Mesure prise par la majorité législative de la seconde cohabitation, le CIP (contrat d’insertion professionnelle) provoque une mobilisation immédiate ( voir sur notre site « Avant le CPE (contrat première embauche), le précédent du CIP Balladur »). Au bout de plusieurs semaines, le 28 mars, Édouard Balladur reçoit six organisations lycéennes et étudiantes et annonce la « suspension » du CIP. Les manifestations maintenues le 31 mars sont devenues des défilés de la victoire, cortèges d’enterrement du CIP. Pour sauver la face et apparaître comme « ouvert au dialogue », le gouvernement met en place une « consultation nationale des jeunes ».
La consultation nationale des jeunes
Pour sauver la face et apparaître comme « ouvert au dialogue », le gouvernement met en place une « consultation nationale des jeunes ». Le 5 juillet, treize organisations de jeunesse dénoncent, derrière « l’intention louable », une « vraie fausse consultation », avec un comité d’organisation qui ne comprend pas un seul jeune, un » questionnaire (qui) n’aborde les vrais problèmes des jeunes que pour orienter leurs réponses » par exemple « Les seules questions traitant du travail ne proposent que plus de flexibilité ou mobilité. ».
Chez les sociologues, et à l’INSEE, des réserves sont faites quant à la méthode et à la représentativité des réponses. (voir Gérard Mauger, « La Consultation nationale des jeunes. Contribution à une sociologie de l’illusionnisme social ». Voir aussi Bernard Burtschy: « Consultation nationale des jeunes, une enquête à l’abandon »).
Néanmoins, le nombre de réponses est trois fois supérieur aux prévisions, avec un million et demi de retours sur les 9 millions de jeunes visés. Cela prouve qu’existent une demande, des idées, des potentialités et une disponibilité à l’action, avec 82 % des jeunes qui se déclarent prêts à manifester pour leurs droits à l’éducation.
Des propositions non reprises par le gouvernement
En octobre, le Comité pour la consultation nationale des jeunes rend une première copie à partir du dépouillement de 800 000 questionnaires, en formulant 57 propositions. Le RPR (parti majoritaire) réagit défavorablement préferant qu’elles ne soient pas prises en compte : « Ce n’est pas en flattant la jeunesse sans lui apporter un véritable espoir sur [les] priorités que sont l’emploi, le logement et la formation que l’on évitera un effet boomerang des jeunes face à la société » déclare une députée. Le 15 novembre, Edouard Balladur annonce 29 mesures pour la jeunesse. Certaines (huit) existant déjà ont été reprises, et dans l’ensemble elles sont très en retrait sur celles préconisées par le comité. Ne traitant pas de l’accès à l’emploi, Balladur préfère traiter de questions relatives à la citoyenneté : il écarte le droit de vote à 16 ans pour les municipales, abaissant simplement à dix-huit ans l’âge d’être maire, désignation de médiateurs dans les quartiers en difficulté, carte jeune. « Je ne prétends pas avoir traité tous les problèmes de la jeunesse », précise Balladur, entouré de huit ministres.
Dans leur rapport définitif, publié à la Documentation française, les membres du comité rajoutent 43 propositions. Les 100 propositions voient le thème de l’emploi développé : Quota de jeunes dans les entreprises, suppression de la plupart des contrats à durée déterminée, droit à un premier emploi. D’autres aspects sont présents, notamment le logement : quota de logements sociaux réservés aux jeunes en situation précaire, il y a aussi des propositions sur les transports.
Le dernier acte a lieu le 30 janvier 1995 lors de la réunion entre Matignon et les rédacteurs du rapport. Au final, la plupart des propositions du comité ont été rejetées et aucun dispositif véritablement nouveau n’a été retenu. Sur l’emploi, le gouvernement répond qu’il est préférable d’élargir les dispositifs existants, le gouvernement écarte l’idée d’une dépénalisation expérimentale de la consommation de cannabis, quant au logement il se contente de rappeller qu’une aide aux étudiants existe.
Et après ?
«L’Etat apportera une aide à l’Association pour faciliter l’insertion des jeunes diplômés» (mesure 17). En vertu de cet engagement, le gouvernement déclare soutenir un projet déjà en cours de discussion entre syndicats et mutuelles étudiantes sur l’insertion professionnelle. Philippe Campinchi de l’UNEF ID avait proposé une sorte « d’ANPE (aujourd’hui Pôle emploi) jeunes », ce sera finalement l’AFIJ (Association pour favoriser l’insertion des jeunes diplômés). Elle devait recevoir une subvention de 10 millions de Francs pour commencer à fonctionner ; début mars 1995 il n’y a toujours rien de concret, la convention n’est signée qu’à la fin du mois de mars. Si au delà l’engagement de l’Etat a été important, de l’ordre de 1,5 milliard de francs, c’est sans doute aussi que l’on est à quelques mois d’une élection présidentielle. En revanche, on pourrait comparer ce montant aux 4,5 milliards de francs dégagés en 1990 pour le plan d’urgence pour les lycées, conséquence directe des manifestations lycéennes sur le sujet. Il est vrai que là le rapport de forces avait été maintenu, alors que cinq ans plus tard, avec la consultation nationale le gouvernement Balladur avait quelque peu « noyé le poisson ».