Dans l’ordre chronologique nous commençons par les Etats généraux du 22 novembre 1986, qui convoqués par l’UNEF ID deviennent ceux du mouvement étudiant. Puis, les communiqués de la coordination nationale (il y en eût trois: 27 novembre, 6 au 7 décembre qui adopte une motion, un appel à la population et un communiqué) et enfin la coordination nationale des 11-12 décembre qui s’auto-dissout en appelant à des Etats généraux au printemps.Le bureau de la coordination communique trois fois: le 5 décembre après la manifestation et les violences policières de la veille, le 8 après l’annonce du retrait du projet par Jacques Chirac et le 9 sur l’organisation de la manifestation du 10 décembre. Enfin, le texte lu par David Assouline et Sylvia Zappi, porte-paroles de la coordination nationale (sur la photo) lors de la manifestation du 10 décembre.
Vous pouvez cliquer sur chacun des titres et avoir chaque texte en PDF, et aussi avoir ci-après l’ensemble des textes dans l’ordre chronologique.
ETATS GENERAUX 22 NOVEMBRE 1986
COORDINATION NATIONALE 27 NOVEMBRE 1986
COORDINATION NATIONALE 2 DÉCEMBRE 1986
BUREAU DE LA COORDINATION 5 DECEMBRE 1986
COORDINATION NATIONALE 6-7 DECEMBRE 1986
COORDINATION NATIONALE 6 DECEMBRE 1986 Motion unitaire
APPEL : Appel à toute la population, appel aux parents et aux enseignants
COMMUNIQUE Communiqué adopté par la coordination nationale dans la nuit du 6 au 7 décembre
BUREAU DE LA COORDINATION 8 DECEMBRE 1986 COMMUNIQUÉ
BUREAU DE LA COORDINATION 9 DECEMBRE 1986 COMMUNIQUÉ
COORDINATION NATIONALE 11-12 DECEMBRE 1986
10 DECEMBRE 1986 Discours de David Assouline et Sylvia Zappi en conclusion de la manifestation du 10 décembre, au nom de la coordination nationale
ETATS GENERAUX 22 NOVEMBRE 1986
APPEL A TOUS LES ÉTUDIANTS DE FRANCE
Unité des étudiants contre Devaquet !
Grève générale des universités !
Dans toute la France, les étudiants se mobilisent. Villetaneuse, Caen, Saint Denis, Censier, Tolbiac, Nanterre, Créteil, Amiens, Dijon, Jussieu et la Sorbonne sont aujourd’hui en grève pour dire non à la sélection.
En se mettant en grève pour le retrait du projet Devaquet, les étudiants aspirent à prendre leurs affaires en main. Ils mettent en place des comités de grève qui regroupent sans exclusive tous ceux et toutes celles qui refusent la déréglementation généralisée de l’université programmée par Devaquet.
En conséquence, les états généraux du mouvement étudiant réunis le 22 novembre à la Sorbonne et regroupant des délégués de toutes les facultés de France:
1) décident de mettre en place une coordination nationale des étudiants en grève et en lutte à raison de cinq délégués par faculté,
2) appellent tous les étudiants de France à se mettre en état de légitime défense en organisant dès lundi 24 novembre la grève générale des universités,
3) décident d’organiser une MANIFESTATION à caractère NATIONAL le jeudi 27 novembre pour exiger devant l’Assemblée nationale le retrait pur et simple du projet Devaquet.
A cette occasion, la coordination demande à être reçue par MM. Devaquet et Couanaud afin de leur faire part des revendications des étudiants.
Dans leurS AG, les étudiants discuteront des moyens à mettre en œuvre pour descendre dans la rue à Paris et dans toute la France le 27 novembre.
Dans toute la France les étudiants devront faire entendre d’une seule voix: « Retrait du projet Devaquet. » Dans toute la France, les étudiants avec les lycéens diront :
- égalité de tous devant le droit aux études,
- inscription de tous les bacheliers dans la filière de leur choix, libre inscription en licence des titulaires du DEUG et du DUT, maintien sans équivoque des diplômes nationaux,
- droits d’inscription non prohibitifs fixés nationalement et sans fourchette, égalité des étudiants français et étrangers,
- réengagement financier de l’État dans les CROUS et à l’université, remise en cause des applications anticipées du projet de Loi Devaquet, maintien du statut des non-bacheliers et des étudiants salariés.
La coordination des étudiants en grève et en lutte se réunira le 27 novembre au soir après la manifestation. Si le projet Devaquet n’est pas retiré, la coordination décrétera l’état d’urgence à l’université pour amplifier le mouvement jusqu’à l’annulation définitive du projet Devaquet.
Le 27 novembre, les étudiants mandatés par les AG discuteront de la date d’une manifestation centrale de la communauté universitaire à Paris.
Paris 22 novembre 1986
COORDINATION NATIONALE 27 NOVEMBRE 1986
APPEL DE LA COORDINATION NATIONALE DU 27 NOVEMBRE 1986
Depuis le lundi 24 novembre, dans toute la France, les étudiants se sont mis en grève pour le retrait du projet Devaquet. Le jeudi 27 novembre, en province et à Paris, un million d’étudiants et de lycéens sont descendus dans la rue. La coordination nationale des étudiants constate que Devaquet maintient son projet et refuse d’entendre la voix de ceux et celles qui se prononcent contre la sélection.
En conséquence, la coordination nationale des étudiants :
1) se prononce pour la poursuite de la grève générale des universités jusqu’au retrait du projet Devaquet,
2) appelle toutes les assemblées générales d’étudiants à discuter de l’organisation dès le lundi r= décembre de l’occupation de toutes les universités de France,
3) lance un appel solennel à tous les enseignants de France et à leurs organisations pour que, avec les lycéens et les étudiants, la grève générale de l’Education nationale soit organisée,
4) organisera une manifestation centrale à Paris, le jeudi 4 décembre.
Cette motion a été adoptée par 308 voix pour et 7 abstentions.
COORDINATION NATIONALE 2 DÉCEMBRE 1986
RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COORDINATION NATIONALE DES ÉTUDIANTS EN GRÈVE LE 2 DÉCEMBRE 1986
La coordination nationale des universités en grève prend acte de la décision du gouvernement et de la déclaration de Jacques Chirac, qui maintient le projet de réforme Devaquet tout en le remettant, pour une « réécriture », à la commission des Affaires culturelles du Parlement.
La coordination déclare que ceci ne répond en aucun cas à l’exigence scandée par des centaines de milliers d’étudiants et de lycéens dans toute la France: « Retrait total du projet Devaquet » . la coordination nationale affirme que nous ne saurions nous satisfaire d’amendements sur ce projet et que nous nous opposons à l’esprit global plus qu’à des points précis: l’université n’est pas une entreprise, elle ne peut pas être régie par les lois du marché. De plus, la coordination affirme qu’il s’agit d’une manœuvre du gouvernement pour diviser notre mouvement.
En conséquence, nous réaffirmons :
1) grève générale, avec occupation des locaux partout où cela est possible jusqu’au retrait total du projet Devaquet-Monory ;
2) manifestation nationale le 4 décembre à Paris, de la Bastille à l’Assemblée, de toute l’Education nationale, au terme de laquelle nous appelons l’ensemble des manifestants à attendre que M. Devaquet en personne vienne donner sa réponse sur place aux étudiants.
En conséquence, nous décidons:
1) de mandater et d’élire un collectif d’au moins dix membres, révocable à tout moment par la coordination nationale, comme unique porte-parole du mouvement ;
2) de mandater et d’élire une délégation de vingt personnes (dix de Paris, dix de province) qui, accompagnée par la manifestation nationale, aura pour mandat exclusif d’exiger le retrait du projet Devaquet, d’écouter la commission des Affaires culturelles et M. Devaquet pour en rendre compte aux étudiants.
3) Nous condamnons toute association ou faculté qui rencontrerait le gouvernement en dehors du mouvement.
4) La coordination appelle à expliquer notre mouvement à tous les enseignants, mais aussi à tous les lycéens, à leurs parents, ainsi qu’à tous ceux qui se sentent concernés par notre combat, car il est celui de l’égalité et du droit aux études pour tous. Pas une force ne doit manquer dans la rue le 4 décembre.
5) Dans toute la France, les étudiants avec les lycéens diront:
– égalité de tous devant le droit aux études, inscription de tous les bacheliers dans la filière de leur choix, libre inscription en licence des titulaires du DEUG et du DUT, maintien sans équivoque des diplômes nationaux, .
– droits d’inscription non prohibitifs fixés nationalement et sans fourchette,
– égalité des étudiants français et étrangers,
– réengagement financier de l’État dans les CROUS et à l’université, notamment par la réunion du collectif budgétaire,
– remise en cause des applications anticipées du projet de loi Devaquet,
– maintien du statut des étudiants salariés et non bacheliers.
6) Une coordination nationale des universités en grève se réunira jeudi 4 décembre, après la manifestation, pour faire le point.
Samedi 6 décembre, une nouvelle réunion de la coordination nationale décidera de la suite du mouvement.
Ce texte a été adopté par 331 voix pour, 8 voix contre et 6 abstentions par la coordination nationale réunie le 2 décembre 1986 à la faculté de Jussieu.
BUREAU DE LA COORDINATION 5 DECEMBRE 1986
COMMUNIQUÉ DU BUREAU DE LA COORDINATION NATIONALE, 5 DÉCEMBRE, 15 H
1) Le bureau de la coordination constate que le gouvernement a pris la responsabilité de se heurter violemment au mouvement étudiant. Après la répression, voici la dénonciation.
2) Nous tenons à rappeler que David Assouline a été mandaté par la coordination nationale du 2 décembre à Jussieu, comme membre du bureau de la coordination. De plus, il a été mandaté par la délégation reçue par M. Monory pour le compte rendu de délégation. Il a respecté son mandat.
3) Pour nous, il n’y a pas d’« étoile jaune» entre les étudiants. Chacun a ses idées et elles sont personnelles.
4) Nous nous élevons contre la manœuvre du gouvernement visant à diviser le mouvement étudiant en s’attaquant à certains des représentants élus.
COORDINATION NATIONALE 6 DECEMBRE 1986
Motion unitaire votée le 6 décembre par la coordination nationale
- La coordination nationale des universités en grève et en lutte, réunie le samedi 6 décembre 1986 au soir, constate que les manifestations du 4 décembre 1986 ont permis à toute une génération de descendre dans la rue pour demander le retrait total et définitif du projet Devaquet- Monory.
- Mais, à ces manifestants pacifiques, le gouvernement a décidé d’opposer la répression policière. Il porte, seul, la responsabilité de tous les incidents qui ont pu s’ensuivre.
- Aujourd’hui, la jeunesse est en deuil. Malik, étudiant de vingt-deux ans, a été sauvagement assassiné par les policiers. Plus que jamais, le mouvement étudiant ne doit faire qu’un seul bloc.
- Dès lundi 8 décembre 1986, dans toute la France, la jeunesse en deuil manifestera dans le calme et le recueillement. Pendant une semaine, la jeunesse aura un brassard noir en signe de deuil. La coordination nationale lance un appel solennel à toute la population pour que mercredi 10 décembre 1986( jour de réunion du Conseil des ministres) elle manifeste à travers tout le pays son indignation face à la répression, et sa volonté de voir retiré définitivement le projet Devaquet Monory dans son entier.
Le bureau issu de la coordination nationale reçoit de celleci le mandat pour rencontrer les directions nationales des organisations syndicales, associations et organisations démocratiques afin de les inviter :
1) à soutenir formellement le mouvement étudiant contre le projet Devaquet- Monory,
2) à appeler à la grève générale et à manifester partout en France, le mercredi 10 décembre 1986, en soutien du mouvement et contre la répression.
La coordination nationale par ailleurs rappelle que beaucoup d’écoles ne sont pas sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale. Les écoles sont aussi concernées par la loi Devaquet Monory. La coordination nationale soutient ces écoles et mettra tout en œuvre au niveau des autorités concernées afin qu’elles ne soient pas sanctionnées et que leurs revendications soient écoutées.
- Le bureau de la coordination nationale demande que lui soit attribué à la télévision un droit de réponse à l’intervention télévisée de M. Monory. La coordination nationale demande la constitution d’une commission d’enquête indépendante, formée d’universitaires, d’avocats ( … ) sur les événements survenus depuis le jeudi 4 décembre au soir. La coordination nationale appelle à l’organisation d’une collecte dans toute la France afin que les sommes réunies soient versées aux étudiants et lycéens blessés qui pourraient avoir des problèmes avec leur assurance.
- La coordination nationale s’adresse à la conférence i permanente des présidents d’université pour étudier les modalités de report, d’aménagements du contrôle continu et 1 des examens. Par ailleurs, les assemblées générales d’universités doivent travailler dans ce sens pour que l’ensemble des étudiants ne soit pas pénalisé.
- Il y a, plus que jamais, dans notre lutte, la défense des principes des droits démocratiques. Ceci est indispensable dans la poursuite du combat pour l’égalité de tous devant le droit aux études. En conséquence, la coordination nationale réaffirme la nécessité ardente de poursuivre les actions selon les formes décidées par les AG, pour le retrait total et définitif du projet Devaquet- Monory. La diversification des types de lutte peut nous amener à envisager des actions nouvelles comme par exemple : que chacun écrive tous les jours à Matignon, qu’on fasse signer par toute la population des pétitions contre la répression et pour le retrait du projet, d’envoyer massivement lettres, télégrammes, colis vides au ministère de l’Éducation nationale – qu’on peut submerger d’appels téléphoniques -, de faire s’inscrire de façon massive les jeunes sur les listes électorales, de demander de retirer l’argent des comptes bancaires, d’échanger sans arrêt des chèques d’un montant dérisoire pour bloquer les banques, de diffuser largement des journaux étudiants, etc.
La coordination nationale appelle les étudiants qui ont tous des idées sur le fonctionnement et les missions de l’université à élaborer des propositions en vue d’une synthèse future pour étudier des perspectives pour l’université de demain. De plus, la coordination nationale condamne toute association ou faculté qui rencontrerait le gouvernement en dehors du mouvement (point 3 de la motion du 2 décembre 1986 de la 1ère coordination nationale). Elle réaffirme le point 5 de la motion du 2 décembre 1986, en ajoutant à son alinéa 7 les mots: « Dans la sécurité sociale étudiante » ; et en ajoutant un alinéa l’ disant : « Maintien de la représentation étudiante dans les conseils d’université. »
Rectificatif du point 5 de la motion du 2 décembre 1986 :
« Dans toute la France, les étudiants avec les lycéens diront :
« – égalité de tous devant le droit aux études,
« – inscription de tous les bacheliers dans la filière de leur choix,
« – libre inscription en licence des titulaires du DEUG et du DUT,
« – maintien sans équivoque des diplômes nationaux,
« – droits d’inscription non prohibitifs fixés nationalement et sans fourchette,
« – égalité des étudiants français et étrangers,
« – réengagement financier de l’État dans les CROUS, à l’université, et dans la sécurité sociale étudiante, notamment par la réunion d’un collectif budgétaire,
« – remise en cause des applications anticipées du projet de loi Devaquet,
« – maintien du statut des non-bacheliers et des étudiants salariés,
« – maintien de la représentation étudiante dans les conseils d’université. ))
- Nous demeurons pacifiques, c’est là ce qui fait la crédibilité et la force de notre mouvement.
- Nous sommes par-dessus tout unis. Notre détermination est intacte.
- Nous obtiendrons le retrait total et définitif du projet Devaquet- Monory. De ce projet, en effet, nous ne contestons pas quelques points isolés, mais la logique générale.
COORDINATION NATIONALE 6-7 DECEMBRE 1986
APPEL : Appel à toute la population, appel aux parents et aux enseignants
Le jeudi 4 décembre, un million d’étudiants et lycéens manifestaient dans le calme et la bonne humeur à Paris, pour exiger le retrait du projet Devaquet.
- Monory et Devaquet ont opposé un refus à la délégation d’étudiants et lycéens représentant la manifestation. M. Monory avait toutes les possibilités pour satisfaire les aspirations de la jeunesse ; il a laissé passer une chance de dialogue. TI n’a répondu que par le mépris et la répression.
Jeudi 4 décembre, des dizaines d’étudiants ont été blessés, dont trois grièvement.
Samedi 6 décembre, entre a h 30 et 2 h 00, notre copain Malik, de Dauphine, est mort.
Un million n’a pas suffi. Face à la répression, face à l’entêtement du gouvernement, la coordination nationale des étudiants lance un appel aux parents, aux enseignants, à toute la population. A la violence policière, les étudiants répondent dans le calme en poursuivant la grève générale des universités jusqu’au retrait total du projet Devaquet-Monory. Nous demandons que les coupables de cette violence soient jugés et sanctionnés. Tout doit être mis en œuvre pour que la répression cesse, pour que le gouvernement réponde aux aspirations de toute la jeunesse. Nous appelons l’ensemble des ORGANISATIONS SYNDICALES à nous rejoindre dans l’action en organisant une GRÈVE GÉNÉRALE DANS TOUT LE PAYS, le 10 décembre pour dire :
– retrait du projet Devaquet, – non à la répression,
– défendons tous ensemble la liberté de manifester.
Ensemble, par la solidarité et dans l’unité, faisons céder le gouvernement.
COMMUNIQUE Communiqué adopté par la coordination nationale dans la nuit du 6 au 7 décembre
La coordination nationale réunie ce soir à Jussieu vient d’apprendre par la radio et par des journalistes que des groupes n’ayant rien à voir avec le mouvement étudiant agissent dans le Quartier latin. Pillage des magasins, incendies, actes de vandalisme. Ces agissements n’ont rien à voir avec le mouvement pacifique, qui pendant quinze jours a prouvé son calme, sa sérénité face quelquefois à des événements d’une extrême gravité. A cette heure, les forces de l’ordre ne semblent pas être intervenues. Nous n’accepterons pas que quatre heures après la mort de Malik, notre mouvement soit entaché par ces agissements. Nous appelons chacun à garder son calme et condamnons tous les pillages et les actes de vandalisme .
Le 7 décembre, 1 h.
BUREAU DE LA COORDINATION 8 DECEMBRE 1986
COMMUNIQUÉ DU BUREAU DE LA COORDINATION (lundi 8 décembre, 15 h 30)
Le bureau de la coordination prend acte de la déclaration de M. Chirac annonçant le retrait du projet Devaquet. Si jeudi soir, M. Monory nous avait annoncé cela, il y aurait eu une immense fête de la jeunesse place des Invalides. TI a préféré nous traiter d’irresponsables fermés au dialogue. Aujourd’hui, toute la population voit clairement qui ont été les irresponsables.
C’est donc avec joie que nous accueillons cette victoire du mouvement étudiant et lycéen, mais aussi avec amertume car le sang a coulé, et maintenant, entre nous et M. Monory, reste une tache de sang. Les déclarations guerrières et racistes de M. Pasqua dimanche soir ne font que confrrmer ce sentiment.
Toute la jeunesse dit ce matin: « Plus jamais ça ! )) Elle veut à cet effet qu’une commission d’enquête indépendante soit constituée, que toute la lumière soit faite sur les responsables de cette répression, qu’ils soient trouvés et punis. Ceci mérite que toute la population reste mobilisée, c’est pourquoi nous maintenons notre appel à la population pour la grève générale mercredi et des manifestations ce jour dans toutes les villes de France à 14 h selon les modalités annoncées demain matin à 10 h.
Nous restons unis avec les lycéens qui exigent l’abandon du projet Monory concernant l’Éducation nationale, et restons vigilants par rapport à tout autre projet concernant l’université. Les AG d’université décideront dès demain de la réaction globale que les étudiants apporteront à la situation. La coordination nationale des universités est donc maintenue jeudi à 15 h à Jussieu pour synthétiser ce qu’auront décidé l’ensemble des AG.
Le bureau de la coordination dédie cette victoire et la journée de mercredi à Malik et à toutes les victimes de la répression policière: c’était le meilleur hommage qu’on pouvait leur rendre : gagner sur le retrait total du projet Devaquet.
BUREAU DE LA COORDINATION 9 DECEMBRE 1986
COMMUNIQUÉ DU BUREAU DE LA COORDINATION (mardi 9 décembre, 10 h du matin)
Le projet Devaquet a été retiré. li n’y aura pas de projet Monory. Après l’explosion de joie, c’est l’amertume et l’aigreur.
Malik a perdu la vie … La matraque, les blessés …
Si le bureau de la coordination nationale a décidé de maintenir la journée de mercredi, c’est pour exprimer dans le plus grand calme l’idée suivante:
PLUS JAMAIS ÇA !
Plus jamais de projet Devaquet ou un projet sauce Devaquet. Plus jamais de répression, morts et blessés, lorsque la jeunesse manifeste dans le calme et la sérénité pour son avenir.
Nous sommes conscients de la responsabilité que nous prenons en appelant à cette manifestation.
Certains, au gouvernement et ailleurs, désireraient voir dégénérer notre mouvement au moment où nous venons de gagner sur le retrait total et définitif du projet Devaquet. Cette manifestation doit se dérouler dans le calme et le silence.
- En tête de manifestation: une banderole noire, des photos de Malik.
- Un carré de tête, puis: les familles des victimes, la coordination étudiante, la coordination lycéenne, la communauté universitaire, les personnalités (responsables syndicaux).
- Un badge: « Plus jamais ça ! »
- Parcours: Denfert (Cochin), boulevard Arago, boulevard Saint-Marcel, boulevard de l’Hôpital, pont d’Austerlitz, boulevard Diderot, Nation. Départ: 14 h.
- Fin de manifestation : prise de parole des familles des victimes, commission d’enquête, messages, intervention du bureau de la coordination nationale, dissolution.
- En organisant de telles manifestations, nous considérons que l’ensemble des organisations syndicales peuvent appeler à la grève générale, soutenir et participer à la manifestation. Par conséquent, nous leur lançons de nouveau appel.
La direction de la manifestation est confiée aux quatorze membres du bureau de la coordination nationale. Un conseiller technique les assistera.
COORDINATION NATIONALE 11-12 DECEMBRE 1986
Motion de l’assemblée générale nationale du 11-12 décembre
Le mouvement de grève générale dans l’université avec les lycéens a atteint le but qu’il s’était fixé, c’est-à-dire le retrait du projet Devaquet. Les cours ont repris, les comités de grève sont dissous de fait, la coordination nationale est dissoute à compter de ce jour en lançant ce dernier appel. Hier encore à plusieurs centaines de milliers de personnes nous disions :
« Plus jamais ça ! » Cela veut dire que les étudiants restent vigilants:
1) par rapport à la répression policière, en soutenant la création d’une commission d’enquête afin de faire la lumière sur les violences policières, et de trouver tous les coupables pour qu’ils soient condamnés,
2) par rapport à toutes tentatives de réforme ou de décret ou de quoi que ce soit allant dans le même sens que ce qui vient d’être retiré,
3) la coordination nationale propose la réunion d’états \généraux courant mars 1987 préparés localement dans des formes à définir dans chaque université, grandes écoles et écoles ne relevant pas du ministère de l’Éducation nationale.
La base minimale de discussion pour les états généraux est constituée par les dix points votés à la dernière assemblée générale de la coordination nationale. Aucune concertation au nom de tout le mouvement étudiant n’est possible avant les 1tats généraux.
Les états généraux nationaux se réservent la possibilité de préparer des états généraux européens.
Ce seront des états généraux de l’enseignement supérieur.
Il est clair que pour nous tout n’est pas fini, et si ça recommence on ne repartira pas de zéro .
« PLUS RIEN NE SERA COMME AVANT »
10 DECEMBRE 1986
Discours de David Assouline et Sylvia Zappi en conclusion de la manifestation du 10 décembre, au nom de la coordination nationale
3Cette manifestation gigantesque est le meilleur hommage que l’on pouvait rendre à Malik.
Avoir gagné sur notre revendication de retrait total du projet Devaquet est le meilleur hommage que l’on pouvait rendre à Malik.
Pour lui et pour notre averur nous disons tous : « Plus jamais ça ! »
Plus jamais de répression policière quand la jeunesse manifeste dans le calme et la détermination pour son avenir.
Plus jamais de matraquages, de violences, de jeunes blessés, mutilés, tués, pour la seule raison d’avoir exigé leur juste droit, en utilisant un autre droit fondamental: celui de manifester.
Plus jamais de mépris quand un million de jeunes refusent une loi inégalitaire.
Plus jamais de campagne d’intoxication, de calomnies, de discrédit sur un mouvement de masse de la jeunesse qui a montré son indépendance, son auto-organisation démocratique, sa responsabilité, sa détermination à gagner dans l’unité jusqu’au bout.
Aujourd’hui, c’est donc toute la population qui s’est sentie concernée et pour ne pas oublier, elle dit avec nous : il faut une commission d’enquête indépendante afin de faire la lumière sur les responsabilités dans cette répression, pour trouver et punir les responsables. Elle dit avec nous: « Liberté de manifester et de revendiquer. »
Car enfin, que demandions-nous? L’accès libre à l’université pour tous les bacheliers dans l’université de leur choix. Le refus de la sélection, et de cette sélection sociale par l’argent et de la soumission de l’université aux lois du marché. En une phrase: nous défendions et défendrons l’égalité de tous devant l’enseignement.
C’est pourquoi nous sommes restés unis jusqu’au bout avec .! les lycéens contre le projet de réforme Monory. On nous a proposé une « réécriture », comme si un million de jeunes se déplaçaient à l’Assemblée nationale pour un défaut de compréhension d’écritures ;
Alors nous avons dit « Non ! » Nous avons demandé le retrait, tout le retrait, rien que le retrait du projet Devaquet. Le gouvernement a donc pensé pouvoir pourrir notre mouvement en y introduisant la violence, les blessés, en lâchant sur les jeunes la police: Malik y est resté.
Montrant encore notre responsabilité, nous avons répondu par la poursuite de notre mouvement organisé, revendicatif,sans entrer sur le terrain où on voulait nous entraîner. Nous avons gagné, cela nous ne l’oublierons jamais. Notre génération entière restera marquée par cette victoire et envisage la lutte pour son avenir avec optimisme. Comme sont loin dans nos têtes et proches dans le temps les sondages superficiels, les déclarations sur la « bof génération », sur la génération Tapie, sur la jeunesse individualiste et résignée. Et nous savons que grâce à notre force, bien d’autres projets sensibles pour la jeunesse ont été remis aux calendes grecques. Et les milliers de messages de solidarité reçus nous donnent la certitude que toute la population saura comprendre et tirer les enseignements de ce qui s’est passé.