Biographie: Henri Weber 1944-2020

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Henri Weber, 1971 100e anniversaire de la commune. Derrière, Alain Krivine.

Henri Weber est mort en Avignon, victime du Covid, le 26 avril 2020. Né en 1944 à Leninabad dans une famille de juifs polonais progressistes qui avait décidé d’émigrer en URSS au moment du pacte germano-soviétique pour échapper aux persécutions raciales nazies. C’est aussi l’antisémitisme latent qui les amena après leur retour en Pologne après-guerre à émigrer en France. Cet antiracisme, cet antifascisme, Henri Weber les conservera chevillés au corps, comme tant d’autres de sa génération. Pour aller plus loin, on ne peut que renvoyer à la notice du Maitron https://maitron.fr/spip.php?article182575, ainsi qu’au premier volume de son autobiographie[1] mais aussi à ses nombreux articles et publications pour mieux connaître, comprendre Henri Weber, ses positionnements et évolutions. Nous nous contenterons ici d’évoquer en quelques mots Henri Weber et le mouvement étudiant. Henri Weber, étudiant à la Sorbonne, est naturellement adhérent de l’UNEF, mais c’est principalement dans les débats et engagements politiques qui agitent le mouvement étudiant de ce milieu des années 1960 qu’il plonge. Déjà membre de la Jeunesse communiste, c’est dans l’UEC qu’il s’investit en arrivant à la faculté, où il rencontre Alain Krivine. Il est l’un des fondateurs de la JCR en 1966, puis de la Ligue communiste après 1968. C’est au début des années 1980 qu’il s’éloigne de cette organisation trotskyste et adhérera en 1986 au Parti socialiste, dont il deviendra un élu (sénateur, député européen) et un responsable à la formation.

Henri Weber était plus que réservé sur le syndicalisme étudiant, tout comme la plupart des dirigeants de la JCR puis de la LC. Les chapitres consacrés à l’UNEF et à l’impossibilité d’un syndicalisme étudiant dans le livre co-écrit avec Daniel Bensaïd, Mai 68 une répétition générale, au cours de l’été 1968 en attestent. Dirigeant du secteur étudiant de « rouge »[2] au congrès de Marseille de décembre 1968, il oriente, avec Daniel Bensaïd, les militants vers la sortie de l’UNEF. Dans une dialectique « de la périphérie vers le centre », le mouvement étudiant devait être un point d’appui pour faire pénétrer les idées et les organisations révolutionnaires dans le mouvement ouvrier. Je me souviens d’une assemblée de militants de la Ligue où Henri Weber expliquait qu’il fallait, comme une fusée, s’échapper, décoller, s’extirper (je ne me souviens pas du mot utilisé) du milieu étudiant pour atteindre la lune, i.e.le monde ouvrier. Toujours le sens de l’image et de la formule. Après le congrès d’Orléans de l’UNEF en avril 1970, Henri Weber écrit dans Rouge du 13 avril 1970 (voir ici reproduction intégrale) : « L’éclatement du mouvement étudiant unitaire est un phénomène international […] si l’éclatement du mouvement étudiant est inévitable, les formes spécifiques  de sa crise ne sont pas identiques de pays à pays ». A l’utopie d’un mouvement syndical étudiant unifié, il opposait un « front unique des groupes d’avant-garde ».  On sait ce qu’il advint de ce pronostic, l’histoire du mouvement étudiant ayant emprunté bien d’autres chemins.

De manière plus personnelle, Je voudrais souligner – et confirmer bien d’autres témoignages[3] –son humour, une certaine manière de se tenir à distance de son personnage de « leader ». Il prenait ce qu’il faisait au sérieux, et le faisait sérieusement, que ce soit le service d’ordre, le journal rouge, la formation, les revues. S’il prenait ses responsabilités, et donc des responsabilités, il évitait toutefois trop se perdre dans les « dangers professionnels du pouvoir ». Lutter contre les phénomènes bureaucratiques – il écrit la brochure JCR mouvement ouvrier, bureaucratie, stalinisme[4] – impliquait aussi d’être attentifs aux pratiques militantes ordinaires des individus et à la tentation d’user et d’abuser de positions de pouvoir.

[1] Henri Weber, Rebelle jeunesse, Paris, Robert Laffont, 2018

[2] La JCR dissoute en juin 1968, ses militants se retrouvent autour du journal rouge avant de fonder en avril 1969 la Ligue communiste.

[3]« Henri Weber possédait un art de la formule et du mot d’ordre, un sens de l’organisation et une efficacité dans l’action qui s’accompagnaient d’une empathie pour les camarades » écrit Philippe Cyroulnik https://npa2009.org/idees/histoire/cest-le-henri-weber-qui-chantait-linternationale-avec-higelin-que-nous-pleurons-pas

[4] Rééditée 3 fois comme brochure, elle fut développée pour De la bureaucratie, « Cahier rouge » n° 3, aux éditions Maspéro en 1971.

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