Dominique WALLON, Combats étudiants pour l’indépendance de l’Algérie, UNEF-UGEMA 1955-1962. Casbah éditions, Alger 2015, édité pour la France par L’Harmattan, Paris, 2015.
« Bribes », ce fut le premier titre de cet écrit de Dominique Wallon, qui fut président de l’UNEF en 1961-1962, en pleine guerre d’Algérie. Plus que des bribes, c’est un récit, fondé sur des souvenir personnels mais appuyé sur des vérifications aux archives, de l’engagement progressif de l’UNEF contre la guerre d’Algérie ; et par là de ses rapports, essentiels, avec l’UGEMA (Union générale des étudiants musulmans algériens) indépendantiste et liée au FLN.
C’est donc à travers l’itinéraire d’un jeune jéciste de bonne bourgeoisie, entrant à Sciences Po Paris à l’automne 1956, rapidement impliqué dans l’UNEF, qu’est présentée l’évolution du mouvement étudiant. Evolution qui n’avait rien de prédéterminé : Dominique Wallon donne les chiffres des votes à l’amicale de l’IEP (l’AGE UNEF de Sciences Po) ; ils montrent une forte participation électorale (plus de 80%) impensable aujourd’hui, sur la base d’un taux élevé d’adhésions à l’UNEF (là aussi improbable aujourd’hui : environ 80% des étudiants) ; mais ils montrent aussi que ces élections étaient âprement disputées, les listes engagées contre la guerre d’Algérie n’ayant qu’une très courte majorité. Dominique Wallon rappelle la prudence nécessaire de cet engagement (le mot « indépendance » de l’Algérie n’est prononcé que tardivement), mais pourtant sa précocité par rapport à celui des centrales syndicales. Il y voit l’effet d’une « stimulation externe », celle exercée par les étudiants de l’UGEMA avec qui les dirigeants de l’UNEF furent en relations étroites tout au long de la période.
Dominique Wallon au « Maghreb des livres » Hotel de Ville Paris 13 février 2016. Photo RM.
Il expose les préparatifs qui menèrent en juin 1960 à la reprise ouverte de relations officielles, assorties d’un communiqué commun, entre l’UNEF et l’UGEMA dissoute depuis deux ans par le gouvernement français : un séisme qui valut les premières sanctions gouvernementales contre l’UNEF, et la hargne tenace du premier Ministre Michel Debré contre Dominique Wallon alors « vice-président Extérieur adjoint », puis président (1961-1962).
Deux inexactitudes répétées à l‘envi agacent l’auteur, et avec raison. Premièrement le tribunal administratif n’a pas annulé l’interdiction, voulue par Michel Debré, qui lui fut faite de se présenter au concours de l’ENA. Bien au contraire. C’est le Premier ministre suivant, Georges Pompidou, qui ne renouvela pas l’interdit et permit à Dominique Wallon de concourir l’année d’après, et d’être reçu avant-dernier à un concours qu’il avait renoncé à préparer. D’autre part il n’est pas vrai qu’aux obsèques des victimes du métro Charonne, le 13 février 1962 seule la CFTC (actuelle CFDT) avait associé les morts algériens du 17 octobre 1961 et les morts du métro Charonne du 8 février : Dominique Wallon président de l’UNEF l’avait fait également. D’autant plus que l’auteur garde du 17 octobre 1961, « massacre d’Etat », le regret d’une réaction insuffisante des forces de gauche.