lecture : Frédéric Krier, L’Union nationale des étudiants du Luxembourg

Frédéric Krier, L’Union nationale des étudiants du Luxembourg, mémoire, Luxembourg, 2000. Le texte du mémoire nous a été transmis via internet. Malheureusement pas la page de garde, ce qui ne garantit pas l’intitulé du titre. Mais le sujet est bien là : l’existence entre 1952 et 1969 d’une « création exceptionnelle dans l’histoire du mouvement estudiantin luxembourgeois », ne structure agissant « de façon unifiée sur le plan politique et social luxembourgeois ». Le mémoire est découpé en cinq parties. D’abord, une histoire de la naissance et de l’évolution des associations d’étudiants luxembourgeois, suivie d’un chapitre sur le syndicalisme étudiant. Sont ensuite examinées les revendications de l’UNEL puis sa politique internationale. Et le dernier chapitre est consacré à : la scission de l’UNEL.

Nous ne pouvons – sans caricaturer et même trahir l’auteur – résumer en quelques lignes ce travail, mais souligner un certain nombre d’aspects qui soulignent à la fois une spécificité nationale évidente mais une forte imbrication dans l’histoire étudiante européenne. La spécificité, elle est d’abord dans le fait que les étudiants luxembourgeois étudient à l’étranger, en l’absence jusqu’à tard dans le 20e siècle d’un enseignement universitaire au Luxembourg. C’est à Liège, à Paris, à Nancy, en Allemagne, en Suisse que ces jeunes gens font leurs études. Et ils ne sont uère nombreux, puisqu’on compte 786 étudiants en 1957 et 1470 en 1968 (dont un millier à l’UNEL). L’histoire de la formation des premières associations étudiantes est ainsi d’abord celle de groupes, cercles se formant dans les universités « d’accueil ». Il faut attendre 1910/1912 pour que se regroupent des étudiants au niveau « national », prenant le nom définitif d’AGEL le 2 août 1912. Ces étudiants, et groupements, vont emprunter les caractéristiques des groupements et corporations allemands, français, belges. Comme pour nombre de pays (comme le NUS britannique), l’UNEL se constitue par fusion obligée des deux grands : ASSOS et AV, en vue de pouvoir être partie prenante de la première CCIE (Confédération internationale des étudiants) qui n’acceptait qu’une union nationale par pays, suivant en cela le modèle imposé par la France. Nous noterons qu’en 1940 l’UNEL s’auto-dissout.

La nouvelle UNEL qui se crée en 1951 l’est à partir notamment d’un projet « syndical » qui se réfère au « modèle » de la Charte de Grenoble, d’où l’importance du chapitre consacré au « syndicalisme étudiant » (en fait à Grenoble) et aux débats dans l’UNEF dans ce mémoire. L’UNEL revendique la rémunération des étudiants, la sécurité sociale des étudiants (et mène des négociations avec le Ministère du Travail), une réforme de l’enseignement. L’UNEL se considère comme partie prenante de la jeunesse luxembourgeoise, avec notamment une revendication commune concernant le service militaire, qui n’est devenu obligatoire qu’après la deuxième guerre mondiale. C’est le problème de « jeunesse » qui mobilise le plus l’UNEL. Frédéric Krier nous décrit également le travail de l’UNEL comme « groupe de pression » dans la mesure où son intervention est importante auprès de la Chambre des députés, et l’auteur tente une évaluation du poids réel de ces démarches. Les revendications de l’UNEL sont finalement pour beaucoup satisfaites : gratuité des études secondaires en 1966, abolition du service militaire obligatoire en 1967, instauration  du Centre Universitaire en 1969. Comme beaucoup d’organisations étudiantes, l’UNEL est « secouée » par les évènements internationaux (guerre froide, rapports avec l’UIE en discussion) et notamment par le mai 68 français auquel ses étudiants parisiens, nancéiens et autres participent de même que les luxembourgeois de Berlin participent au SDS allemand. Entre mai 68 et avril 1969, c’est la fin de l’unité, la maison commune ne pouvant plus rassembler sous le même toit ses différentes composantes. Le congrès de décembre 1968 de l’UNEL (même date que ceux de l’UNEF à Marseille et de l’UNURI à Rome) connaît un affrontement qui rompt avec l’habituelle gestion « tripartite » de l’organisation étudiante. Mais dans cet affrontement, le congrès est une victoire des « gestionnaires » opposés aux « syndicalistes contestataires ». Mais en moins d’un an la démission d’une série de fédérations facultaires de l’UNEL permet un changement de majorité. A l’éclatement de l’UNEL succédera celui de sa majorité. En 1973 on voit apparaître une « UNEL renouveau » alors que l’UNEl, qui regroupait deux étudiants sur trois en 1968 n’en regroupe plus qu’un sur cinq ou six. En 1977, l’UNEL abandonne sa forme « cartel » en devenant une organisation à laquelle l’étudiant adhère directement.

Tous ces scénarios nous évoquent évidemment d’autres scènes similaires intervenues en France, en Belgique, en Italie. Pour Krier, trois raisons à l’affaiblissement de l’UNEL : l’apparition d’un courant radicalisé, la « dépolitisation » d’une partie des étudiants et… le fait que certaines des principales réformes revendiquées avaient été de facto satisfaites. Comme si l’UNEL n’avait plus de raisons d’être, ou du moins plus les mêmes…

Nous disposons ainsi d’une pierre de plus dans l’étude comparée des mouvements étudiants internationaux.

Robi Morder

Les Cahiers du Germe trimestriel n° 19 – 3°  trimestre 2001

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