Arthur Kriegel, la Vie est un cadeau, une traversée du 20e siècle, les éditions de Paris 2012. Décédé en 2011 à 85 ans, Arthur Kriegel a été un rhumatologue célèbre. Jusqu’en 1956 il fut un militant communiste actif avec sa femme, née Annie Becker, devenue historienne du communisme. Ses mémoires sont été publiées peu après sa mort. Lycéen puis étudiant il a vécu l’Occupation et la Résistance : strasbourgeois d’origine, il est replié à Caen pendant la « drôle de guerre », puis à Toulouse où il achève ses études secondaires et entame son cursus médical. Touché par le numerus clausus antisémite envers les étudiants, il gagne Lyon à l’automne 1942 pour sa première année de médecine. Il juge prudent ensuite d’aller à Paris poursuivre ses études, avec deux séries de papiers d’identité différents, une dans chaque poche de sa veste. Il renoue fin 1945 avec la faculté après s’être engagé à l’automne 1944 dans la première Armée française.
Résistant à Toulouse dans la mouvance communiste (il prend la parole dans un cinéma où est projeté Le Juif Süss), les hasards de la clandestinité le voient à Lyon dans la Résistance « gaulliste » ; il participe alors, sous l’alibi de la blouse blanche d’étudiant médecin, à l’évasion d’un groupe de résistants dont son frère Maurice Kriegel Valrimont. A Paris il agit au sein de l’Action ouvrière qui dépend du Mouvement de libération nationale (MLN), et participe aux combats de la Libération, avant de s’engager dans l’armée de Lattre. Redevenu étudiant, il adhère aux Etudiants communistes. On ne voit pas très clairement à quel titre il est envoyé à l’hiver 1945 en Angleterre, représenter la France au congrès de la NUS (National Union of Students), alors dominée par les communistes. Au printemps 1946, il indique que c’est l’UJRF (c’est à dire les Jeunesses communistes) qui l’envoie au congrès de l’UNEF à Grenoble. Il n’en garde que peu de souvenirs : « Je n’étais pas vraiment dans le coup, pas dans les couloirs, et pas intéressé par le syndicalisme en général, de plus tenu à l’écart du fait de mes attaches avec le PCF ». Ce qui le frappa le plus fut sa rencontre avec Jean-Marie Lustiger, alors président de la FGEL (Fédération des groupes d’études de lettres de Paris). La suite est celle d’un militant communiste actif chez les étudiants, cumulant les fonctions de dirigeant des étudiants en médecine, secrétaire de la section du 6e arrondissement du PCF (donc en charge de la suspecte cellule de Saint Germain des Prés), et surtout un des fondateurs, avec Annie Besse (future Annie Kriegel) et Jacques Hartmann, de Clarté en 1947, dont il est le « responsable idéologique » jusqu’à 1950, date de la fin de ses études.
Le reste appartient à la vie bien remplie d’un médecin et humaniste.
Alain Monchablon
Les Cahiers du Germe n° 30, 2012/2013