biographie : Jean-Paul Molinari

Jean-Paul Molinari au colloque de 1996Ce matin, en ouvrant ma boîte aux lettres électronique, j’apprends le décès de Jean-Paul Molinari. Choc ! A peine 62 ans. Et une image qui me revient, puis d’autres. D’abord Nantes, la ville de Jean-Paul, mais aussi celle de Michel Verret, bastion d’une sociologie du travail et des classes sociales qui ne cède pas aux effets de mode ni se s’enferme dans le simplisme et l’économisme. La culture ouvrière, la culture populaire, elle est là, visible dans ces rues de Chantenay, au bord de la Loire sur ce que furent les chantiers de Nantes où aujourd’hui siège le centre d’histoire du travail. La rencontre entre Jean-Paul Molinari, issu d’une famille populaire, avec le mouvement ouvrier nantais (et son mouvement étudiant puisqu’il fut membre et animateur de l’UNEF de Nantes) puis dans l’enseignement et la recherche consacrées au populaire, à l’ouvrier, au communiste, n’avait donc pas de quoi surprendre. C’est à Nantes qu’il est resté fidèle. Et c’est là, sur la Place du Commerce, qu’il m’expliquait qu’ une nouvelle vie s’ouvrait, avec sa retraite (active), et que, somme toute, «tu comprends, ici en Province, on est des paresseux». Prétexte pour ne pas accepter je ne sais quelle proposition que je venais lui faire. Aimant la vie, oui, fainéant, non. Un autre souvenir, bien antérieur. En 1993, Jacques Kergoat, directeur de Politique la Revue, veut organiser un débat sur les jeunes. Il me demande d’intervenir et m’interroge sur d’autres personnes à inviter. Je lui réponds immédiatement Molinari et Mauger, que je ne connais que par leurs récents ouvrages (Les étudiants, pour l’un, aux Editions ouvrières, et Les jeunes, état des recherches, à la documentation française, pour l’autre). Regarder l’annuaire. Composer le numéro. Molinari me répond. Je lui indique l’objet de ma démarche et d’emblée c’est la réponse spontanée que je n’oublierai pas : «Pour Jacques, je viens. C’est bien ce qu’il fait». Jean-Paul, c’était ça : pour une idée qui l’enthousiasmait, pour une personne qu’il estimait, il répondait oui. Depuis, nous nous téléphonions ou rencontrions régulièrement. Il réclamait les Cahiers du GERME et les montrait à ses étudiants, et nous indiquait qui voulait travailler sur le sujet. C’est grace à lui que Raphaël Desanti nous a rejoint, avant de changer de sujet de recherches, mais en laissant quelques écrits et travaux d’importance.

Robi Morder, le 13 octobre 2003.

Les Cahiers du Germe n° 25, 2005


A l’égard de tous ceux qui l’ont connu, on sait très bien que Jean Paul a su marquer ses publics, ses collègues par sa prestance, son intuition sociologique armée d’un verbe qui forçait l’admiration, l’écoute, la stimulation dans le travail de recherche (des ex thésards peuvent en témoigner mais aussi ses collègues, ses publics…). Mais c’est vrai aussi, tout n’était pas rose non plus avec Jean Paul : personnage pas toujours facile, parfois haï par des collègues dont je tairai les noms.. Je pleure la disparition de Jean Paul mais aussi de Claude Leneveu (figure marquante du département de sociologie de Nantes, mort en septembre 2002). Comme si l’histoire de ce département de sociologie se perdait avec ses meilleurs piliers ; et pour laisser quoi derrière ? : des enseignants sociologues s’éclatant dans des objets de recherche eux-mêmes éclatés, «dépolitisés» perdant du même coup un questionnement permanent de nature politique que Jean Paul et Claude savaient subtilement entretenir parallèlement dans leurs interventions pédagogiques.

Raphael Desanti (ex-étudiant en thèse avec Jean-Paul Molinari), le 21 octobre 2003.

Les Cahiers du Germe n° 25, 2005

Voir l’intervention de Jean-Paul Molinari? « Le mouvement étudiant depuis 1985 ».  Colloque « 50 ans de syndicalisme étudiant », avril 1996.

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