Le 31 janvier 2017, la FAGE reportait, avec 5 élu.e.s sur 8(+1) les élections au Conseil d’Administration du CNOUS (Centre National des Oeuvres Universitaires et Scolaires), reléguant l’UNEF, avec 3 sièges(-1), au second plan. Il s’agit d’un scrutin indirect auquel étaient convié.e.s les 196 élu.e.s des CROUS (Centres Régionaux des Oeuvres Universitaires et Scolaires) dont la désignation a été organisée en novembre 2016. La FAGE avait alors obtenu 76 élu.e.s (+6), l’UNEF 66 (-11) et l’UNI (droite) 12 élu.e.s (-2). Au CNOUS, la FAGE obtient 91 voix, obtenant les suffrages d’élu.e.s de listes corporatives non abfiliées exclusivement à la FAGE. A l’inverse, l’UNEF ne gagne qu’une petite voix outre celles de ses élu.e.s (ce qui témoigne de son manque d’attractivité).
Mais, si l’on raisonne en nombre de voix, le constat est bien plus tragique pour les organisations étudiantes. Par Tristan Haute (1).
Une participation très faible
D’abord, la participation électorale recule à nouveau, passant de 8,5 à 7,5%. Si ce résultat paraît très faible, il rejoint les taux de participation historiques des années 2000 (cf. tableau 1).
Tableau 1 : Participation aux élections CROUS (2002-2016).
Année Taux de participation national
2002 5,53%
2004 8,11%
2006 6,27%
2008 7,56%
2010 7,8%
2012 9%
2014 8,5%
2016 7,5%
Si cette baisse de la participation ne se répercute pas sur le résultat en sièges ou en % des suffrages exprimés, elle se répercute nettement sur le nombre de voix obtenues par chaque liste.
Nous avons consigné les résultats en voix des élections CROUS 2014 et 2016. Ceux-ci se sont révélés particulièrement difficiles à collecter : les données sont manquantes totalement pour 8 CROUS et partiellement pour 6 autres (sur 28). Sur les résultats dont nous disposons (80% du corps électoral), on note bien la poussée de la FAGE et des listes qu’elle soutient (de 42% en 2014 à 48,5% en 2016) et la chute de l’UNEF (de 33,5% en 2014 à 29,5% en 2016). En parallèle, les listes de PDE reculent (de 7 à 4%) et les listes de l’UNI augmentent légèrement, tout comme les listes syndicales dites « combatives » (dont celles de Solidaires).
Une UNEF très affaiblie
Ainsi, si le résultat de l’UNEF paraît faible au regard des comparaisons historiques, il l’est d’autant plus si on raisonne en terme de nombre de voix obtenus. En effet, étant donné la faible participation, les variations du taux de participation sont non négligeables.
Sur les 14 CROUS où nous pouvons comparer le nombre de voix entre 2014 et 2016, l’UNEF perd des suffrages dans 11 CROUS et n’en gagne que dans 3 (Lyon, Reims et Nantes). Pire, dans 9 cas sur 11, cette perte est supérieure, en proportion, à la baisse de la participation. Dans certains cas, l’UNEF perd près d’un tiers de ses voix de 2014 comme à Montpellier, Rennes, Lille, Créteil, Toulouse ou jusqu’à près de deux tiers à Grenoble (avec une participation chutant de près de 40%). Enfin l’UNEF ne profite absolument pas de la disparition dans 4 CROUS de listes syndicales de Solidaires entre 2014 et 2016. Le recul national de 4 points et 11 sièges (sur 77, soit -15%) masque un effondrement très préoccupant sur le terrain. Une analyse plus détaillée des résultats par bureaux de vote permettrait de déterminer les dynamiques au sein des établissements et sur le long terme mais on peut ici poser l’hypothèse d’un affaiblissement de la capacité de mobilisation électorale de l’UNEF.
Une « percée » de la FAGE à nuancer
La FAGE n’enregistre, quant à elle, pas une poussée massive en nombre de voix. Certes, elle résiste mieux à la baisse de l’abstention, gagne des électeurs et profite de l’effondrement de l’UNEF, mais notons que dans 6 CROUs sur 14, elle perd des voix. La « poussée » de la FAGE est donc à nuancer : il semble que cette organisation mobilise plus facilement son électorat que d’autres, ce qui s’explique par un « vote en groupe » qui traduit l’implantation de la FAGE dans certaines filières (disciplines médicales) et dans certains établissements via son réseau associatif.
L’UNI, Solidaires et la Loi Travail
Quant à l’UNI, elle régresse dans 8 CROUS sur 14, parfois de façon conséquente comme à Lille, Paris ou Grenoble, sa résistance à l’abstention semble très fluctuante. Difficile donc d’en conclure à un effet « primaire dea droite » (les élections ont eu lieu au même moment) ou à un effet « Loi Travail ».
Enfin, s’agissant des listes syndicales se revendiquant comme plus combatives que l’UNEF (Solidaires dans 6 CROUS, UET et EST à Toulouse, LICORNE à Grenoble…), elles améliorent leurs résultats dans tous les cas quand elles se représentent (7 cas sur 10). Si on pourrait rapidement conclure que cette hausse est un facteur nuisible pour l’UNEF, l’UNEF régressant dans presque tous les CROUS où ces listes augmentent, ce n’est pas toujours le cas et l’UNEF enregistre des baisses très importantes dans des CROUS où elle n’est pas concurrencée par ce type de listes. Mais il est aussi difficile de voir dans ces lég9res hausses un effet « Loi Travail », même si cet effet peut exister à des échelles plus petites (on raisonne ici à échelle régionale).
Comme le montre cette rapide analyse, il convient de ne pas surinterpréter des résultats électoraux, surtout quand ils sont donnés en % des suffrages exprimés ou en sièges. Ainsi, la « percée » de la FAGE ne se matérialise pas par un afflux massif de nouveaux électeurs/trices dans les urnes. C’est bien un recul de l’UNEF mais aussi de PDE (Promotion et Défense des Étudiants, autre organisation corporative) qui visibilise cette « percée » de la FAGE. Loin d’un « effet Loi Travail » que croient voir certain.e.s, on assiste plutôt à un effet « abstention » qui visibilise à la fois la capacité de mobilisation électorale de la FAGE et les difficultés pour l’UNEF de mobiliser largement sur le plan électoral.
Tristan Haute
(1) Tristan Haute est doctorant en sciences politiques à l’université de Lille 2, et consacre ses travaux à la sociologie électorale ainsi qu’aux syndicalisme et mouvements sociaux. Il a notamment écrit :
- « » Des élus étudiants inutiles et illégitimes » ? Rôle et pratiques des élus étudiants (FAGE et Solidaires) dans les CROUS, 2008-2012 », Séminaire « OEuvres universitaires et mouvements étudiants », 12 février 2014, GERME/Cité des mémoires étudiantes, Université Paris IV
- « Étudier les comportements électoraux des étudiants aux élections universitaires en France : un « vote de filière » ? » in Jean-Philippe Legois, Marina Marchal, Robi Morder « Démocratie et citoyennetés étudiantes depuis 1968 », Syllepse, À paraître.
- « La répartition localisée des résultats aux élections étudiantes universitaires »,
mémoire de master 2 sous la co-direction de Mme Annie Laurent et de M.
Karel Yon.
Voir les notes de Tristan Haute sur les précédentes élections