Lectures. Ludovic Bouvier, « La providence des étudiants parisiens Histoire administrative du Comité parisien des oeuvres universitaires (CO-PAR) de 1936 à 1955 »

coparLudovic Bouvier, La providence des étudiants parisiens: histoire administrative du Comité parisien des oeuvres universitaires (CO-PAR) de 1936 à 1955, mémoire de M2 d’histoire contemporaine, sous la direction de Jean-Noël Luc. Paris-Sorbonne, 2013.

« La providence des étudiants parisiens« . On ne sait malheureusement pas qui employa cette formule pour désigner le Comité parisien des œuvres sociales en faveur des étudiants, l’actuel CROUS de Paris, longtemps dit le COPAR. Si providence il y a eu, elle n’eut rien de céleste, mais s’inscrivit lentement (puisque il y fallut près de vingt ans) et très matériellement dans le paysage universitaire parisien. Ce mémoire de Master 2 en histoire administrative examine minutieusement l’installation  de ce premier Centre éégional des oeuvres, en s’interrogeant sur ce qu’il représente comme élément de l’un Etat-providence en construction, et simultanément comme composante éventuelle d’une politique de la jeunesse. En fait ce centre parisien est beaucoup plus qu’une filiale régionale d’un centre national. Ce dernier, le Centre supérieur desoeuvres en faveur des étudiants… a été créé par Jean Zay, ministre de l’Education nationale du Front Populaire, dès juillet 1936. Remplaçant l’informel Comité des recteurs établi en 1930, il regroupe des entités déjà existantes : le BUS (Bureau universitaire de statistiques) qui est une association subventionnée, le Sanatorium des étudiants de France qui est une fondation privée. Son originalité est d’avoir une direction ouverte aux représentants des étudiants eux-mêmes, soit les dirigeants de l’UNEF. Le décret créant le CSO prévoyait pour l’avenir des sections régionales, dont une seule vit le jour avant 1939, la structure dite COPAR, née d’un arrêté rectoral de décembre 1937. Cette précocité relative du comité parisien, son importance dans une Université de Paris qui rassemblait alors la moitié des étudiants français,  explique que l’étude  passe parfois du CSO au COPAR.

Ce qui frappe c’est le contraste entre d’une part la discontinuité juridico-administrative du comité parisien, et de l’autre la continuité voire le développement des services rendus par ledit comité.

Installé en 1937 dans des locaux neufs le Comité parisien n’a pas de statuts avant l’automne 1939 . Il fonctionne comme une association subventionnée, dirigée par un secrétaire qui est en même temps le secrétaire du centre national ; cette situation d’association indépendante est tempérée par l’existence depuis novembre 1938 d’un contrôle financier de l’Etat. Contrecoup indirect de la manifestation étudiante du 11 novembre 1940, Vichy par son nouveau secrétariat général à la Jeunesse crée un Service des étudiants parisiens (SEP) dirigé par un brillant officier de cavalerie le commandant de Tournemire. A noter que le SEP est supposé anticiper un Service national des étudiants émanant de Vichy, mais qui n’a guère de développement hors de la capitale. Le COPAR subsiste au côté du SEP  au sein d’un comité où de façon feutrée la question est de savoir qui dirige, de l’Université via le Recteur (ou son représentant) ou de la nouvelle administration du secrétariat à la Jeunesse. Dans les faits l’ensemble fonctionne, avec des incidents cocasses : en janvier 1943 le SEP ne peut recevoir la subvention étatique dont il est destinataire, et doit  pour cela passer par le COPAR. La situation se complique avec la création de maisons de faculté qui menacent de doubler les associations d’étudiants. Qu’on y ajoute les projets – inaboutis – de corporation étudiante, et on comprend la formule de « cascade juridique » employée alors. La Libération venue, le SEP est dissous, mais le COPAR garde un statut juridique incertain, des arrêtés rectoraux  fixant provisoirement  son fonctionnement.

Il en est de même pour le Centre supérieur des oeuvres, dont l’organisation est modifiée par un arrêté du 13 septembre 1946, annulé par un arrêté du 5 mars 1947, que vient annuler un arrêté du 24 mars  suivi de la désignation d’une commission et d’un arrêté transitoire du 8 août de la même année. La loi finalement votée en avril 1954 met fin à ces incertitudes.

A l’inverse c’est la continuité, mieux, le développement continu qui prévaut dans le domaine des activités du COPAR. Ce dernier n’était avant 1939 que le bureau coordinateur des antennes locales d’œuvres nationales. Les événements en décidèrent autrement, aidés il est vrai par l’omniprésente personnalité d’Alfred Rosier : cet ancien président de l’Association générale des étudiants de Lyon, fondateur dès 1933 du BUS, membre en 1936 du cabinet de Jean Zay, secrétaire à la fois du COPAR et du CSO de 1937 à 1946 et au delà, s’était voué aux œuvres en faveur des étudiants. Il voulait dès 1937 constituer « quelque chose de solide au Quartier latin », et se trouve à l’origine de beaucoup des initiatives propres du COPAR. Ce dernier outre qu’il regroupe les diverses œuvres (Office du tourisme universitaire, BUS, Bureau des étrangers, Comité des étudiants d’outre-mer..) développe ses aides directes : le service médical aide financièrement aux consultations médicales, le secteur des restaurants universitaires passe de l’agrément à la gestion directe puis à la construction de véritables restaurants universitaires, tandis que le service du logement s’étend  à la réservation d’hôtels, voire en envisage l’achat. Les initiatives culturelles (théâtre, chorales, orchestres)  se développent également. Au point que le Ministre en 1946 donne en exemple aux recteurs de province les initiatives et réalisations du COPAR pour la mise en œuvre des futurs comités régionaux. Cette providence était une avant garde.

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