VAZEILLES Isabelle, Engagement étudiant : à propos de quelques réflexions sur le mouvement étudiant de novembre_décembre 1995, mémoire de DEA, sous la direction de Catherine Paradeise, Université de Paris 1/ENS Cachan, 1996. S’inspirant de la mobilisation étudiante de 1995 qui se déroule alors qu’elle se trouve en DEA, Isabelle Vazeilles prend le parti d’étudier « l’engagement étudiant «. Elle mène une étude basée sur quatre centres universitaires, deux parisiens, Jussieu et Nanterre, deux en province, Montpellier 2 et 3. Forte de 38 entretiens effectués avec des étudiants de première année et de DEA et 602 questionnaires recueillis, l’étude ouvre des perspectives de recherche sur l’engagement étudiant. Isabelle Vazeilles montre, à l’instar de Gérard Mauger, à propos du CIP, et de François d’Arcy, pour la mobilisation de 1986, que « La probabilité de mobilisation au mouvement était d’autant plus faible que l’origine sociale, l’établissement fréquenté, la filière suivie, la probabilité de trouver un emploi correspondant au titre étaient élevés «. Elle met l’accent sur « l’environnement non humain « des étudiants, facteur souvent négligé dans les études antérieures. A cela, Isabelle Vazeilles ajoute la perception de l’étudiant de sa propre condition de vie et de la considération que celle-ci n’est pas « normale «. « Les circonstances optimales favorisant la participation de l’acteur dans une action collective organisée se situe dans la continuité des éléments composant l’environnement humain et «l’environnement non humain» «.
Par la construction d’idéaux-types, Isabelle Vazeilles cherche à construire des classifications. En fonction de cinq critères (signature de pétition ou non, participation ou non aux assemblées générales, à des manifestations, à la préparation de celles-ci, à leur encadrement) elle dégage différents degrés d’engagement allant de ceux qui disposent de fortes prédispositions à ceux qui ne se mobilisent pour des raisons spécifiquement étudiantes.
Enfin, elle analyse les effets sociaux de la participation sur le mouvement étudiant. Elle émet l’hypothèse d’une intégration plus importante des étudiants de première année participant à une mobilisation et leur facilitant l’acquisition ainsi une identité (ce que désigne Howard Becker par «l’estudiantisation» de l’étudiant). Elle nous semble cependant parfois aller trop loin dans certaines de ses affirmations lorsqu’elle écrit, par exemple, à propos étudiants déçus par les retombées de l’action collective, «D’ores et déjà, nous pouvons dire que si l’année suivante un mouvement de la sorte se présente, ils n’y participeront pas» ou lorsqu’elle considère que les étudiants sont contents d’avoir participé à une mobilisation comme celle de 1968.
Ce mémoire met à l’épreuve les hypothèses portant sur l’engagement étudiant et, même si le terrain n’a pas de vocation eprésentative, porte une pierre de plus à l’étude des mouvements étudiants.
Si les différents groupes constitués mettent en avant une prise de participation à la mobilisation analysable en différents points de vue et permet de considérer les
différentes approches que peuvent avoir les étudiants de la mobilisation à laquelle ils prennent part ou non. Cependant, l’étude ne met pas en rapport participation à la mobilisation et organisation de celle-ci. Car les étudiants ayant le plus de prédisposition à l’action sont souvent ceux qui, dans une certaine mesure, prennent en charge la mobilisation.
Si Isabelle Vazeilles traite de l’identité étudiante, elle n’en parle que comme effet social de la mobilisation, sans pour autant la prendre en compte dans les raisons de l’engagement. C’est pourtant bien parce que certains jeunes ont conscience d’être étudiants qu’ils participent à la mobilisation. Comme l’a montré Patrick Hassenteufel pour ce qui est notamment des mobilisations des infirmières, celle-ci peut être en grande partie construite dans la mobilisation et par les revendications avancées. Ce qu’autorisent les coordinations aussi bien chez les infirmières que pour les étudiants, notamment lors de la mobilisation dont il est question dans ce DEA.
Jean-Daniel Lévy
Les Cahiers du GERME trimestriel n° 5 – novembre 1997