Maurice Najman à la Mutualité
Maurice Najman, Jiri Pélikan, Jacques Kergoat. En l’espace d’un trimestre, nous les avons perdu. Ils étaient peu ou prou liés aux mouvements de jeunes, mais ils étaient devenus pour moi trois amis. Maurice Najman venait d’avoir 50 ans. Je l’avais rencontré dans le courant des années 70, mais il s’avéra que nos familles, juives polonaises, se connaissaient depuis longtemps : dans leur ville de Radom, puis dans les camps de concentration et enfin dans l’exil parisien. Maurice était encore lycéen en 1966 quand il est exclu des jeunesses communistes où déjà son esprit critique tranchait avec le conformisme et le suivisme en vigueur. A l’initiative des Comités d’action lycéens qu’il crée avec ses camarades en 1967, il en sera – avec Michel Recanati, héros du film de Romain Goupil « mourir à trente ans » – l’un des dirigeants en mai 1968. Déjà étudiant, Maurice participera après 68 à la vie de l’UNEF dans le courant « syndicaliste-révolutionnaire », dont l’ambition (et l’ambiguité) sera de maintenir un cadre syndical (contrairement au reste de l’extrême-gauche et du PSU) mais non « réformiste » ni « corporatiste » (en opposition aux orientations de l’UEC et de l’AJS qui se partageront les restes de l’UNEF en 1971). Maurice était un marxiste non « orthodoxe », particulièrement attentif aux nouveaux mouvements sociaux : jeunes, femmes, qu’il considérait comme n’étant pas que des annexes subordonnées au « mouvement ouvrier » mais comme des groupes sociaux, des mouvements autonomes. Dans ses voyages de militant et de journaliste, dans le Chili de l’Unité Populaire ou en Pologne auprès du syndicat Solidarnosc, il s’attachait toujours à montrer les espaces de démocratie directe issus de la base tout comme il avait prôné le « contrôle lycéen et étudiant » dans les CAL puis l’UNEF. Maurice avait participé en 1969 au « comité du 5 janvier », en solidarité avec la Tchécoslovaquie occupée par les troupes du Pacte de Varsovie. La Tchécoslovaquie évoque
Jiri Pélikan. Au sein du GERME et parmi les anciens de l’UNEF, nous sommes plus nombreux à l’avoir connu. Ancien dirigeant des jeunesses et des étudiants communistes en Tchécoslovaquie, puis de l’Union internationale des étudiants, enfin oppositionnel, militant du « Printemps de Prague » et exilé à Rome après l’invasion soviétique en août 1968. Il partageait, depuis la « Révolution de velours » de 1989, sa vie entre Prague et Rome, où il est mort le 26 juin dernier à l’âge de 74 ans. C’est avec enthousiasme, sur un simple échange téléphonique et de fax, qu’il accepta de participer à nos 2° rencontres sur les internationales étudiantes en juin 1996. Depuis, nous sommes restés en contact et nous rencontrions régulièrement à chacun de mes voyages à Rome. Toujours chaleureux, malgré son état de santé, il me faisait découvrir un café, un restaurant proche de son domicile, Place du Panthéon. Curieux de tout, aussi bien des nouvelles des anciens de l’UNEF qu’il connaissait, que des projets du GERME ou des archives de l’UIE comme de l’actualité politique en France il commentait l’actualité italienne ou tchèque. L’année dernière, il s’était enfin mis à écrire avec un ordinateur, délaissant sa vieille machine à écrire. C’est lors de cette dernière rencontre qu’il me remit son dernier livre Io, un esilio indigesto, publié en italien et commenté en France par nos Cahiers trimestriels.
Jacques Kergoat, adhérent de l’UNEF mais surtout du FUA au moment de la guerre d’Algérie, et dirigeant des Etudiants du PSU au début des années 60, nous a brutalement quittés à 60 ans d’une attaque cardiaque. Spécialiste de l’histoire du parti socialiste, il aida nombre d’étudiants dans leurs travaux sur ce courant, dont des travaux sur les jeunes et les étudiants socialistes. Président de RESSY (association de chercheurs et syndicalistes), il avait avec les deux UNEF et avec la collaboration du GERME permis le déroulement du colloque « 50 ans de syndicalisme étudiant » en avril 1996 à la Sorbonne. En tant que directeur de Politique la Revue, il avait insisté (et persévéré) pour organiser plusieurs débats sur la jeunesse et un dossier en 1997. Toujours partant (tôt le matin au téléphone comme tard le soir après une réunion) pour mettre des personnes et des groupes en contact autour d’un projet, d’une publication, il ne sera pas là pour mettre une dernière main aux actes du colloque de 1996 dont nous avions encore discuté peu avant son départ.
Robi Morder
Les Cahiers du Germe n° 11-12 1999,