1940: le 5 place Saint-Michel et la résistance étudiante

L'oeuvre 1940 place st michelGibert Jeune va fermer ses magasins de la place Saint-Michel à Paris, dont celui du n°5, où la librairie s’était installée en 1971. Or, cette adresse est liée à l’histoire du mouvement étudiant, c’est là que sur la ronéo de l’UNEF est tiré le tract appelant les étudiants à manifester à l’Etoile le 11 novembre 1940 .  Faisons un retour quelques mois auparavant. Le Comité supérieur des œuvres créée en 1936, est à l’étroit dans ses locaux pour toutes les œuvres qu’il doit accueillir. Durant l’année universitaire 1938-1939, c’est au 5 place Saint-Michel qu’un bureau annexe est aménagé pour le secrétariat parisien de l’OTU (Office du tourisme universitaire), le Bureau d’accueil des étudiants étrangers et le CLOSSU (Centre local de l’office du sport scolaire et universitaire). Les œuvres, dont le COPAR (Comité parisien des œuvres, devenu ultérieurement le CROUS de Paris), se retrouvent ainsi dans des locaux dispersés. En 1940 l’UNEF  s’installe.Place Saint-Michel …/…

Illustration :Paris-Soir du 25 août 1940 (BNF/Gallica). Cliquer sur l’image pour agrandir.

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Le Courrier de l’étudiant aux armées, janvier 1940. (BNF/Gallica)

En effet, quand la guerre éclate en 1939, s’installe au 5 place Saint-Michel le nouveau Centre d’entr’aide aux étudiants mobilisés[1]. L’Office de presse universitaire (OPU) s’y installe également, l’OTU quittant les lieux pour aller 104 boulevard Saint-Germain. Jean David, responsable de l’OPU, dans Le Courrier de l’étudiant aux armées, incite les étudiants et les adhérents de l’UNEF sous les drapeaux à ne pas hésiter « sur l’adresse où ils pourront avoir satisfaction : dans tous les cas qu’ils retiennent celle-là : 5 place Saint-Michel », et que pour leurs permissions une permanence est assurée « même les dimanches et jours de fêtes, de 11 heures à midi et de 17 heures à 19 heures »[2].

Après la débâcle de juin 1940, le Centre est renommé en Centre d’entr’aide aux étudiants prisonniers. La Zone Nord est occupée, Jean David installe le siège de l’UNEF en Zone Sud (la zone dite « libre ») « à proximité des ministères », mais le secrétariat permanent de l’UNEF  maintient sa présence à Paris avec François de Lescure délégué en zone occupée, toujours au 5 Place Saint-Michel, ainsi que la Fédération des étudiants de Paris de l’UNEF (FEP, qui avait remplacé l’AGE de Paris après sa dissolution), ce qui fait la une du quotidien Le Soir du 25 août 1940. On retrouve fréquemment dans ces locaux, sous couvert de réunions consacrées aux oeuvres et aux questions corporatives, de Lescure, Rosier, Bellot, etc. du groupe et réseau résistants: « Maintenir », Organisation civile et militaire (OCM). La roneo (appareil de duplication) sert à imprimer le tract d’appel du 11 novembre 1940. Les lieux sont perquisitionnés par la police française (qui y arrête François de Lescure pour interrogatoire) le 3 décembre 1940, mais n’y trouve rien.

Après-guerre, le Bureau universitaire de statistiques (BUS) s’installe 5 place Saint-Michel, les locaux du 15 rue Soufflot, hébergeant désormais le Bureau d’accueil et d’information des étudiants étrangers et le Centre universitaire des victimes de guerre[3]. L’UNEF obtient en retour du COPAR des bureaux dans ce qui restera le dernier siège social de la « grande UNEF », le 15 de la rue Soufflot[4].

[1] C’est En tete 5 place saint Michelà tort que sur le site «Paris révolutionnaire» il est indiqué qu’il s‘agit d’une organisation pétainiste d’aide et de formation pour les étudiants prisonniers de guerre. Il y a une confusion avec les activités du Service national des étudiants dont la déclinaison parisienne est le Service parisien des étudiants, occupant d’abord des locaux au 15 rue Soufflot en 1941, et – leur activité se réduisant – déménagent en 1942 place Saint-Michel,.

[2] Jean David, « Ce que devient l’Union nationale des étudiants », Courrier de l’étudiant aux armées n° 2 janvier 1940. Dans le même article il précise que le BUS reste au ministère, l’Office du sport scolaire et universitaire (OSSU), ainsi que le Paris université club (PUC) occupent l’appartement du 44 rue de Bellechasse, le secrétariat parisien du sanatorium demeurant au rez-de-chaussée. Le BUIC (Bureau universitaire d’informations sur les carrières, (centre partisien du BUS) reprend son activité 104 bd Saint Germain, et donne asile à l’OTU et au Centre national des étudiants de la France d’outre mer (CEFOM).

[3] Ces deux organismes sont mentionnés à cette adresse dans Informations sociales, 1949, mais pas l’UNEF.

[4] Pierre Rostini avait indiqué dans une conversation avoir alors mené la négociation avec Rosier et les œuvres, et avoir déménagé les archives de la place Saint-Michel vers la rue Soufflot, mais nous n’avons pas la précision de l’année. En fait le COPAR loue les locaux à l’éditeur Delagrave, l’UNEF étant en quelque sorte sous-locataire.

Pour aller plus loin sur notre site

Stéphane Merceron : Jean Zay ministre : la création du CSO, un tournant pour l’UNEF des années 1930.

Hugo Miroufle  Le Comité Parisien des OEuvres sociales à destination des étudiants (1937-1947). Logiques administratives et politiques ; l’invention d’un service (au) public étudiant. Mémoire de master 2, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2020. Voir aussi la video de sa présentation à notre séminaire du 11 juin 2020.

Ludovic Bouvier, La providence des étudiants parisiens: histoire administrative du Comité parisien des oeuvres universitaires (CO-PAR) de 1936 à 1955, mémoire de M2 d’histoire contemporaine, sous la direction de Jean-Noël Luc. Paris-Sorbonne, 2013. Note de lecture Monchablon.

Axelle Hypolite Martin, Histoire et Mutations communicationnelles des œuvres universitaires : du CSO aux CROUS. Thèse en sciences de l’information et de la communication. Université Montpellier 3, 2019. Note Monchablon.

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