lecture: Paul Bouchet, Mes sept utopies

mes sept utopiesPaul Bouchet, Mes sept utopies, L’Atelier, 2010. Les avocats ne sont pas tous des bavards: Paul Bouchet qui fut au barreau de Lyon  pendant quarante ans ne prend que 174 pages denses pour présenter les sept utopies qu’il a vécues en soixante-dix ans : la Résistance, la refondation de l’UNEF et la recherche d’une fraternité étudiante internationale, le métier d’avocat engagé, la promotion culturelle et artistique avec le centre interculturel de Goutelas, la défense du Droit (il présida  entre autres le Fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés, puis la Commission nationale consultative des droits de l’Homme ), la présidence d’ATD Quart Monde; cela fait six, la septième étant le refus de l’inacceptable et du renoncement.

On se limitera ici aux riches années de l’étudiant lyonnais (1945-1949) : le jeune maquisard chrétien de la campagne forézienne, interdit de préparation à l’ENS par son état de santé, s’inscrit à la faculté de Droit. Le milieu est resté conservateur, mais P. Bouchet se fait élire à la tête de l’Amicale. Organisateur de monômes en même temps que d’hommages à la Résistance (et d’abord à la figure de l’étudiant Gilbert Dru), il est sollicité par d’autres étudiants résistants pour prendre la présidence de l’AGE. A peine élu, minoritaire dans un bureau demeuré traditionnel, il pose la question de confiance et se fait réélire sur un programme audacieux : faire de l’AGE un lieu de vie et d’action fraternel. Le restaurant est transformé, un nouveau local est acquis de haute lutte, des anciens bordels devenus logements sont attribués aux étudiants, une coopérative d’édition distribue les cours polycopiés, une bibliothèque se crée, agrémentée d’un bar : un syndicalisme étudiant dynamique est né à Lyon.

En 1946, au congrès national de l’UNEF à Grenoble, la bonne parole lyonnaise finit par l’emporter, et transcrite en Charte de Grenoble, devient durablement la référence du mouvement  étudiant devenu syndicat. Dans le même temps Paul Bouchet fait partie de la délégation française qui prépare la naissance de l’Union Internationale des Etudiants à Prague. Sans attirance pour le communisme, il rêve d’un rassemblement fraternel international, écartant, comme en France, les impasses du corporatisme et du mini-parlementarisme politique étudiants, au profit d’une conception syndicale. Les déceptions viendront bientôt, mais le « roi sans couronne » de l’UNEF (il a refusé de siéger au bureau national de celle-ci) se fait commis-voyageur du mouvement étudiant, de Chicago où il assiste à la naissance de la National Students Association, à Bombay en passant par Belgrade et Sofia. L’esprit de fraternité suscite aussi une option anticolonialiste précoce, dont le suite appartient à la carrière d’avocat.

Alain Monchablon

Les Cahiers du GERME n° 29, 2010/2011

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