Jean-Zay est entré au Panthéon. Rappelons que c’est sous son ministère dans le gouvernement du Front populaire, que fut créée le CSO (ancêtre du CNOUS et des CROUS) et surtout que fut reconnue la représentation étudiante puisque pour la première fois une organisation nationale, l’UNEF, obtenait une place pérenne, de plein droit dans un organisme officiel. Voici ce qu’en dit Stéphane Merceron* au travers d’extraits de ses articles publiés dans Les cahiers du Germe spécial 3 (1997) « Années 30, l’UNEF change de cap », et spécial 4 (2003), « La naissance des oeuvres ».
L’UNEF privilégie depuis toujours l’action institutionnelle pour parvenir à ses fins. En l’absence de répondant — ce fut le plus souvent le cas en matière d’aide sociale jusqu’à l’arrivée de Jean Zay —, elle prend l’initiative de mettre en place les structures qu’elle juge indispensables, non sans quelques difficultés : neuf ans séparent la pose de la première pierre du Sanatorium de Saint-Hilaire-du-Touvet, le 25 octobre 1924, de son inauguration définitive le 7 juillet 1933[1]. Dès 1928, elle demande « une représentation de l’U.N. au Conseil supérieur de l’instruction publique »[2] et en 1929 une représentation au sein d’un organisme qui « aurait pour but de répartir les fonds destinés à l’aide sociale aux étudiants »[3]. On imagine donc assez aisément le bon accueil réservé à la première représentation officielle de l’U.N. au sein d’une instance présidée au nom du ministre par le directeur de l’Enseignement supérieur. Lors de la réunion du CSO de juin 1937 qui suit son élection, Claude Delorme obtient « après une discussion très énergique »[4] que soit tranchée une question restée en suspens depuis sa création, celle du monopole de l’UNEF en matière d’aide sociale aux étudiants : « seules les Associations générales d’étudiants affiliées à l’U.N. peuvent être représentées au Comité des Œuvres et les crédits affectés aux œuvres d’étudiants doivent être automatiquement versés aux A.G. et non à toutes autres associations ». Forte cette reconnaissance, les responsables de l’Union Nationale engagent l’organisation étudiante sur la voie de l’institutionnalisation. Celle-ci se manifeste d’abord par la participation de l’UNEF au Courrier des étudiants publié par le CSO qui à partir de son numéro de mai-juin 1938 devient aussi l’organe officiel de l’Union Nationale.
Un journal national : Le courrier des étudiants
La « publication d’un journal ou d’un bulletin de l’UNEF » était l’une des raisons qui avait motivé le vœu émis par les A.G. de Toulouse et de Dijon au congrès de 1929[5] de créer d’une commission s’occupant de la presse universitaire. En se contentant de mettre en place un secrétariat de presse chargé de coordonner les initiatives des A.G., le congrès d’Alger[6] n’avait pas répondu à cette attente. L’absence d’organe de presse officiel de l’UNEF jusqu’en 1938 ne correspond pas à un manque de moyens, de nombreuses A.G. disposent du leur et l’UNEF assure le secrétariat de presse de la CIE depuis 1932 ; avant de s’adresser aux étudiants, l’Union Nationale s’adresse surtout aux pouvoirs publics.
La création du CSO et la publication du Courrier des étudiants pour appuyer son action à partir de novembre 1937 modifie cette situation. Le Courrier des étudiants correspond à une préoccupation du ministère de communiquer en direction des étudiants pour donner une lisibilité aux décisions du CSO et montrer l’attention portée à l’avis de leurs représentants étudiants. Cette création apporte « un renouveau d’actualité »[7] à « la question du journal de l’U.N ». Lors de la réunion de l’Office de presse de l’UNEF du congrès de Nice, en avril 1938, Jean David rend compte « des négociations entamées pour faire du “Courrier” un journal de l’U.N »[8] et reçoit le mandat de continuer les négociations sous réserve que l’UNEF dispose d’une liberté d’expression et de l’absence pour elle d’obligations financières. Sans doute ne manquait-il plus que cet accord du congrès : dès le numéro de mai-juin 1938, Le Courrier des étudiants devient le « bulletin mensuel du Comité Supérieur des Œuvres sociales en faveur des étudiants et de l’Union Nationale des Etudiants de France ». S’il n’en reste pas moins domicilié 110 rue de Grenelle, Paris VIIe, au ministère de l’Education nationale, l’UNEF peut y publier sa motion remettant en cause le bien fondé de l’Ecole nationale d’administration voulue par le ministère[9].
S’il ne semble pas que l’intention de Jean Zay et d’Alfred Rosier ait été d’ »étatiser » les Œuvres, l’évolution de ses fondations n’en soulève pas moins quelques inquiétudes au sein de l’Union Nationale, comme nous le montre l’organisation de la Semaine sociale de l’étudiant de 1939 et le débat qu’elle provoque lors du congrès de Versailles[10].
[…]
L’institutionnalisation de l’UNEF et de ses fondations a pour effet de modifier la nature de l’organisation étudiante : une véritable Union Nationale tend à remplacer la vielle fédération. Ce mouvement ne se fait pas sans qu’apparaisse une nouvelle difficulté : l’institutionnalisation des Œuvres est parfois vécue comme une dépossession. L’organisation conjointe de la Semaine sociale de l’étudiant de 1939 par l’UNEF et les pouvoirs publics par l’intermédiaire du CSO contribue à révéler le nouveau rôle joué par l’Union Nationale auprès de ses A.G. ; mais si elle marque la reconnaissance de ses fondations, elle montre aussi toute l’ambiguïté de leur nouveau statut et favorise chez certains responsables étudiants le sentiment d’en être dépossédé. Difficilement perceptible en 1938, le débat est nettement posé en 1939.
Pour Roger Bazex[11] qui a été l’origine de la Semaine sociale de 1938, celle de 1939 n’est « plus estudiantine, mais ministérielle[12] : l’UNEF l’a « créée, et, par la suite, le ministère s’en est emparé » ; Jean David a dû “gueuler” au téléphone[13] pour que l’Union Nationale figure sur le papier à lettres servant à sa préparation et que le nom de Claude Delorme soit mentionné. René-Yves Le Mazou approuve ses critiques.
L’UNEF nous apparaît majoritairement acquise aux évolutions en cours. Toutefois, l’orientation défendue par Claude Delorme, Jean David et Albert Lenclud, qui placent au centre de leurs priorités la question de l’aide sociale aux étudiants, nous apparaît comme fragile. Roger Bazex et avec plus de retenue René-Yves Le Mazou, tendent à se démarquer de cette orientation placée sous le signe de la collaboration avec le ministère Jean Zay. Cette orientation n’en est pas moins majoritaire ; sans doute parce qu’elle sait ménager l’autre orientation possible : celle de l’opposition avec le ministère sur le terrain des réformes de l’enseignement[14]. Personne ne s’oppose à la réélection de Claude Delorme au congrès de Nice de 1938[15]. Albert Lenclud, prend sa suite l’année suivante sans plus d’opposition[16]. Il fait élire Delorme par applaudissements président d’honneur.
Le développement des Œuvres universitaires entre 1936 et 1939 n’est pas moins dissociable du nom de Claude Delorme que de ceux de Jean Zay et d’Alfred Rosier. Claude Delorme leur assure le soutien de l’Union Nationale. Sous sa présidence l’UNEF s’institutionnalise et tend à occuper une place qu’elle n’avait sans doute jamais eue auparavant : vis-à-vis de Pouvoirs publics, l’UNEF est désormais représentée dans une instance ministérielle, le CSO ; vis-à-vis des A.G., l’Union Nationale ne se contente plus d’être leur porte-parole mais inspire en partie leur activité ; et vis-à-vis des étudiants qui y adhèrent davantage que par le passé : l’UNEF qui regroupait 14 000 étudiants en 1938[17] en réunit 21 000 en 1939 soit près d’un étudiant sur quatre[18].
Nous ne réduirons cependant pas les « années Delorme » à l’action de l’UNEF en matière d’aide sociale, la collaboration avec le ministère Jean Zay et l’aide apportée par Alfred Rosier s’exercent dans d’autres domaines encore plus marqués idéologiquement. L’UNEF de la fin de l’entre-deux-guerres n’est pas une entité désincarnée. Elle existe dans le bureau d’un ministre, dans les couloirs d’une faculté, ou sur un terrain de sport, par la volonté de quelques centaines d’étudiants pouvant prétendre qu’ils en représentent une dizaine de milliers. Ils étudient à Tours ou à Paris, à Bordeaux ou à Strasbourg ; ils se destinent à l’exercice d’une profession libérale, aux métiers de l’art ou à devenir fonctionnaires mais ils ont en commun de faire partie d’une « jeune génération de la crise »[19], et la jeunesse, comme la période, est propice aux engagements.
[…]
Les oeuvres
A côté des œuvres locales dont la création vaut à l’UNEF sa reconnaissance d’utilité publique en 1929, l’UNEF participe à la mise en place d’organismes[20] nationaux et spécialisés destinés à améliorer les conditions de vie et d’études des étudiants dans des domaines où l’absence d’engagement de l’Etat rend nécessaire l’initiative privée. A l’exception notable du Sanatorium des étudiants ouvert en 1933, l’absence de moyens retarde leur développement jusqu’à l’arrivée de Jean Zay; au ministère de l’Education nationale, le 4 juin 1936. Sans représentation des étudiants, sans moyens autonomes ni réalité administrative[21], la Commission des recteurs était incapable d’inspirer et de mettre en œuvre une politique sociale susceptible d’enrayer la dégradation des conditions de vie des étudiants. L’arrivée de Jean Zay au ministère de l’Education nationale modifie en profondeur et durablement cette situation.
Pour la nouvelle équipe ministérielle qui perçoit “ l’enjeu de politique sociale ”[22] que constitue aussi “ la politique scolaire ”, le développement des aides sociales en faveur des étudiants apparaît comme une nécessité. Il lui manque cependant un instrument d’intervention public, susceptible de traduire dans les faits sa volonté réformatrice[23] dans un domaine jusqu’ici pris en charge par des organismes fonctionnant grâce à des fonds publics mais relevant du droit privé. Le Comité supérieur des œuvres sociales en faveur des étudiants est donc créé par décret le 27 juillet 1936. Pour l’essentiel, l’organisation retenue reprend les recommandations d’une note adressée au ministre le 12 juin 1936[24].
Cette date du 12 juin mérite d’être soulignée. Elle nous montre tout d’abord que l’aide sociale aux étudiants et l’avenir des principales œuvres existantes font partie des sujets retenant l’attention du ministre dès les premiers jours de son installation. le projet de Comité supérieur des œuvres est antérieur à la première rencontre officielle de l’UNEF avec le nouveau ministre[25].
La mise en place d’un secrétariat permanent chargé de coordonner l’action des différentes œuvres est une première qui donne toute sa portée à la création du CSO. La nomination du secrétaire général du BUS à la tête de ce secrétariat[26] consacre sa connaissance du milieu étudiant et ses talents d’organisateur ; mais cette nomination comme n’est pas seulement celles d’un technicien averti ; le poste est politique, et Alfred Rosier a le profil requis.
Avant d’entrer au service d’Anatole De Monzie en 1932, Alfred Rosier a été chef du secrétariat particulier du maire SFIO de Suresnes et administrateur de l’Office public des HBM de la Seine : Henri Sellier[27]. Dans les années 1936-1937, ce “ proche du socialisme réformiste ”[28] n’est sans doute pas loin de partager les options des jeunes-turcs du Parti radical patronnés par l’ancien bibliothécaire de l’A.G. de Lyon de 1913 – Edouard Daladier – et dont Jean .i.Zay est l’un des représentants les plus en vue.
Moins hypothétiques — car établis — sont les liens qu’il entretient de longue date avec des associations parti prenantes des politiques du Front populaire. Il en va ainsi de la Ligue de l’enseignement dont son ami Claude Bellanger — secrétaire général de l’UNEF de 1933 à 1934 — va bientôt devenir le secrétaire général, de la Confédération des travailleurs intellectuels (CTI) et de l’Entr’aide des travailleurs intellectuels (ETI) où il est très actif, et qui toutes deux participent au développement du BUS[29], nous pouvons également citer l’Entr’aide universitaire internationale (EUI).
Sans doute bénéficie-t-il aussi de l’amitié d’un homme d’influence comme Paul Grunebaum-Ballin qui a l’écoute de Léon Blumet de Jean ZayTous deux sont des familiers des organismes d’aide aux travailleurs intellectuels que nous venons d’évoquer. Paul Grunebaum-Ballin préside l’ETI et est conseiller juridique de la CTI. Tous deux fréquentent également le Bureau international du travail, ou encore l’Institut international de coopération intellectuelle (IICI). Le timbre-poste à surtaxe émis le 1er décembre 1938 au profit du Comité supérieur des Œuvres à l’initiative d’Alfred Rosier[30] fait écho à ceux émis à l’initiative de Paul Grunebaum-Ballin pour financer ses “ chantiers intellectuels ”[31] en novembre 1936. Il est d’ailleurs improbable que la rencontre n’ait pas eu lieu lorsqu’Alfred Rosier était chef du secrétariat particulier d’Henri Sellie administrateur de l’Office public des HBM de la Seine présidé par Paul Grunebaum-Ballin depuis 1929[32]. La nomination d’Alfred Rosier à la tête du Secrétariat permanent puis comme chef de cabinet de Jean Zay ne doit donc rien au hasard. Elle se révèle aussi très pratique au moment de mettre en place le Secrétariat permanent ; le BUS sert de support à la nouvelle structure.
[…]
Enfin, elle se range sans réserve derrière Jean Zay et son “ Plan de réorganisation général du sport et de l’éducation physique en France ”[33] :
« L’Union Nationale des Etudiants, toujours soucieuse de témoigner de l’intérêt qu’elle porte aux grands problèmes nationaux et particulièrement à ceux qui concernent la jeunesse française[34] tient à souligner devant les pouvoirs publics l’attention qu’elle réserve à l’organisation effective de l’Education physique et du Sport en France. [l’UNEF] se félicite notamment de la réorganisation du sport scolaire et universitaire que le ministre de l’Education nationale vient de réaliser récemment par la création de l’OSSU qui marque une première étape. […]. L’Union Nationale qui désire se trouver toujours à l’avant-garde de la Jeunesse Française, ne peut que se féliciter d’un projet qui apporte sur le plan général des réalisations précieuses et fécondes. Elle soumet donc aux pouvoirs publics le vœu suivant : »
“Le Congrès de l’Union Nationale des Etudiants de France, parlant au nom de la jeunesse universitaire, se préoccupe du développement physique de la race, enregistre avec satisfaction l’initiative prise par le ministère de l’Education nationale pour la réorganisation des sports et de l’éducation physique, se félicite notamment de la création de l’OSSU et du projet d’institution de l’éducation physique obligatoire et du contrôle médical de la jeunesse, affirme son accord complet sur la définition du sport amateur éducatif telle qu’elle est déterminée dans le projet Jean Zay, fait confiance à la bonne volonté de l’immense majorité de la jeunesse française ainsi qu’à celle de la plupart de ses dirigeants, décide de s’associer à tous les efforts demandés par M. le Ministre en vue d’une collaboration nécessaire entre les divers organismes qui contribuent au sain développement de la jeunesse de notre pays.” [35]
Au temps de l’instabilité ministérielle[36], la durée exceptionnelle du ministère Jean Zay[37] — durée paradoxale et presque indiscrète dira Jean Zay dans son discours d’ouverture du congrès de 1939[38] — favorise le développement des Œuvres. Du même coup, elle favorise aussi l’évolution de l’organisation étudiante en encourageant son institutionnalisation : l’UNEF représente les étudiants au sein du CSO et dispose bientôt d’un organe de presse financé en totalité par le ministère via le Comité supérieur des Œuvres. L’institutionnalisation de l’Union Nationale et de ses “ fondations ” et ses conséquences au cours des années universitaires 1937-1938 et 1938-1939 marquent une étape dans l’histoire de l’UNEF.
[…]
Une étatisation des œuvres ?
A l’issue de cette présentation des Œuvres et des réformes qui leur permettent de prendre un nouveau départ entre 1936 et 1939, une question mérite d’être posée : la mise en place du CSO et les réformes mises en œuvres correspondent-elles à une “ étatisation ” ? Nous n’y répondons pas directement, d’autres questions nous paraissent plus opératoires : Quelles sont les intentions de Jean Zay ? Quel est le point de vue d’Alfred Rosier ?
Pascal Ory, comme Michel De La Fournière et François Borella[39], nous renseigne sur les intentions de Jean Zay : “ le projet de Jean Zay était de créer un véritable Office national[40] chargé de ces questions ”[41]. Lorsque Jean Zay évoque la création du CSO dans ses mémoires, c’est pour souligner que le ministère de l’Education nationale s’ouvrit largement aux étudiants, collaborant directement et amicalement avec eux[42], et que l’on vit pour la première fois sur le plan ministériel, des délégués des étudiants s’asseoir aux côtés des recteurs, autour de la même table. Au sein du plan d’ensemble qui put y être élaboré […] chacun des organismes associés y trouva son compte. Il nous semble donc qu’il faille interpréter l’intention du ministre de créer un “ Office national ” comme une volonté d’ “ organiser ” l’aide sociale à destination des étudiants et non d’“ étatiser ” les Œuvres.
Au congrès de Nice, Alfred Rosier se veut rassurant dans sa présentation des modifications apportées au fonctionnement des différentes œuvres :
« Je voudrais apporter quelques précisions en ce qui concerne les œuvres que nous avons fondées à l’Union Nationale. Depuis leur fondation, ces œuvres n’ont pas toujours produit les résultats sur lesquels nous étions en droit de compter. C’est en partant de cette expérience que nous avons voulu donner à ces organismes une stabilité, qui leur est nécessaire pour porter ses fruits. Il y avait plusieurs moyens. En faire des organismes d’Etat. Je m’y suis formellement opposé, et ai été entendu de Monsieur Cavalier »
La formule que nous avons adoptée consiste à constituer des “Conseils supérieurs” où siègent un certain nombre de fonctionnaires choisis, à côté d’eux, des techniciens, et ensuite des délégués des étudiants, qui sont toujours des étudiants de l’Union Nationale. Vous n’avez aucune crainte à avoir sur ce point. Aucune décision ne peut être prise si elle ne groupe pas les voix de tous les étudiants.[43]
Ces propos ne sont pas des propos de circonstances. Aux observations du ministère des Finances qui dans le cadre de la préparation du budget de 1940 fait état de l’étatisation[44] — de fait — des œuvres d’étudiants et des organismes créés en leur faveur, Alfred Rosier propose au directeur de l’Enseignement supérieur, la réponse suivante :
« … cette critique ne saurait être retenue. Il n’y a eu, au cours de ces dernières années, aucune substitution ; mais une collaboration étroite, et profitable à tous, s’est instituée entre l’Administration et les organismes privés créés par l’Union Nationale des Etudiants de France. Cette collaboration est justifiée par l’intérêt que présente ces œuvres et par la nécessité de leur permettre d’assurer pleinement leur tâche. D’autre part, il convenait d’éviter le retour d’incidents regrettables notamment du point de vue financier et d’instituer suivant le désir des dirigeants de l’UNEF eux-mêmes, une permanence dans l’effort et un contrôle constant de l’Administration. La préoccupation du ministère des Finances serait fondée si dans l’organisation de ces œuvres, le ministère de l’Education nationale avait envisagé d’aller au delà de cette collaboration ; il n’est pas douteux que les étudiants protesteraient contre la mainmise de l’Etat sur leurs œuvres, et jamais le ministère n’a formulé une telle prétention. En outre, comme les dirigeants du Bureau Universitaire de Statistiques ont pu l’indiquer devant la Cours des comptes, qui a admis leur thèse, l’étatisation de telles œuvres ou la fonctionnarisation de leurs services porteraient une atteinte très sérieuse à leur bon fonctionnement. En effet, pour répondre aux nécessités d’intérêt général qui assurèrent leur fondation, il convient que sous le contrôle de l’Etat, les organismes puissent conserver une grande souplesse afin de collaborer efficacement avec les étudiants.[45]«
On peut mettre en doute la sincérité d’une réponse adressée par un service du ministère de l’Education nationale qui défend ses crédits, au ministère des Finances qui prépare son budget ; toutefois, la position exprimée dans cette note par Alfred Rosier nous paraît conforme à celle exprimée par Jean
* Stéphane Merceron, a soutenu un mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine: « Aspects de l’Union Nationale des Etudiants de France à la fin des années trente », sous la direction de Jean-Yves Mollier, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, 1996. Il a participé à la fondation du Germe.
[1]. Le Courrier des étudiants, n° 7, oct. 1938, p. 1.
[2]. Compte rendu du XVIIIe congrès tenu à Toulouse en 1929, commission n° 3 : « Réforme des études », rappel des vœux présentés en 1928 (BDIC, 4° delta 1151/1). Une nouvelle fois émis en 1936, la satisfaction de ce vœu sera refusée par Jean Zay (ORY, Pascal, op. cit., p. 616).
[3]. Compte rendu du XVIIIe congrès tenu à Toulouse en 1929, commission n° 2 : « Vie matérielle des étudiants – Affaires économiques », vœu n°2 (BDIC, 4° delta 1151/1).
[4]. « Compte rendu de l’activité du président de l’UNEF. », CR. Nice 1938, p. 6 (BDIC, 4° delta 1151/1). Cette discussion avait pour objet un problème survenu à Toulouse : après que l’A.G. de Toulouse ait demandé à l’université l’achat d’une maison et son affectation à l’A.G., d’autres associations demandèrent de pouvoir également disposer de ce local.
[5]. Compte rendu du XVIIIe congrès tenu à Toulouse en 1929, commission n° 1 : « Administration de l’U.N. et vie intérieur des A.G. » (BDIC, 4°delta 1151/1).
[6]. Compte rendu du XIXe congrès tenu à Alger en 1930 (BDIC, 4°delta 1151/1).
[7]. « Office de presse universitaire, rapport du directeur de l’office », CR. Nice 1938, p. 115 (BDIC, 4°delta 1151/1).
[8]. Ibid., p. 116.
[9]. CR. Paris 1938, p. 3 (BDIC, 4° delta 1157/1).
[10]. Cf. infra.
[11]. Directeur de l’Office de médecine de 1937 à 1939.
[12]. Intervention de Roger Bazex, CR. Versailles 1939, p. 38 (BDIC, 4° delta 1151/1).
[13]. Ibid. Intervention de Jean David
[14]. C’est sans doute le sens de la présence de René-Yves Le Mazou au secrétariat général de l’UNEF pendant que Claude Delorme assure la présidence.
[15]. Seul candidat, il est réélu par 151 voix contre 13 blancs et 6 nuls. Personne ne s’oppose non plus à la réélection de René-Yves Le Mazou qui est encore mieux élu du reste par 163 voix contre 7 nuls (BDIC, 4° delta 1151/1 : CR. Nice 1938, pp. 41-42).
[16]. Candidat unique à la présidence, il est élu par 164 voix contre 3 nuls. Là encore, personne ne s’oppose non plus à la réélection de René-Yves Le Mazou qui reçoit le même nombre de suffrages même si pour cette élection le compte rendu fait état de 21 bulletins blancs (BDIC, 4° delta 1151/1 : CR. Versailles 1939, pp. 32-44).
[17]. Cf. annexe : « L’Union Nationale des Etudiants de France en 1938 ».
[18]. Cf. annexe : « Evolution du nombre d’adhérents entre 1938 et 1939 ».
[19]. Michel Winock regroupe la génération des intellectuels nés entre 1900 et 1910 sous l’appellation de « génération de la crise » (WINOCK, Michel, «Les générations intellectuelles», dans Vingtième siècle, n° 22, avr.-juin 1989pp. 26-29). L’emploi de « jeune génération de la crise » nous paraît opportun pour désigner les étudiants de l’UNEF nés entre 1910 et 1920 qui sont aux responsabilités à l’U.N. et dans les A.G. à la fin des années trente. Précisons toutefois que si les étudiants se considèrent comme de jeunes intellectuels, l’appellation « jeune génération de la crise » ne renvoie pas au concept de « génération intellectuelle » développé à l’IEP et à l’IHTP : appliqué aux étudiants de l’UNEF, le terme «jeunes intellectuels» peut éventuellement être envisagé comme la situation qui précède celle de «travailleur intellectuel » — pour reprendre le vocabulaire cétéiste —, mais pas comme celle de «gens ayant acquis une certaine notoriété dans le domaine cognitif et créatif, notoriété dont ils se servent pour intervenir dans le débat politique» (WINOCK, Michel, art. cit., p. 17), acceptation retenue par Michel Winock lorsqu’il envisage «la génération [des intellectuels] de la crise».
[20]. Créés sous statut associatif, ces organismes n’en assurent pas, moins malgré leur caractère privé, un service d’intérêt général — nous dirions aujourd’hui de service public — qui justifie les subventions ministérielles qu’ils reçoivent et leur sont indispensables pour assurer leur fonctionnement.
[21]. ORY (Pascal), op. cit., p. 676.
[22]. Ibid., p. 670.
[23]. Cf. ORY (Pascal), op. cit., pp. 677-678.
[24]. ORY (Pascal), op. cit., p. 677. Cette note consultée par Pascal Ory dans les archives privées du ministre “ proposait qu’un Comité supérieur des œuvres en faveur des étudiants composé de représentants du ministère, de l’UNEF et des principales œuvres déjà existantes, fût placé sous la présidence du directeur de l’Enseignement supérieur et qu’il eût pour mission de centraliser l’information et de coordonner l’action encore inégalement efficace des organismes ”. Pour Pascal Ory, cette note anonyme est attribuable à la Direction de l’enseignement supérieur ou au directeur de cabinet du ministre : Marcel Abraham. Bien que nous ne l’ayons pas consultée, nous pensons qu’Alfred Rosier pourrait en être l’auteur, ou tout du moins l’inspirateur : le dispositif décrit se rapproche du vœu émis par l’UNEF en 1929 (cf. supra) et en “ attribu[ant] un très large champ à la notion d’œuvres ” elle n’oublie pas d’évoquer la question de l’hygiène (cf. supra) ; enfin, elle “ envisag[e] l’assimilation des cités au régime d’HBM dont Henri Sellier annonçait la prochaine mise en place ” et nous savons l’intérêt porté par Alfred Rosier aux HBM et les liens qui l’unissaient à Henri Sellier (cf. infra).
[25]. Situé par Pascal Ory vers le 17 juin 1936 (ORY, Pascal, op. cit., p. 615). Il est néanmoins possible que des contacts aient été pris avant cette date par l’intermédiaire d’Alfred Rosier.
[26]. Arrêté du 6 octobre 1936, cité dans ORY (Pascal), op. cit., p. 969.
[27]. Ministre de la Santé publique de Léon Blum en juin 1936.
[28]. ORY (pascal), op. cit., p. 632.
[29]. La première fait partie avec l’UNEF des membres fondateurs du BUS et toutes deux subventionnent le BUS comme l’indiquent les documents budgétaires et comptables de l’association en 1936 et 1937 (AN, 63 AJ 23).
[30]. Cf. infra.
[31]. Cf. ORY (Pascal) op. cit., pp. 153 et 170.
[32]. La rencontre de ces deux hommes se situe vraisemblablement lors de la rédaction de sa thèse : La crise du logement ouvrier. Nous savons en revanche de façon certaine que les deux hommes sont en rapports en 1936 : “ un “plan d’action” en dix points du Bureau universitaire de statistiques ” vraisemblablement remis à Jean Zay “ dans les premiers mois de sa présence rue de Grenelle ” évoque “ “l’organisation immédiate de travaux exceptionnels”, réunie sous le vocable de “Plan Grunebaum-Ballin” ” (ORY, Pascal, op. cit., p. 170). Sur la biographie d’Alfred Rosier : Nouveau dictionnaire…, op. cit. et ORY (Pascal), op. cit., pp. 150, 632, 665, 677, 812 et 825. On se reportera également au dernier ouvrage cité au sujet d’Henri Sellier et de Paul Grunebaum-Ballin.
[33]. Cf. “ Le “plan Dézarnaulds” ” dans ORY (Pascal), op. cit., pp. 652-656.
[34]. Le corporatisme de l’UNEF dans l’entre-deux-guerres se manifeste par “ sa volonté de ne s’occuper que des seuls étudiants actuellement sur les bancs de l’Université ” et son conservatisme dans son refus “ de poser les problèmes en termes nationaux ” nous disent Michel De La Fournière et François Borella (DE LA FOURNIERE, Michel et BORELLA, François, op. cit., pp. 43-44) ; ce texte d’avril 1939 ne saurait suffire à réfuter leur périodisation, il nous permet en revanche de souligner une difficulté : celle d’englober toute l’entre-deux-guerres sous l’appellation d’ “ époque corporatiste ”.
[35]. “ Rapport concernant un Plan de réorganisation générale du sport et de l’Education Physique en France, présenté par Mr. Jean Zay, Ministre de l’Education Nationale ”, CR. Versailles 1939, pp. 67-68 (BDIC, 4° ? 1151/1).
[36]. ZAY (Jean), op. cit., p. 34.
[37]. Quarante mois.
[38]. “ Discours de Mr. Jean Zay, Ministre de l’Education nationale ”, compte rendu XXVIIIe congrès tenu à Versailles du 11 au 16 avril 1939 — “ CR. Versailles 1939 ” dans les notes qui suivent — (BDIC, 4° ? 1151/1). Ce discours est intégralement reproduit en annexe n° 13 : “ Discours de Claude Delorme et de Jean Zay lors de la séance d’ouverture du XXVIIIe congrès de l’UNEF ”.
[39]. DE LA FOURNIERE (Michel) et BORELLA (François), op. cit., p. 68.
[40]. Un centre national des œuvres universitaires et scolaires en quelque sorte.
[41]. ORY (Pascal), op. cit., p. 676.
[42]. ZAY (Jean), Souvenirs et solitude, op. cit., p. 330.
[43]. Intervention d’Alfred Rosier, CR. Nice 1938, p. 54 (BDIC, 4° ? 1151/1).
[44]. Note d’Alfred Rosier à Théodore Rosset datée du 8 août 1939 (AN, 63 AJ 23).
[45]. Note d’Alfred Rosier à Théodore Rosset datée du 8 août 1939 (AN, 63 AJ 23).