La thèse de troisième cycle en lettres et sciences humaines (1958-1984)

diplomeA côté du doctorat de 1808 (la fameuse « thèse d’Etat), le doctorat de troisième cycle est crée en 1954, en tant que « doctorat de spécialité » (doctorat de 3ème cycle) dans les facultés de sciences, puis dans les facultés de lettres en 1958 et enfin dans les facultés de droit et sciences économiques en 1963.

En lettres et sciences humaines.

C’est le décret du 19 avril 1958,  (Journal officiel du 26 avril 1958, p 4061)  modifié le 7 décembre 1964 qui dispose que « les conférences et travaux pratiques destinés à donner aux étudiants des connaissances approfondies dans une spécialité et à la former au maniement des méthodes de recherche sont aménagés en un troisième cycle d’enseignement qui prolonge le cycle préparant au certificat d’études littéraires générales et le cycle préparant à la licence. »

L’accès y est subordonné à la détention de la licence ès lettres – elle est au niveau « bac+3 », la maîtrise n’existe pas avant 1966. La durée du troisième cycle est d’au moins deux années. Les étudiants de troisième cycle doivent participer aux activités d’un groupe de travail placé sous le contrôle d’un directeur de recherches. Pour s’inscrire en deuxième année, l’étudiant doit soumettre à son directeur de recherche ainsi qu’à un autre directeur désigné par le doyen un rapport sur le travail accompli au cours de la première année et faire preuve, dans une interrogation orale et des exercices pratiques, d’une initiation suffisante aux techniques de recherche propres à la spécialité qu’il a choisie. Le DES (diplôme d’études supérieures) de lettres peut dispenser de la première année et du premier examen.

À partir de la fin de la deuxième année, le candidat peut soutenir une thèse en vue d’obtenir un doctorat défini par une spécialité déterminée par le jury d’examen et figurant dans une liste fixée pour chaque faculté des lettres par arrêté du ministre de l’Education nationale. Le candidat peut utiliser le résultat de recherches antérieurement effectuées en vue de l’obtention d’un autre diplôme. Les trois membres du jury, sous la présidence du professeur de faculté des lettres le plus ancien, se réunissent en vue d’établir un rapport commun; après avoir invité le candidat à présenter oralement des explications complémentaires, ils prononcent l’admission ou l’ajournement; ils peuvent déclarer que la thèse mérite d’être tenue pour équivalente à une thèse complémentaire de doctorat ès lettres.

En 1966 ; pour les facultés de lettres et de sciences, la réforme Fouchet (1966) place le troisième cycle à la suite de la maîtrise (quatre années d’études), comportant un diplôme d’études approfondie (DEA) en un an en sciences d’abord, puis étendu à toutes les filières en 1973 et 1974, et un doctorat de troisième cycle en un ou deux ans avec une thèse de troisième cycle (décret 67-689). Le troisième cycle est ouvert aux titulaires d’une maîtrise des facultés des lettres et sciences humaines, mais également aux titulaires d’une maîtrise des facultés des sciences ou d’une licence des facultés de droit et des sciences économiques.

On pouvait être assistant titulaire, comme ensuite maître assistant, tout en préparant un doctorat (de 3° cycle ou d’Etat), La distinction entre le doctorat de troisième cycle et le doctorat d’Etat tenait en ce que c’est ce dernier qui permettait au bout de longues années (parfois « couronnant » une carrière) d’accéder au rang de professeur des facultés.

Sous l’empire de la Loi Faure

La loi Faure (loi d’orientation de l’enseignement supérieur de 1968) ne modifie guère ce système,  l’article 20 est une disposition générale concernant l’ensemble des doctorats de toutes les disciplines : « Les titres de docteur sont conférés après la soutenance d’une thèse ou la présentation en soutenance d’un ensemble de travaux scientifiques originaux. Cette thèse et ces travaux peuvent être individuels ou, si la discipline le justifie, collectifs, déjà publiés ou inédits. Dans le cas où la thèse ou les travaux résultent d’une contribution collective, le candidat doit rédiger et soutenir un mémoire permettant d’apprécier sa part personnelle. »

La réglementation des doctorats ès sciences, ès lettres et en droit évolue avec l’arrêté du 16 avril 1974 concernant le doctorat d’État. Les doctorats des disciplines de santé sont cependant restés régis par des textes séparés jusqu’en 1984. Pour le doctorat de troisième cycle (JORF du 2 mai 1974, p 4670 et suivantes) il dispose : une durée de deux ans minimum et trois ans maximum (article 5); les candidats doivent justifier d’un diplôme de fin de deuxième cycle du niveau de la maîtrise, et il peut y avoir des demandes de dérogation individuelle pour ceux qui ne possèdent pas les titres requis mais «justifient de titres et travaux d’un niveau comparable », le président ou le directeur de l’établissement statuant après avis «du conseil scientifique ou d’une commission équivalente (article 6); la préparation de la thèse de troisième cycle est sanctionnée à la fin de la première année par un DEA (diplôme d’études approfondies) avec un jury composé de trois membres (article 7). Ce DEA comprend des enseignements théoriques, une initiation à la recherche. Il n’y a pas de mémoire obligatoire, les modalités du contrôle de connaissances sont fixées par l’établissement sur proposition du conseil scientifique.

Une dispense de première année peut être accordée par le président ou le directeur de l’établissement sur proposition du responsable de la formation, ce après avis du conseil scientifique ou d’une commission équivalente. Cette dispense exceptionnelle concerne les candidats dont « les titres et travaux attestent des connaissances et une initiation aux techniques de recherche équivalentes à celles sanctionnées par le diplôme d’études approfondies » (article 8).

L’article 10 traite de la soutenance, dont le jury d’au moins trois personnes, ainsi que son président, sont nommés par le président ou le directeur de l’établissement. La soutenance est publique. Après la délibération, le président du jury établit un rapport de soutenance signé par l’ensemble des membres du jury.

La fin de la dichotomie doctorat d’Etat/ doctorat de 3ème cyle : la Loi Savary.

A la suite de le loi Savary de réforme de l’enseignement supérieur publiée au JORF le 27 janvier 1984, le doctorat fait l’objet d’une réforme profonde en 1984. « Article 16 – Le troisième cycle est une formation à la recherche et par la recherche, qui comporte la réalisation individuelle ou collective de travaux scientifiques originaux. Il comprend des formations professionnelles de haut niveau intégrant en permanence les innovations scientifiques et techniques. Le titre de docteur est conféré après la soutenance d’une thèse ou la présentation d’un ensemble de travaux scientifiques originaux. Cette thèse ou ces travaux peuvent être individuels ou, si la discipline le justifie, collectifs, déjà publiés ou inédits. Dans le cas où la thèse ou les travaux résultent d’une contribution collective, le candidat doit rédiger et soutenir un mémoire permettant d’apprécier sa part personnelle. Le titre de docteur est accompagné de la mention de l’université qui l’a délivré. L’aptitude à diriger des recherches est sanctionnée par une habilitation délivrée dans des conditions fixées par arrêté du ministre de l’éducation nationale. »

Ne doit  subsister qu’un unique doctorat, le grade de docteur correspondant aux « standards » internationaux : ni thèse trop courte comme celle de 3ème cycle, ni  thèse s’éternisant. La « norme » devient celle d’une thèse soutenue trois ans après le DEA, désormais le master 2 (soit à bac + 8), même si les enquêtes attestent de la difficulté à tenir ces délais, notamment pour les non boursiers ou non allocataires.  Le decret du 5 juillet 1984 (84-573, JORF du 7 juillet 1984 p. 2141) dresse une liste des diplômes de l’enseignement supérieur, et pour ceux supprimés (dont le doctorat de troisième cycle) il renvoie au ministre le soin de fixer les dispositions transitoires. C’est l’objet de l’arrêté interministériel publié dans le même JORF« Les candidats inscrits à la date de publication du présent arrêté en vue de l’obtention du doctorat de 3e cycle, du diplôme de docteur-ingénieur, du doctorat de 3e cycle dans les disciplines pharmaceutiques ou du doctorat de 3e cycle en sciences odontologiques pourront choisir : Soit de poursuivre la préparation de leurs travaux et de les soutenir dans les conditions prévues par les textes en vigueur antérieurement à la date du présent arrêté ; Soit de transformer leur inscription et de s’engager dans la préparation du doctorat défini par le présent arrêté ». Le « doctorat nouveau régime » comme l’on disait alors attend un peu de se mettre en place les étudiants engagés dans une thèse de troisième cycle pouvant évidemment l’achever et la soutenir. Ainsi,par exemple, on compte en consultant la base de données SUDOC une soixantaine de thèses de troisième cycle soutenues en sociologie à l’Université de Paris 7 de 1985 à 1991.

L’unification des doctorats était également liée à la modification du statut des enseignant-chercheurs. Désormais après 1984 pour accéder à un nouveau corps, celui des maîtres de conférences, c’est la thèse « nouveau régime » qui est devenue la référence . Face aux craintes de professeurs, comme de l’Académie des sciences quant à la qualité des thèses, est créée à côté du doctorat reconnaissant les qualités de chercheur,  un nouveau titre, l’habilitation à diriger les recherches (HDR), qui permet de diriger des travaux de recherche et d’accéder au grade de professeur (cf. Jacques Minot (dir), p 75).

Pour aller plus loin

– sur la réforme de 1984, Jacques Minot (dir), Les universités après la loi sur l’enseignement supérieur du 26 janvier 1984, Berger Levrault, Nancy, 1984,

– sur l’actualité(avec souvent des retours sur l’histoire) de l’enseignement supérieur, l’excellent blog : http://blog.educpros.fr/pierredubois/

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