то новое, что может оказать влияние на вуз».

Как появился новый студенческий профсоюз

Председатель нового профсоюза Данила Шлакин рассказывает, что идея создать независимый студенческий профсоюз родилась на факультете свободных искусств и наук СПбГУ. Из-за особой учебной программы, факультету больше других доставалось от силовиков и администрации вуза.

Факультет свободных искусств и наук СПбГУ последний в России работает по программе Либерал Артс. Особенность курса в том, что студенты могут самостоятельно составлять свой учебный план и менять профиль во время обучения.

Весной 2021 основного партнера факультета — американский Бард-колледж — признали «нежелательной организацией», и вуз разорвал с ним все академические связи.

В мае 2022 года администрация СПбГУ посчитала некоторые дисциплины факультета «идеологизированными» и попыталась их сократить. Правда, изменение учебной программы отложили до 2023 года. Как считает преподаватель Смольного, руководство вуза ослабило давление из-за шума, который подняли студенты. В июне 2022 они запустили хэштег #save_smolny, и стали писать письма в приемную комиссию университета, главе попечительского совета Дмитрию Медведеву и ректору СПбГУ Николаю Кропачеву.

В октябре 2022 года в СМИ появилась информация, что СПбГУ закроет программу «Свободные искусства и науки» и заменит ее курсом «Искусства и гуманитарные науки».

«На факультете свободных искусств и наук произошли значительные изменения. Уникальную для СПбГУ и всей России систему обучения [Либерал Артс] реформируют и пытаются втиснуть в „государственный стандарт“. Сейчас на факультете постоянный переполох. Поэтому именно там появилась идея создать независимый профсоюз как способ вести адекватный диалог на равных с администрацией».

Независимый профсоюз был учрежден 19 ноября, а собрание всех его членов прошло 23 ноября. Вскоре к новому профсоюзу присоединились студенты других факультетов СПбГУ. Так он стал общей студенческой инициативой.

Как рассказывает председатель, другие студенты узнают о профсоюзе от его участников:

«Члены профсоюза ходят с бланками по факультетам и предлагают вступить в профсоюз. Они рассказывают, чем мы планируем заниматься, о наших идеях, немного истории и как вступить. В дальнейшем мы будем раздавать листовки с информацией о нашем профсоюзе, разносить их по общежитиям и факультетам. Деятельность профсоюза мы освещаем в нашем телеграм-канале».

Студент истфака СПбГУ, один из членов нового профсоюза Кирилл Князев узнал о независимом профсоюзе от знакомых с истфака и вступил в него из-за активной гражданской позиции: «На следующий день после учредительного собрания мне написали, что нужно будет раздавать заявления на вступление в профсоюз. А у меня уже был похожий опыт: я собирал подписи в поддержку руководителя одного из комитетов студсовета».

Кирилл считает, что необходимость в профсоюзной организации появилась давно: «На каждом факультете [СПбГУ] есть студсоветы, но они не обладают никакими полномочиями. Они могут высказывать мнение [студентов факультета], говорить с администрацией, но не влияют на ее решения напрямую. Давно назревало, что нам нужен орган, который сможет высказать администрации требования и вывести [студентов] на акции. Нам нужно что-то новое — что сможет оказать влияние на вуз. Когда ребята мне написали, что появился профсоюз, я обрадовался: „Что? Ура! Я мечтал об этом, а оно здесь“».

Об этом же говорит и председатель профсоюза: по его словам, существующие на факультетах проблемы невозможно решить через студсовет, потому что «он встроен в иерархию вуза» и администрация этим пользуется:

«Профсоюз, согласно Федеральному законодательству, обладает достаточными полномочиями, чтобы отстаивать права студентов отдельно от администрации. Студенты понимают, что решить проблемы в рамках других объединений не получается, а в рамках профсоюза это можно делать».

В октябре 2022 года студсовет факультета свободных искусств и наук попросил обсудить на заседании Ученого совета увольнения преподавателей. В ответ на запрос ученый секретарь СПбГУ Александр Гнетов сказал, что «студенческие проблемы не входят в компетенции Ученого совета».

СПбГУ стремительно увольняет преподавателей по политическим мотивам, часто не скрывая этого. Так, из-за выхода на митинг против мобилизации в октябре уволили преподавателя философии Дениса Скопина. А ранее с должности и. о. декана факультета свободных искусств и наук сместили Данила Раскова — якобы из-за нарушений в сотрудничестве с Бард-колледжем.

«Вуз федерального значения, а денег ни на что нет».

Какие проблемы собираются решать члены профсоюза?

Главная проблема, которую хотели бы решить участники профсоюза — давление на факультете свободных искусств и наук. Затем проблемы с общежитиями: по словам участника профсоюза Кирилла, в Санкт-Петербурге не хватает мест для тех, кто учится в городе. Основные общежития находятся в Петергофе, и дорога туда-обратно занимает около двух часов.

На сайте СПбГУ сказано, что университет предоставляет места в 21 общежитии: 13 из них находятся в Петродворцовом районе (Петергоф), восемь — в Василеостровском и одно — в Невском.

«Еще есть здание (Прим. ред. — Бывшее общежитие фабрики «Большевичка» на Печатника Григорьева, 16/3), которое было передано вузу в 2011 году. Тогда сказали, что нужно 40 млн ₽, чтобы его починить, а денег нет — с этого момента его так и не ремонтируют. Я думаю, мы сможем решить этот вопрос, если у профсоюза будет какое-то влияние.

Еще есть проблема со стипендиями: они не индексируются, не успевают за инфляцией. Двух тысяч рублей не хватает даже на проезд. (Прим. ред. — Согласно приказу на сайте СПбГУ, академическая стипендия в 2022 году — 2164 ₽ в месяц).

Так интересно: вуз федерального значения, его [президент] Путин заканчивал, а денег ни на что нет».

По словам председателя, чтобы профсоюз стал сильнее, нужно набрать как можно больше участников: «Это влияет на то, как эффективно мы сможем решать вопросы, которые волнуют студентов. В ближайшее время мы начнем заниматься проблемами с общежитиями и условиями жизни в них. С этим нам готовы помочь наши друзья из других профсоюзов».

Администрация вуза пока никак не реагирует на инициативу студентов. Чтобы начать диалог, 28 ноября члены профсоюза направили ректорату официальные документы: письмо с уведомлением о создании профсоюза, выписку из протокола учредительного собрания, справку о создании первичной организации. Ректорат письмо студентов проигнорировал.

«Сложно сказать, чего ожидать. Они могут попытаться нас задобрить — позвать на кружечку чая к себе. А может будет попытка надавить или что-то другое — предугадать невозможно», — говорит председатель профсоюза.

Похожее мнение и у участника профсоюза Кирилла: «В администрации вуза есть очень разные люди: те, кто легко идет на контакт, и те, с кем невозможно договориться. Не могу даже предположить, какая будет реакция».

«Должна быть воля к борьбе за свои права».

Как создать профсоюз в вузе?

«От идеи до создания профсоюза прошел месяц, но активная подготовка длилась не больше двух недель. В это время мы налаживали контакт с другими профсоюзами, разрабатывали общее видение того, чем должен быть и чем должен заниматься профсоюз, — рассказывает Данила. — Создать свой профсоюз нетрудно, и для этого можно обратиться к уже действующим — они примут вас к себе и помогут собрать первичную [профсоюзную] организацию в университете. Мы так и сделали — обратились к ребятам из [независимого студенческого профсоюза] „Дискурс“, поэтому сейчас мы условно относимся к нему. Но есть и другие профсоюзы».

«Дискурс» работает в Москве, Санкт-Петербурге, Воронеже, Астрахани, Кирове, Петропавловске-Камчатском, Свердловской области, Белгородской области и в Севастополе.

Координатор независимого студенческого профсоюза (НСП) «Дискурс» Анастасия Байбикова рассказывает, что их профсоюз появился в 2016 году в Белгороде:

«[Наш профсоюз] создавался в противовес профсоюзам при вузах и ссузах, которые в значимых вопросах занимали сторону ректората, и редко — студентов. Так быть не должно.

Мы написали Устав, свой Манифест и нашли неравнодушных к проблемам студенчества. В отличие от других профсоюзов мы принципиально отказались от идеи взносов и старались создавать свои первичные профсоюзные организации в разных вузах. Боролись за права так, чтобы никого не подставить: студенты одного вуза разбираются с проблемами другого. И студентам проще, и администрации тяжелее надавить. Через год в наше отделение стали поступать предложения о присоединении из других городов. Так мы переросли в межрегиональный профсоюз.

Чтобы объединяться в своих вузах у студентов должна быть воля к борьбе за свои права. Если найдутся хотя бы несколько таких ребят, уже можно что-то предпринять. Энтузиасты могут создать свой профсоюз с нуля, а мы им в этом поможем. А можно просто открыть первичную профсоюзную организацию уже существующего НСП и действовать сообща. Центр будет помогать и с юридической защитой, и организационно. Еще у нас есть просветительская задача, потому что студенты совсем не знают своих прав. Для них мы разрабатываем семинары, лекции и пособия».

По словам Анастасии, главное отличие создания профсоюза от создания первичной профсоюзной организации в том, что для своего профсоюза нужно написать собственный устав и структуру. Первичная профсоюзная организация берет устав профсоюза, при котором она создана.

Благодаря работе независимого профсоюза:

  • В Белгороде отменили комендантский час в студенческих общежитиях.
  • В Санкт-Петербурге вместе с научным сообществом смогли отстоять Российскую национальную библиотеку от слияния с Государственной библиотекой.
  • В Екатеринбурге решили вопрос с задержками стипендий. Во время пандемии выступали за снижение платы за обучение, дошли до Госдумы, но большинство от Единой России отклонило предложение. Также профсоюз добивался ремонтов в общежитиях и приведения корпусов университетов к нормам СанПина.

Обратиться за помощью можно в региональное или федеральное отделение профсоюза. Если студентам нужна помощь с открытием первичной организации, профком «Дискурса» вышлет все необходимые документы и расскажет, с чего начать работу. Связаться с профсоюзом можно в группе Вконтакте.

«Независимый профсоюз не должен обременять студентов».

Как работает новая студенческая организация СПбГУ

По словам председателя профсоюза, механизм работы еще регулируется — структура появится с первым опытом. Пока студенты ориентируются на устав «Дискурса»: по нему решения принимаются на конференции, на которой голосуют все члены профсоюза. На ежедневной основе профсоюзом управляет профсоюзный комитет — профком. «Мы сформировали несколько отделов: например, отдел продвижения будет отвечать за связи со СМИ и агитацию; отдел организации мероприятий — собирать конференцию или организовывать встречи профсоюза с администрацией вуза».

«Дискурс» не координирует работу профсоюза СПбГУ: студенты полностью автономны и «разбираются со всем сами». Они принимают решения с помощью голосования, а другие важные вопросы обсуждают в чатах. Кроме того, у нового профсоюза нет бюджета и финансирования.

«„Желтый“ профсоюз забирал 2% со стипендий его членов себе. Из-за этого в головах студентов профсоюз — странное место, куда пропадает часть их стипендии. Нам всем кажется, что независимый профсоюз не должен обременять студентов взносами. Но на деятельность профсоюза можно делать добровольные пожертвования, да и члены профкома готовы отдать монеточку своему делу».

На сайте «желтого» профсоюза сказано, что членский взнос студентов бюджетников — 4% от стипендии (87 ₽), а студентов платников — 200 ₽. В СПбГУ учится больше 20 000 человек.

«Если хотят давить — пусть попробуют».

Почему студенты продолжают объединяться и бороться за свои права?

В одном из постов телеграм-канала профсоюза сказано, что его члены «одним своим присутствием» защищают себя и коллег, и если участников больше 50, надавить на него будет сложно. Заканчивается пост так: «Несмотря на эти факты, мы понимаем возможные опасения, поэтому считаем важным не публиковать имена вступивших, огласив только общее число».

Председатель профсоюза Данила Шлакин уверен, что по политическим статьям к ним вопросов нет, а отчисление — не так страшно: « Мне кажется, наша борьба рациональна и прагматична. Мы не просто высказываемся и выходим на улицы с агитацией, наша цель — защищать права студентов и качественное образование.

Если ты думаешь, что тебя отчислят из-за того, что ты борешься за свои права, глупо думать, что тебе не станет хуже в будущем от того, что ты за свои права не боролся.

Нужно начинать отстаивать свои права в моменте: чем дальше, тем больше они будут нарушаться. Если тебя отчислят или к тебе применят какие-то санкции, ты потеряешь гораздо меньше, чем мог бы.

Если хотят давить — пусть попробуют. У нас все под контролем — давить на челнов профсоюза себе дороже. У нас есть друзья из других профсоюзов — „Конфедерации Труда России“ и находящаяся в нем „Университетская солидарность“. Мы всегда можем обратиться к ним за юридической помощью, если на нас будут давить. Даже вынесение выговора члену профсоюза, профкома или председателю, может спровоцировать разбирательство в суде с нашей стороны. Я за это не переживаю».

Член профсоюза Кирилл тоже настроен оптимистично: «Мы ничего плохого не делаем. Я думаю, у нас все будет хорошо. Даже если мы развалимся через месяц, это будет полезный опыт».

О том, что «Университетская солидарность» в том числе помогает другим профсоюзным организациям, рассказывал Андроник Арутюнов в нашем тексте «Как изменилось университетское сообщество в России спустя восемь месяцев войны».

 

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