lecture : Gilles Maigron, Résistance et collaboration dans l’Université de Paris

MAIGRON Gilles. Résistance et collaboration dans l’Université de Paris sous l’occupation, 1940-1944. Mémoire de maîtrise sous la direction de Michelle Perrot. Paris VII 1992/1993, 229 pages. Présentation par l’auteur. Voir critique dans le dossier des Cahiers du Germe  N° 25, 2005.

Ce mémoire présente et tente d’analyser, comme son titre l’indique, les réactions politiques du milieu universitaire parisien face à l’occupation allemande et au pouvoir vichyste des années 1940-1944. La problématique aurait pu être élargie à l’Université sous l’occupation, à la vie universitaire, à ses mutations, à l’influence de la guerre, etc. Le choix fut à la fois libre et contraint (temps, travail et dérogations) de travailler sur l’aspect politique du sujet. En fin de compte, cette étude permet d’apporter un certain nombre de réponses aux questions : que s’est-il passé à la Sorbonne sous l’occupation? Quelle(s) attitude(s) ont eu les représentants de l’élite intellectuelle et parisienne pendant la seconde guerre mondiale? Quels ont été  leurs comportements? Et finalement, est-ce que cette élite (professeurs, étudiants) a été digne de sa «hauteur intellectuelle»?
La première partie de cette étude a pour but de nous plonger dans le contexte de l’époque : les thèses vichyssoises sur l’éducation et l’école, la débâcle et le désordres universitaires de l’après 1940, les différents ministères et autorités universitaires entre 1940 et 1944. On y découvre une université que l’Etat français aimerait mettre au pas, mais qui garde malgré tout une certaine autonomie. On notera le changement sensible d’attitude lorsqu’Abel Bonnard prit ses fonctions de ministre secrétaire d’Etat à  l’Education nationale le 18 avril 1942, et qu’il essaya d’introduire dans l’Université la collaboration avec les Allemands. Fermes et discrètes à la fois, les autorités universitaires ont appliqué toutes les directives ministérielles (du bouleversement des dates d’examen à l’exclusion des juifs, des francs-maçons et des résistants), après que le Recteur Gustave Roussy fut démissionné le 12 novembre 1940.
Les deux parties suivantes de cette étude menée en trois parties, sont les plus importantes; on entre dans le vif du sujet en commençant par nous interroger sur la place de la collaboration dans l’Université de Paris selon un plan qui sera aussi utilisé dans la dernière partie sur la Résistance : la présentation générale de la collaboration dans l’Université de Paris, l’étude des organisations collaboratrices étudiantes, l’étude des organisations collaboratrices de professeurs, l’étude d’un cas particulier de collaboration : le cas Labroue. Le cas particulier concernant la Résistance est la manifestation du 11 novembre 1940 et ses suites.
Résistance et collaboration ont effectivement existé dans l’Université de Paris sous formes organisées ou individuelles. Elles sont, comme dans la société de cette époque, minoritaires mais agissantes. La majorité des étudiants et des professeurs continuaient tant bien que mal leur cursus et leurs cours sans trop se soucier de l’occupation et de la guerre. Le silence était l’expression, ou la non-expression, de la grande majorité permettant ainsi aux autorités de se maintenir. Dans le contexte de cette époque, l’engagement prenait donc tout son sens. Le 11 novembre 1940 marque la première prise de conscience résistante dans l’Université de Paris, parallèlement les collaborateurs acharnés de 1940 resteront jusqu’à la Libération convaincus de leur choix. 1941-1942 marquent la naissance des différents mouvements de collaboration et de résistance, mais c’est en 1943 (la Résistance se voit renforcée des étudiants fuyant le STO) et surtout en 1944 que les organisations s’affirment, s’organisent et souvent se radicalisent. certaines organisations le plus souvent existant avant guerre comme l’UNEF ou la JEC, ont évolué durant toute la période passant du pétainisme au début de la guerre à la résistance vers la fin. Résister ou collaborer ont été le résultat conjugué de plusieurs pensées, attitudes et actes complexes. Il n’y a jamais eu une mais plusieurs résistances et plusieurs collaborations, inscrites dans les tourments de l’histoire.
L’Université de Paris n’a pas été un îlot de tranquillité au milieu du drame; on n’y observait pas Paris du haut d’une tour d’ivoire. Avec ses propres caractéristiques, la Sorbonne a fonctionné comme un des lieux de vie, de lutte et d’exclusion de la société française de cette époque.
Ce mémoire, auquel il manque parfois une analyse plus poussé et un style assuré, nous permet cependant de prendre clairement conscience de cette réalité.

Gilles Maigron
Les Cahiers du Germe trimestriel N° 2 – 1° trim 1997

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