lecture: Sonia Lefeuvre, Les associations et syndicats étudiants : un moyen d’intégration ?,

LEFEUVRE, Sonia, Les associations et syndicats étudiants : un moyen d’intégration ?, mémoire de Maîtrise de Sociologie sous la direction d’Alain Vilbrod, Université de Bretagne Occidentale, 2000, 106 pages + annexes.

Toujours à la recherche de travaux sur l’engagement actuel des étudiants, nous scrutons l’horizon. Après Lyon et le travail de Thierry Lichet, nous voici à Brest en compagnie de Sonia Lefeuvre. Notons immédiatement l’existence d’un point commun entre ces deux étudiants : la participation à une association. « […] ayant eu l’occasion de faire un voyage au Portugal avec une association étudiante d’histoire, je me suis rendue compte qu’il y avait une vie à la faculté, en dehors des cours et de la bibliothèque. Par la suite, entraînée par ces nouvelles connaissances, je me suis peu à peu investie dans les mouvements associatifs et dans la vie de la Faculté des Lettres et Sciences Sociales. » (p.4) Impliquée donc intéressée par le sujet. Mais comme nous l’avions déjà précisé au sujet du travail de Thierry Lichet, cela n’est sans conséquences, le tout étant de les élucider, d’en considérer la nature. Passons ce débat sur la place du chercheur et considérons le propos de cette étudiante curieuse d’un milieu auquel elle appartient.

Une des particularités de ce travail est de proposer une comparaison entre les associations étudiantes françaises et espagnoles puisqu’elle a profité d’un échange ERASMUS pour réaliser des entretiens. Notons que, si les responsables associatifs espagnols l’ont bien reçu, elle a éprouvé de nombreuses difficultés à trouver des recherches sur cette question en Espagne. « J’ai rencontré un autre professeur de sociologie de l’éducation qui a pu me dire qu’en fait il n’existait pratiquement aucune étude sociologique réalisée par le système universitaire et sur les étudiants, quant à parler des associations étudiantes, il va de soi que ce n’était même pas la peine d’y songer » (p. 22) Les raisons (selon l’auteur) : régime franquiste, Opus Dei et querelles de chercheurs !! De ce fait, la comparaison entre les deux pays est nécessairement plus limitée. Certes, Sonia Lefeuvre met en évidence certaines variations entre les deux systèmes universitaires, en particulier l’existence d’une sélection officielle à l’entrée de l’université espagnole, déterminant la filière et l’établissement et la proximité, toujours dans ce pays, entre le lycée et l’université. Pourtant, il semble, qu’au fil de son travail, elle en oublie la dimension comparative. L’analyse des entretiens ne la conduit pas à souligner des pratiques associatives différentes entre la France et l’Espagne. On peut alors se demander si les pratiques sont effectivement identiques ou si c’est son échantillon (peu important et assez ciblé : deux associations « festives » (la faluche et la Tuna), trois syndicats étudiants (Unef-id, Dazont et la CAF de Galice) et une association de filière (Delta) qui induit de telles proximités. Cet aspect n’est pas élucidé. Dommage. Reste à en venir aux résultats de son travail.

L’auteur cherche à montrer que la participation associative contribue à l’intégration universitaire et qu’elle permet la construction d’une identité étudiante. Pour ce faire, elle revient sur quelques définitions  (« être étudiant », « sociabilité » ; « intégration ») et examine, à partir des travaux sur le monde étudiant, les variables susceptibles de différencier les modalités d’intégration (sexe, filière, etc.). Concernant le taux d’adhésion aux associations, elle reprend les chiffres d’Olivier Galland, de Valérie Erlich, de l’OVE et ceux d’une enquête sur les pratiques culturelles des étudiants de Brest, qui les corroborent. Il reste qu’elle ne distingue pas l’adhésion de la participation, tout comme elle ne revient pas nécessairement sur les discours des auteurs cités à ce sujet. Les raisons de l’investissement (comme du non-investissement) sont étudiées sous l’angle de l’action rationnelle. « La rationalité des étudiants qui s’investissent  se déclinerait de trois manières : une recherche de bénéfices matériels, une correspondance à la définition de leur identité propre et une volonté de convivialité. « Ces étudiants ont compris que le seul moyen rapide de s’intégrer à l’université était d’entrer dans les mouvements associatifs. Ils ont sans doute une volonté de rencontrer des amis, d’autres étudiants afin que la faculté leur soit plus agréable et plus vivante. » (p. 48) Puis, elle ajoute : « il s’agit dans un premier temps, d’étudiants qui se sentent « étudiants » et s’identifient en tant que tels. Ils ont donc un projet d’avenir, soit professionnel, soi scolaire voire les deux, relativement précis » (p. 50). Au vue de nos propres enquêtes, nous serions tenté de relativiser de telles affirmations. Il nous semble un peu rapide de résumer ainsi les modalités d’engagement des étudiants. D’ailleurs, l’exploitation des données de l’enquête, en particulier les entretiens, met en évidence l’existence d’un engagement différencié en fonction du type d’association. De plus, le rapport aux études n’est pas suffisamment étudié pour vérifier l’hypothèse de l’existence de projets scolaire ou professionnel.

Cependant, plusieurs constats retiennent l’attention. Ainsi, lorsqu’elle s’intéresse à la faluche et à son homologue espagnol la Tuna, elle remarque la présence d’une certaine « obligation d’être amis » et parle d’une « hypocrisie latente » (p.70) « Il y a comme un paradoxe : les associations qui se déclarent exister pour faire la fête, pour rencontrer des étudiants, ne font pas plus la fête, n’ont au fond pas plus de véritables amis que les étudiants membres des syndicats, même si faire la fête et avoir pleins d’amis est une caractéristique avancée par les faluchards et les tunos » (p. 69) Qu’en déduire ? L’existence d’une corrélation a priori entre les buts de l’association et ce qu’elle permet ne mériterait-elle pas d’être interrogée ? Un tel résultat relève-t-il vraiment d’un paradoxe ? Il convient de se méfier. Il en est de même au sujet de la question de l’identité. Reprenant l’adage bien connu de « qui se ressemble, s’assemble », elle conclue : « il semble donc que pour pouvoir s’investir dans une association ou dans un syndicat, il faille correspondre au « profil ». Les étudiants ressemblent à leur association. D’ailleurs, l’étudiant doit trouver une association avec laquelle il soit en adéquation. En fait, adhérer c’est aussi mettre en avant une partie de son identité. » (p. 93). A nouveau, sont mis sur des plans identiques des processus sociaux différents. Il reste que les questions sont posées et qu’elles appellent d’autres développements. On notera également certains résultats communs avec nos enquêtes : intégration scolaire et apports sociabiliaires et expérientiels.

Finalement, la lecture de ce travail conduit à valider certaines pistes de travail. On ne peut certes pas affiner ses analyses dans le cadre d’un premier travail de maîtrise, surtout lorsqu’on connaît la faible quantité de travaux sur la participation associative des étudiants. Néanmoins, l’auteur est peut-être trop affirmative, la taille de son corpus aurait probablement dû la conduire à être plus modeste dans ses conclusions. Mais la matière est là, qu’elle serve au débat.

Valérie Becquet

Les Cahiers du GERME trimestriel n° 17 6  1°  trimestre 2001

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