lecture: Patrick Michel le mouvement étudiant rouennais de 1892 à 1975

Patrick MICHEL le mouvement étudiant rouennais de 1892 à 1975, Université de Rouen, UFR de lettres et sciences humaines, Département d’histoire. Mémoire de maîtrise la sous direction de Yannick Marec, 2001-02, 141 p .

Du nouveau sur les étudiants de Rouen au 20e siècle.

Cette maîtrise permet de suivre l’évolution sur un siècle d’une petite association générale d’étudiants née en 1892 et qui n’a pu parvenir jusqu’au 21ème siècle, puisque l’étude, qui s’arrête en 1975, nous apprend sa disparition vers 1999. La ville de Rouen n’a pas d’université avant 1966, et se trouve jusqu’alors rattachée à Caen ; ses quelque trois cents étudiants à la fin du 19e siècle sont essentiellement des élèves de l’école de médecine et pharmacie, augmentés d’élèves d’écoles de commerce.

C’est dans ce cadre restreint que se fait la naissance de l’AGE, d’abord appelée cercle des étudiants de Rouen. Naissance par diffusion d’un modèle qui se généralisait alors : présentant leur demande d’autorisation au préfet, les responsables de la nouvelle organisation indiquaient qu’il s’agissait de « statuts dans le même genre que ceux de Caen et de Paris » ; le fait que le président de l’association soit de manière intangible le recteur d’académie, et son président d’honneur le directeur de l’école de médecine et pharmacie dit assez que le nouveau groupement se situe dans le champ institutionnel de l’Université, même si la documentation disponible ne permet pas de savoir si l’initiative de la fondation revient aux universitaires ou aux étudiants eux-mêmes. Du moins est-on dans le contexte général de développement des premières AGE, avec leur lot de bals, tarifs réduits aux spectacles, subventions municipales, etc … mais curieusement sans monômes. L’AGE semble avoir survécu après 1901, mais en laissant peu de traces : effet indirect des divisions de l’affaire Dreyfus ?

On la voit réapparaître en 1919, avec de nouveaux statuts qui excluent les étrangers. Les nouveaux dirigeants (dont le futur ministre de l’Education Nationale André Marie) sont de bons patriotes qui remplacent les postiers grévistes le 1er mai 1920, et organisent un restaurant corporatif ainsi qu’un club sportif, à ce compte l’Association grouperait les 3/4 des toujours peu nombreux étudiants rouennais, avant même de devenir l’Association Générale des Etudiants et Etudiantes de Rouen en 1930. Le parallélisme avec l’évolution générale du mouvement étudiant se poursuit dans les années trente : journal et restaurant universitaires disparus, l’AGE doit quitter son local en 1936, en proie aux tiraillements liés à la xénophobie des étudiants en médecine. Comme Paris, Rouen a son 11 novembre 1940 étudiant c’est-à-dire en fait lycéen.

La charte de Grenoble de 1946 sera intégrée dans les statuts de l’AGE en 1964, entre-temps elle ne semble pas avoir modifié la pratique de l’AGE d’après 1945, si ce n’est la multiplication des services rendus par l’AGE, et leur ouverture aux non-étudiants stricto sensu (élèves sages-femmes et infirmières, etc…). Les soubresauts de l’UNEF nationale et ses clivages semblent atteindre l’AGE avec retard, malgré la scission « apolitique » d’une Fédération des étudiants de Rouen en 1961, d’importance comparable et se gardant de l’extrême droite. Mais le « retard » se comble : une équipe animée par des militants des ESU et de l’UEC, issue semble-t-il de la Faculté des lettres en plein développement, s’installe en 1966, à la tête d’une AGE aux effectifs déclinants qui abandonne les services matériels, lance la grève générale en mai 1968, quitte à être balayée peu après par une équipe JCR qui fait sienne l’UNEF des comités d’action. A noter que le Mai étudiant semble absent en Droit et Médecine où la grève n’a pas lieu. La vie étudiante après 68 devient orageuse, opposant physiquement AGER et FER, faite de cours troublés, de violences.

1975, terme de l’étude, est à Rouen la fin d’un cycle, avec la disparition de la FER tentée par le régionalisme et le recentrage de l’AGER, privée depuis peu de subvention.

L’étude parle de l’éternel retard de Rouen sur l’évolution générale du mouvement étudiant. Peut-être, mais ce qui frappe le plus est le parallélisme.

Alain Monchablon

Les Cahiers du Germe n° 25 mai 2005

Print Friendly, PDF & Email
(Comments are closed)