1923-2023 Centenaire de l’AFGES

399652217_761351029364503_7080079083673876464_nL’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg – aujourd’hui AFGES-étudiant-e-s d’Alsace, a cent ans. Cet anniversaire est célébré les 17 et 18 novembre 2023 à Strasbourg, et à cette occasion la Cité des mémoires étudiantes à réalisé une exposition de 6 panneaux. Nous publions ci-dessous un extrait du rapport qu’Olivier Raeis, strasbourgeois, avait remis au président de la FAGE à la veille du 7e Congrès de la FAGE, tenu à Lille en novembre 1996),[1]. Le rapport se présente en un recensement alphabétique des différentes AGE par ville universitaire, en commençant toutefois par présenter intégralement l’histoire et les réalisations de l’AFGES (Strasbourg).  

[…] STRASBOURG[2]

En 1923 se crée l’AGES, Association générale des étudiants de Strasbourg, dans la lignée du Cercle des étudiants strasbourgeois, qui était membre de l’UNEF depuis 1918. Le cercle laisse l’AGES se développer, puis se transformer en association fédérative en 1926. Albert Ricklin, Président en 1926 raconte en 1946 l’histoire des locaux[3]

« IMMEUBLE GALLIA

1 – Rappels

2 – Situation des locaux de l’Association Fédérative Générale des Etudiants de Strasbourg (AFGES)

3 – Le Restaurant Universitaire « Gallia » de l’AFGES

4 – Remarques diverses

1 – Rappels

Bâtis avant 1900 par la compagnie d’assurances Germania, les immeubles sis : 1, quai du maire Dietrich; 1, Place de l’Université; 1 et 3, boulevard de la Victoire, avaient été placés sous séquestre en 1918.

03 FAGE Strasbourg-1925-bal-pour-SanatoriumCédés à l’Université en 1921 pour la somme de 1000 000 F[4], ils furent affectés à des logements étudiants sous le nom de Foyer universitaire. En effet, le conseil de l’Université, préoccupé d’abord par le logement des étudiants russes réfugiés, fit libérer les divers étages de leurs locataires, mais ce n’est que peu à peu qu’il put transformer les appartements en chambres pour étudiants. Le conseil de l’Université gérait directement l’immeuble ; il avait créé à cet effet un conseil d’administration composé des doyens des facultés, du secrétaire général de l’Université, du secrétaire fénéral de la Société des amis de l’Université », et du président et du secrétaire de l’Association fédérative générale des étudiants[5]. Ce conseil, présidé par le vice-président du conseil de l’Université, désignait un administrateur (ce fut d’abord M. DUCROS, doyen honoraire). L’administration, la gestion financière et l’entretien des bâtiments incombait à l’Université et étaient assurés par l’architecte de l’Université, qui faisait figurer à cet effet au budget de l’Université une somme globale pour les recettes et une autre somme globale pour les dépenses du foyer. Les conventions et les baux proposés par le conseil d’administration étaient ratifiés par le conseil de l’Université et signés par Monsieur le recteur au nom de l’Université de Strasbourg. Ce système est resté en vigueur jusqu’en 1940.

Sous l’occupation nazie, le foyer fniversitaire devint le Studentenwerk, dirigé par un Studentenführer, mais toujours administré par le Curator de l’Université, et ceci bien que l’État-major de la Luftwaffe occupât l’immeuble du côté boulevard de la Victoire.

A la Libération, l’autorité militaire française réquisitionna le foyer pour y placer en résidence surveillée les internés civils, et le restaurant de l’AFGES fut affecté à l’hébergement des populations évacuées des quartiers du port du Rhin, et ceci aux frais de la municipalité.

La délégation rectorale[6], représentant le recteur de l’université de Strasbourg encore à Clermont-Ferrand, logea ensuite dans une partie des locaux du foyer les fonctionnaires rappelés à Strasbourg[7].

Au retour de Clermont-Ferrand de l’ensemble de l’Université de Strasbourg, les étudiants logent de nouveau au foyer des étudiants sous le patronage d’un comité des Oeuvres créé par le Recteur Prélot et présidé par M. Lassus. Mais aucun statut particulier ne vint modifier la position juridique de l’immeuble. Ainsi M. Garmon continue, jusqu’à sa retraite, d’assurer l’administration de l’ensemble, et ceci au nom de l’Université. Par contre le conseil d’administration ne fut plus jamais réuni. Un directeur du foyer avait été nommé par le Comité des Oeuvres. M. Terrachar, redevenu recteur, déclara alors illégales toutes les mesures prises par le Comité des Oeuvres comme n’ayant pas eu l’agrément du conseil de l’Université. Mais cette situation équivoque durera jusqu’à la création d’un Centre régional des Oeuvres, qui obtint de la part du conseil de l’Université la charge de l’administration du bâtiment.

2 – Les locaux de l’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg

L’appartement sis place de l’Université n°1, au premier étage, était au moment de l’acquisition de l’immeuble Gallia par l’Université, occupé par un dentiste et son personnel de service (un ménage logé sur cour). Ce dentiste, ipso-facto était devenu locataire de l’Université[8].

En 1923, M. Bobtcheff, fondateur de l’association des étudiants, rachète au dentiste son bail et le conseil de l’Université accepta que l’association devint cessionnaire du bail en demandant comme loyer le même montant que celui stipulé dans le bail au nom du dentiste[9]. Le ménage mentionné plus haut entre au service de l’association et continuera pendant de nombreuses années à occuper le logement sur cour et à entretenir les locaux.

En 1926 (Janvier) l’association des étudiants se transforme en fédération des amicales des facultés et prend le nom d’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg » (AFGES). Avec l’accord du conseil de l’Université, elle continue à occuper les locaux en question.

Le conseil d’administration du foyer universitaire, sur proposition de M. Muller, doyen de la faculté des Sciences et du Dr Weiss, doyen de la Faculté de Médecine, dispensa alors en février 1926, l’association du paiement du loyer, à la seule condition de payer le loyer encore dû, ce qui fut immédiatement fait. En outre, lors de la même séance, le conseil d’administration exclut du foyer universitaire, sur le demande du doyen Muller, les oeuvres sociales non universitaires de Mme Charléty, la bibliothèque du Cercle italien, et diverses autres oeuvres qui étaient installées au premier étage de l’ex-appartement du n°1 du Quai Dietrich, pour réserver le foyer universitaire uniquement à des logements d’étudiants. Il réduisit même considérablement la surface des locaux mis à la disposition du directeur du foyer, en déplaçant portes et cloisons. L’association de son côté mit plusieurs pièces de ses propres locaux à la disposition du Foyer pour qu’ils soient affectés à des chambres d’étudiants.

A ces locaux de l’association, ainsi décrits, ont été joints en décembre 1926, par décision du conseil de l’université, après la mise en exécution du décret de M. PPoincaré (décret du 23 octobre 1926) rétablissant la Caisse des malades de l’Université de Strasbourg, les locaux situés sur cour, 1 Quai Dietrich, pour y abriter le secrétariat de la Caisse des malades. Ces locaux, situés en dehors de l’appartement dont l’association était cessionnaire, sont resté affectés à la Caisse des malades jusqu’en 1940. Mentionnons que l’administration financière de la Caisse des malades était confiée à la caisse de l’Université qui rétribuait également la secrétaire.

En 1946, lors du retour de Clermont-Ferrand des services de la Caisse des malades, le secrétariat fut installé dans deux pièces donnant sur le Quai Dietrich. Il y restera jusqu’à la création d’une Sécurité sociale étudiante et d’une mutuelle. Les locaux, situés eux aussi en dehors des locaux proprement dits de l’association, furent alors mis à la disposition de l’Amicale des étudiants en Médecine et de l’Amicale de étudiants en Lettres.

Signalons qu’en 1947 fut créé un centre de documentation universitaire, qui fut ensuite repris par l’État sous le nom de BUS. À ce centre on affecta des locaux situés au-dessus des garages, locaux qui servaient auparavant d’économat au restaurant Gallia. Ces locaux avaient été soumis à réfection grâce à une subvention de M. le recteur Hubert accordée à l’association ; mais ils ont été démolis, après promesse d’indemnisation par d’autres locaux…

Telle a donc été la situation des locaux jusqu’en 1940.

Entre 1940 et 1945, l’occupant allemand dispersera le mobilier et installera le Studentenführer au premier étage.

Lors de la Libération, les locaux, à l’abandon depuis quelques temps, furent réclamés par l’association AFGES rapatriée de Clermont-Ferrand. Il fallut l’intervention des avocats de l’association pour que le comité des Oeuvres consentit à appliquer l’ordonnance du 25 Avril 1945 sur les biens spoliés, confisqués ou se trouvant en des mains autres que celle du légitime propriétaire du fait des événements survenus postérieurement au 10 Juin 1940. Sur injonction de M. le recteur Prélot, le comité des Oeuvres dut s’incliner et restituer la totalité des locaux, reconnaitre l’AFGES comme locataire en droit et en fait de l’Université de Strasbourg, conformément à la cession de bail mentionnée et aux décisions du cConseil d’administration du foyer de février 1926. Seul le local de la Caisse de maladie fit exception, pour les raisons décrites plus haut, et la Caisse des malades fut transférée, comme déjà dit, dans les locaux situés sur le Quai Dietrich.

Signalons encore que le Recteur Angellozavait demandé à l’AFGES d’accueillir dans ses locaux l’Association des étudiants africains francophones.

3 – Le restaurant Universitaire Gallia

01 afges bnus Die_Germania_mit_dem_Germania-Restaurant__btv1b10225717r  La position juridique du restaurant universitaire Gallia est identique.

Par décision du 21 janvier 1927, le conseil de l’Université créa le premier restaurant universitaire en autorisant à cet effet l’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg, AFGES, à racheter le bail de l’ancienne brasserie Schutzenberger ».

A cet effet, M. le recteur Charléty signa le 29 Janvier l’autorisation pour l’AFGES de se rendre acquéreur, sur ses propres deniers, du fonds commercial sis dans les locaux de la Gallia, sous-sol, rez-de-chaussée, entresol (logement du gérant et autres locaux ; le même jour, le 29 janvier 1927, l’association peut ainsi signer devant Me Feltz,notaire à Schiltigheim, l’acte d’achat de La Taverne de l’Université comprenant : fonds de commerce, matériel, stocks et licence d’exploitation.

Le conseil de l’Université, de son côté, a d’abord continué à appliquer le contrat de location signé avec la brasserie Schutzenberger, mais en dispensant l’AFGES du paiement du loyer, considérant que cette dispense équivalait à une subvention annuelle de la part de l’Université. Puis en 1930, elle remplaça le contrat passé initialement entre elle et la brasserie Schutzenberger, par un contrat signé par l’association et, au nom de l’Université, par M. le Recteur Pfister. Ce contrat reproduisait dans ses stipulations essentielles le contrat antérieur.

Le 15 octobre 1933 fut rédigé dans les mêmes termes un contrat définitif, signé entre M. le recteur Dresch et le président de l’association, R. Wintzer.

L’occupant allemand avait en 1940, commencé par fermer le restaurant universitaire et par expulser le gérant. Le restaurant avait d’ailleurs été transféré à Clermont-Ferrand, où il continuait à fonctionner, toujours géré par l’association, et sous le nom de Gallia.

En 1942, le Curator de l’Université décida de rouvrir le restaurant, mais l’affecta en partie à des organisations nazies, et en partie aux étudiants et professeurs.

Lors de la Libération de Strasbourg, le général Schwartz nommé gouverneur provisoire, installa dans le restaurant une cantine militaire, la municipalité y fit distribuer des repas aux réfugiés du Port du Rhin, le Secours national, de son côté, jusqu’en 1947, y fit nourrir les nécessiteux, et en même temps, dans une des salles, on installa une cantine pour les fonctionnaires de l’Éducation nationale.

L’AFGES rapatriée de Clermont-Ferrand en 1946, réclama la restitution du restaurant universitaire en vertu de l’ordonnance du 24 Avril 1945, ce que M. le recteur Prelot accorda.

La remise des locaux s’effectua le 8 Avril 1946, le Comité des Oeuvres dut reconnaître, comme M. le recteur l’avait demandé, la validité des contrats qui liaient l’Université, en sa qualité de propriétaire, à l’association locataire.

Telle est donc la situation du restaurant universitaire Gallia, le plus ancien restaurant universitaire de France, ouvert le 2 Février 1927.

4. Remarques diverses

Il faut ajouter à ceci, les locaux de l’ex-centre de vacances de Morsiglia , Cap-Corse, lieu de villégiature pour les étudiants strasbourgeois, puis de toute la France en devenant la colonie de vacances de l’UNEF dans les années 1940-1950. Cette fois ci, c’est René Paira, secrétaire général de l’AFGES de 1926 (puis vice-rpésident de l’UNEF en 1927) qui raconte[10]:

« Morel avait organisé un séjour de vacances pour une vingtaine d’étudiants à Luri en Corse. Le guide qui devait les accompagner ayant déclaré forfait, c’est Moy qui les accompagna. De la sorte, il fît connaissance de Morsiglia, un solide monastère abandonné. Il conçut l’idée d’en faire une colonie de vacances. Les négociations avec la municipalité et l’évêché furent difficiles et complexes, mais il finit par obtenir l’assurance d’un bail de longue durée. Immédiatement, les Strasbourgeois voulurent aller chez eux. Moy finit par céder et assura seul le ravitaillement, la cuisine et tout le reste de l’intendance. Impossible de recruter du personnel. Pourtant, la main d’oeuvre abondait, mais il n’était pas question pour une femme seule d’accepter de travailler dans un endroit où il n’y avait que des hommes. Avec le concours des autorités locales, les choses s’arrangèrent peu à peu, mais ce fut Moy qui, avec un petit âne, assurait l’approvisionnement en vivres et en eau. C’est autour de Morsiglia que s’opérèrent les premiers ralliements des étudiants engagés dans les corporations (…) »

Le patrimoine de Morsiglia, mis à mal par les situationnistes, et la mise sous administration judiciaire de l’AFGES, fut mis en vente suite à une décision du comité de l’association en 1984, et vendu effectivement en 1993. En 1971, quand l’UNEF se scinde, l’AFGES n’en est plus membre ; elle a été mise sous tutelle judiciaire (grâce à certaines amicales et anciens) dès 1967 après l’affaire des Situationnistes (qui sont un peu à l’origine de Mai 68). L’AFGES reste donc protégée de ces deux « tempêtes » ; elle sort de l’administration judiciaire en 1973, sur l’impulsion des amicales et continue de fonctionner de manière gestionnaire.

Au 1, boulevard de la Victoire, l’AFGES ouvre en 1947 une Cafétéria, Le Minotaure, à la place d’une mercerie, qui devient une annexe de la Gallia spécialisée dans le steack-frites dans les années 1980, puis à nouveau une cafétéria étudiante en 1996.

Les sous-sols de la Gallia, sont occupés par la salle-polyvalente le caveau, ou K’VO, qui ouvre en 1961, se modernise en 1985 puis en 1990 pour devenir un lieu d’organisation de soirées étudiantes mis à disposition des amicales strasbourgeoises.

Au rez-de chaussée de l’AFGES se trouve également aujourd’hui (et depuis 1980 environ) une agence de services-voyages-coopérative. L’AFGES est la dernière AGE historique de l’UNEF à conserver à la fois sa structure juridique et ses locaux (Montpellier n’ayant gardé que les locaux).

[1] Olivier Raeis a présenté au séminaire du GERME du 15 janvier 1997. Le rapport a été publié sous le titre « es AGE de l’UNEF. Leurs statuts juridiques, essai de recensement: Bref aperçu de 1880 à nos jours[ » dans Les Cahiers du Germe spécial 3 (1998) et spécial 4 (2003).

[2]BDIC 4° Delta 1151/6/13 et Archives de l’AFGES : collection des Strasbourg-Université (1924-1965) de la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg, souvenirs d’anciens.

[3]« Histoire des locaux de l’AFG » par Albert Ricklin (Président de l’AFGES en 1926) 1946, Archives de l’AFGES

[4]Il semble que cette somme, primitivement affectée à l’Université de Strasbourg pour « l’achat » de l’immeuble, ait directement été versée par le service des Domaines. Le proriétaire serait donc l’État par le biais du service des Domaines, et non l’Université de Strasbourg…

[5]Voir à cet effet les archives de l’Université de Strasbourg

[6]M. Portell, représentant du Recteur

[7]Par exemple M. Kessler, proviseur du lycée Fustel de Coulanges

[8]Voir témoignage du Pr Bequignon, professeur à la faculté de lettres.

[9]Peuvent témoigner de ces faits les membres du comité de l’association d’alors, entre autres : le Pr Alfred Weiss, M. le Bâtonnier Schreckenberg.

[10]Mémoires d’un Préfet René Paira (secrétaire général de l’AFGES en 1926 puis de l’UNEF en 1927), 1990.

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