D. Tartakowsky Les droites et la rue, histoire d’une Ambivalence de 1880 à nos jours, Paris, La Découverte, 2013, 221 p., 18 Euros.
Spécialiste des manifestations de rue, Danielle Tartakowsky revisite ici le rapport des droites à la rue. L’occasion en a été bien sûr fournie par la « Manif pour tous » de 2013. D. Tartakowsky montre que la droite a longtemps été prédominante dans les manifestations de rue depuis que celles-ci se sont institutionnalisées dans les années 1880. Puis l’opprobre jetée sur le 6 février 1934 vu comme une tentative de coup de force fasciste, a freiné les ardeurs et fait perdre à la droite la mémoire de ses traditions manifestantes. Au moins jusqu’à la grande manifestation gaulliste du 30 mai 1968 de la place de la Concorde à celle de l’Etoile. Depuis, la défense de l’école privée a suscité en 1984 le retour de grandes manifestations de droite s’appuyant sur l’opinion catholique. Minutieuse, factuellement exhaustive, l’étude de D. Tartakowsky est riche en analyses des formes des manifestations, comme de leurs significations symboliques. On se bornera pour les Cahiers du Germe à souligner la part importante faite aux manifestations étudiantes. Celles-ci sont héritières à la fin du XIXe siècle des cortèges rituels (Saint Charlemagne, Mardi Gras, fin des examens…), et le sens non mathématique des « monômes « est relevé dès 1879 par le Dictionnaire Historique de la Langue Française ; jouissant d’une certaine tolérance policière, du moins tant qu’elles ne s’éloignent pas trop du Quartier latin, elles sont prises en charge et politisées par les mouvements nationalistes étudiants, au point de constituer la majorité des rassemblements répertoriés dans la capitale jusqu’en 1914. Face à quoi, la gauche étudiante hésite à user de la rue. La situation n’et pas très différente au lendemain de la Grande Guerre, et l’auteure rappelle les actions de rues, principalement menées par l’Action Française, à l’encontre d’universitaires symboliques de la République, Scelle en 1926, Jèze en 1935, sans oublier les incessantes manifestations des étudiants de l’Action Française dans les semaines précédant le 6 février 1934, où il y eut au moins un étudiant parmi les morts de l’émeute.
A.Monchablon