1896 : naissance des villes « universitaires » et des diplômes d’université

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Faculté des sciences de Marseille, plan Blavette, 1896.

La loi du 10 juillet 1896, constitue les facultés françaises en universités.Elle est précédée par  la loi du 28 avril 1893, qui crée les « corps de facultés » et dote les conseils généraux de facultés, fondés en 1885, de la personnalité civile, ce qui les rend aptes à recevoir des dons, legs et subventions privées.

Depuis l’institution de l’Université impériale en 1808, le système universitaire français est régi par plusieurs principes, dont certains sont loin d’avoir disparu. Il n’y a pas alors de création d’universités au sens contemporain du terme, mais de facultés constituées par disciplines (droit, médecine, sciences, lettres, pharmacie et … théologie). Les 16 villes qui accueillent alors ces facultés ne possèdent pas toutes l’ensemble de ces établissements, seule Paris étant dans ce cas au début du siècle. Ces facultés sont organisées verticalement, indépendamment les unes des autres, les facultés enseignant la même discipline n’étant que faiblement reliées entre elles. Le doyen est le patron de la faculté, assisté par un conseil de faculté, sous l’autorité des recteurs, eux-mêmes reliés directement au ministre, qui est assisté par le conseil supérieur de l’Instruction publique. L’Etat exerce donc une tutelle absolue sur les établissements universitaires. On est dans le système que les historiens appelleront après les réformes de la IIIe République la « République des facultés », système qui durera jusqu’à la loi Faure de 1968. L’université en tant que regroupement de facultés situées dans la même ville n’existe pas encore.

Ces facultés du XIXe siècle sont les rouages d’un système national centralisé, sans aucune autonomie. Elles ne recrutent pas leurs professeurs, ne bâtissent pas leurs locaux, ne définissent pas la nature et le débouché des diplômes qu’elles délivrent, n’établissent pas leurs programmes d’études et les modalités de contrôle des connaissances, ne choisissent pas leurs élèves (s’ils sont bacheliers !) et n’ont aucune autonomie de gestion. Elles ont peu de contact avec leurs homologues et ne peuvent peser sur les décisions municipales.

Cette situation d’irresponsabilité permet de comprendre l’importance de la loi du 10 juillet 1896, qui constitue les facultés françaises en universités. Précisons que cette loi est précédée par un texte également très important, la loi du 28 avril 1893, qui crée les « corps de facultés » et dote les conseils généraux de facultés, fondés en 1885, de la personnalité civile, ce qui les rend aptes à recevoir des dons, legs et subventions privées.

La loi du 10 juillet 1896 se compose de quatre articles. L’article 1erdispose que « les corps de facultés institués par la loi du 28 avril 1893 prennent le nom d’universités ». Par l’article 2, le conseil général des facultés est légalement reconnu et reçoit le nom de conseil de l’université. L’article 3 transfére aux conseils des universités la connaissance des affaires contentieuses et disciplinaires relatives à l’enseignement supérieur public, jusqu’alors dévolue aux conseils académiques. Enfin l’article 4, le plus important, décide qu’à dater du 1er janvier 1898, il sera « fait recette au budget de chaque université des droits d’études, d’inscription, de bibliothèque et de travaux pratiques acquittés par les étudiants, conformément aux règlements », alors que  les droits d’examens, de certificats d’aptitude et de visa, acquittés par les aspirants aux grades et titres prévus par les lois, ainsi que les droits de dispenses et d’équivalences, continueront d’être perçus au profit du Trésor. Cet article dispose enfin que les droits perçus par les universités ne pourront être affectés par elles qu’aux objets suivants : « dépenses des laboratoires, bibliothèques et collections et entretien de nouveaux bâtiments, création de nouveaux enseignements, œuvres dans l’intérêt des étudiants ».

La loi de 1896 n’est qu’un petit pas vers l’autonomie, la tutelle de l’Etat continue à être fortement présente. La liberté qui leur est accordée avec un budget  accru est celle de créer leurs titres et diplômes propres (diplômes d’Université ou  d’instituts techniques) et d’utiliser librement leurs fonds particuliers pour la création de cours spécifiques. Cette loi cependant ne résout pas le problème bien français de l’hégémonie de la capitale sur la province, même si elle permet de désigner désormais les villes d’accueil des universités comme « villes universitaires » et de donner à celles-ci un prestige certain. La loi de 1896 ne permet cependant pas de créer des pôles régionaux faisant concurrence à Paris, comme en possèdent les autres pays européens.

Du point de vue des étudiants, cette  désignation donne de l’importance aux AGE alors encore dans l’enfance. On notera enfin la possibilité donnée aux universités de contribuer aux œuvres pour les étudiants, ce qui ne sera pas sans importance dans l’entre-deux-guerres.

Pierre Moulinier

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