lecture : Sylvain Henry, L’AGEL-UNEF, 1971-1994, aspects de la recomposition du syndicalisme étudiant à Lyon après la scission de l’UNEF

HENRY Sylvain, L’AGEL-UNEF, 1971-1994, aspects de la recomposition du syndicalisme étudiant à Lyon après la scission de l’UNEF. Maîtrise d’histoire contemporaine. Lyon 2 R. Estier Dir. 263 p (dont 55 p annexes). Si quelques travaux récemment produits traitent de la scission de 1971 de l’UNEF (Anaïs Gérard pour Lyon et Olivier Bianchi pour Clermont-Ferrand vont dans leurs mémoires jusqu’à la scission) commençant ainsi à combler un vide, par contre à notre connaissance il n’y a guère de travaux portant sur le devenir tant national que local des deux branches issues de la scission, sauf de manière incidente. C’est donc le mérite de Sylvain Henry de s’attaquer à ce chantier au prisme du local, en étudiant la branche Renouveau. Pour ce faire, il a pu bénéficier de l’accès aux fonds d’archives (voir descriptif dans ce numéro) tant locales que nationales, et procéder à une enquête par questionnaires auprès d’anciens responsables de l’AGEL.

Quatre parties composent ce mémoire. Dans la première, S. Henry présente le milieu et le syndicalisme étudiant à Lyon, avec une dimension historique («le temps  des recompositions» de 68 à 71) et politique avec le défi de la «massification de l’enseignement supérieur», qui est l’occasion de visiter les mobilisations des années 70 à 90 à Lyon. C’est dans cette première partie qu’est décrite la vie de l’AGE après 68, la gestion PSU et la manière dont le courant «renouveau» se structure en lien plus ou moins distant avec la tendance (qui ne dit pas son nom) nationale, et comment après l’abandon de l’AGEL PSU, ce courant se constitue en syndicat indépendant (l’UNEF US prendra le nom d’UGEL, l’UNEF renouveau d’AGEL-UNEF). La deuxième partie concerne l’organisation, la structure et la gestion quotidienne de l’AGEL-UNEF. Des structures telles qu’elles existent sur le papier, mais aussi dans leur fonctionnement réel qui varie selon les périodes, avec des données sur l’implantation, le nombre d’adhérents, les activités, le militantisme quotidien sont ainsi décrites et, bien évidemment, les difficultés, notamment financières qui limitent l’indépendance. La troisième partie est consacrée aux orientations de l’AGEL, plutôt «revendicatrice» jusqu’en 1979/1980, puis (au moment de l’orientation «solidarité étudiante» adoptée au congrès de Reims, «SE» remplaçant dans la pratique le vocable «renouveau») la tentative de développement d’une économie sociale étudiante au travers d’une centrale de services : le CERCOOPE. Dans ce chapitre sur l’orientation, on note (contrairement aux simplifications sur la «courroie de transmission») que l’AGEL était peu ouverte au tissu associatif, syndical et politique. Les relations avec le SNESUP comme avec la CGT, officiellement proclamées, sont en réalité circonstancielles alors que les relations informelles (notamment personnelles avec les professeurs et membres des conseils) sont développées. Les relations avec le PCF et l’UEC sont passées au crible : depuis l’implication évidente au moment de la scission et de la construction de l’UNEF-renouveau, jusqu’à la distanciation, ce qui n’exclut pas le sectarisme et la dénonciation des autres syndicats étudiants comme réponse à l’éclatement de la représentation étudiante (exception faite de l’Union des grandes écoles et de la FRUF, comme d’associations d’étudiants étrangers mais il ne s’agit pas là à proprement parler de syndicats concurrents). Enfin, la quatrième et dernière partie qui examine les parcours de responsables, s’engage dans la discussion sur le concept de génération appliqué au syndicalisme étudiant. Constatant que pour les étudiants les générations sont plus «brèves» (sans confondre génération et cohorte) Sylvain Henry dégage pour l’AGEL quatre «générations d’adhésion» : celle du Renouveau (qui vit la scission de 71), celle de la consolidation qui lui succède et stabilise l’AGEL. La génération «gestionnaire» est celle des années 80, sans qu’il y ait (comme entre 71 et 72) de «cassure brutale» avec les responsables précédents. Enfin, il y a la «génération de la remise en cause», en 86/88 au moment où le bureau est l’objet d’un renouvellement quasi-total. Des entretiens et enquêtes, Sylvain Henry conclut en attribuant à cette structure un rôle de politisation et de formation aux responsabilités syndicales. Comme J.Y. Sabot pour la «grande UNEF» à Grenoble pendant la guerre d’Algérie, il y a «émergence d’une élite locale». S. Henry tente une typologie des motivations individuelles et étudie les relations entre militantisme syndical et carrière professionnelle, le tout en partant des résultats d’enquête pour chacune des générations. Bien évidemment, les résultats «statistiques» ont peu de valeur en soi puisqu’ils portent sur une dizaine de noms pour chaque «génération» (soit une quarantaine pour 25 ans étudiés). Cela donne des indications, mais le plus intéressant est évidemment l’attention portée aux trajectoires biographiques dans leur environnement et contexte plus que sur des «pourcentages» peu significatifs.

Travail de qualité, tant pour son apport historique que pour ses réflexions méthodologiques et les questions posées (génération? trajectoires?) dont nous aurons l’occasion de traiter lors des rencontres du GERME consacrées au problème des «générations».

Robi Morder.

Les Cahiers du GERME trimestriel n° 11/12 4° trimestre 1999

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