Olivier Spitakis, Tout sur la MNEF; Eric Decouty, Les scandales de la MNEF, la véritable enquête; Jean-Christophe Cambadelis, Le chuchotement de la vérité
La MNEF est morte, mais alors même que les opérations de liquidation de la succession en faveur de la ME (Mutuelle des Etudiants) ne sont pas achevées, règne une intense activité éditoriale.
SPITAKIS, Olivier,Tout sur la MNEF, Editions n° 1, 2000.
A peine mis en liberté sous caution, c’est le livre d’Olivier Spitakis qui jouit d’une grande publicité, avec des passages radio et télévision de l’auteur de Tout sur la MNEF (Edit. N° 1).
Laissons de côté une bonne partie concernant le dossier «affaires», en soulignant qu’Olivier Spitakis a un argument fort, puisqu’il se situe dans le cadre du fonctionnement d’une entreprise privée dans une période de «restructurations» du secteur public ou la frontière public/privé se déplace vers le second pôle. Et de ce point de vue, effectivement, il se comporte comme n’importe quel chef d’entreprise : recrutant son personnel parmi ses connaissances qu’il estime les plus compétentes, comparant son salaire avec celui de ses autres homologues, investissant pour améliorer la situation financière de l’entreprise. De telles pratiques «sont banales dans le monde de l’entreprise dont fait partie celui des sociétés mutualistes. Nul n’est censé ignorer la loi, et encore moins celle du marché» (p.17). Rajoutons que nul n’est obligé de s’y plier sans tenter de la combattre. Mais il y a effectivement tartufferie quand certains reprochent des dérives qu’ils ont eux-mêmes encouragées, couvertes, voire pratiquent dans leurs propres entreprises, fussent-elles également des mutuelles. Tout ceci ne fait que rendre urgente la réflexion sur la manière dont le pouvoir peut être effectivement exercé par les mandants (sociétaires, adhérents et conseils d’administration) sur des organismes dont la gestion est confiée à des directeurs. Car, nous nous permettons d’insister, de l’absence de contrôle démocratique naissent secrets, et donc les conditions propices au passage de phénomènes sociologiques (bureaucratie, népotisme, clanisme) à l’infraction (abus de pouvoir, de biens….).
Nous choisissons, ainsi que nous le ferons pour les deux autres livres, de nous en tenir à la dimension plus politique. Olivier Spitakis se considère partie prenante d’une «génération MNEF-UNEF […] qui a restructuré le milieu étudiant en refondant l’UNEF». Mais on sent bien à la lecture de l’ouvrage que, pour l’auteur, la MNEF (et son directeur général sortant) devait être au centre du mouvement étudiant, qu’elle «devienne une fois pour toutes la maison commune de tous les étudiants». La MNEF entendait, par exemple, quasiment se substituer (mais avec leur soutien) à un syndicalisme de services (p.80), laissant en fait aux syndicats la dimension presque exclusivement revendicative. Interlocuteur unique des pouvoirs publics en matière de jeunesse, comme lors de la mobilisation contre le CIP en 1994 sous le gouvernement Balladur (et sur la «carte jeunes»), il y a cette ambition, qui fait naître une forte confusion entre syndicat et mutuelle, et que l’on voit dès les premières pages : «au delà de mes proches ou de moi-même, c’est l’avenir de la mutualité étudiante qui est en cause. Après Mai 68, qui en fut la première, voici la deuxième mort du syndicalisme étudiant». Curieuse vision que celle de Mai 68, comme celle du syndicalisme étudiant qui a pourtant pré-existé à la mutuelle (puisqu’il l’a fondée). Il est vrai – toute une série de pages le confirme – que la mutuelle disposait de moyens de pression sur les courants et les syndicats étudiants au point de peser sur le changement de majorité de l’UNEF-ID en 1994, pour ne pas laisser l’UNEF aux rocardiens (p.94).
Une des explications les plus surprenantes des problèmes qui vont toucher la direction de la mutuelle c’est «la chute du mur de Berlin (comme) début des ennuis» (titre du chapitre p.85). La fin de la guerre froide aurait enlevé toute utilité, malgré (et grâce) «aux combats menés par toute une génération violemment anti-stalinienne «, à la MNEF qui était auparavant «destinée à maintenir un pôle de stabilité dans la jeunesse susceptible de compenser l’influence du parti communiste». Enfin, Spitakis confirme bien le tournant de 86 (moment où la majorité de l’UNEF-ID passe de l’OCI au PS) puisqu’il n’y aura plus de «tendance MNEF/PS dans l’UNEF […] de fait elle n’a plus de raison d’être».
Evidemment, la mémoire est trompeuse et il est clair que ce n’est pas en prison qu’on dispose d’une documentation permettant de tout vérifier, et qu’il faut parfois se contenter de s’inspirer de l’enquête du Monde (notamment en ce qui concerne le «Yalta» de janvier 1979). On se demande néanmoins pourquoi disparaissent, de cette réunion au siège de FO (et à laquelle Olivier Spitakis ne participait pas même si on a l’impression qu’il y est), Serge Lagauche, et Jean-Marie Leguen (p.62). Dans la même veine, la tendance à noircir le tableau de la mutuelle avant l’arrivée du sauveur est humaine. Mais de là à voir des trotskystes à la direction de la MNEF en 1969, sous la présidence de Christian Blanc, comme à détecter en 1979/1980, «différentes mouvances d’ultra-gauche au bureau national» qu’il faudra «aiguiller vers la création d’une force syndicale tant souhaitée (l’UNEF ID)», on a du mal a détecter, dans nos listes des BN de la MNEF de l’époque, de tels «ultras». Il y aurait beaucoup d’anecdotes à commenter, je me contenterai de celle concernant le 3ème cycle d’économie sociale du Mans, dans lequel étaient inscrits nombre de dirigeants de la MNEF et même de l’UNEF-ID. Le livre (p.50) le présente comme une «innovation» et une reconnaissance de l’économie sociale, alors que l’interprétation – mal intentionnée évidemment puisque émanant à l’époque de minoritaires – pouvait être celle d’une simple mesure pour favoriser l’obtention de diplômes, par la patrie reconnaissante, à des syndicalistes et mutualistes reconnus. Quoi qu’il en soit, Spitakis nous livre son sentiment : «cela fait toujours une drôle d’impression de voir certains enseignants vous demander lors des examens oraux : notez-vous, vous êtes mieux à même que nous de juger : vous vous pratiquez».
Le livre n’écarte pas des piques et des jugements personnels sans que les divergences, conflits et éloignements ne soient expliqués. Ainsi, c’est sur un ton très «paternel» qu’il s’inquiète (p.71) du «traumatisme» qu’aurait entraîné pour Jean-Christophe Cambadélis sa rupture avec le PCI, difficile arrachement à ce «qui avait fait sa jeunesse», là où nous voyons un choix politique. Il en est de même à propos d’autres personnes.
Enfin, le critère d’insertion dans la liste des «anciens responsables de la MNEF» (annexe 3) est très flou. Certains n’y ont que leur nom sans précisions, il y des membres du CA ou du BN, mais aussi de sections locales. Je remarque deux absents : tout d’abord Charles Lebert, artisan de la naissance de la sécurité sociale étudiante et de la MNEF en 1948, ensuite Pierre SICART qui dirigea la FSEF (fondation santé) avant qu’Olivier Spitakis ne lui succède. Et pourtant, ils figurent tous deux dans le Dictionnaire des 50 ans. Le mystère demeure, mais ces lapsus sont comme tous les actes manqués… des actes réussis, dont on attend néanmoins l’explication.
DECOUTY, Eric, Les scandales de la MNEF la véritable enquête, Paris, Michel Lafon, 2000.
C’est chez Michel Lafon qu’Eric Decouty, journaliste au Parisien publie Les scandales de la MNEF la véritable enquête (drôle de sous-titre, comme si des confrères en menaient de fausses?)
On n’y apprend rien de plus que dans les articles de presse, mais la collection de ces différents morceaux en un seul ouvrage, que l’on peut lire d’une traite, laisse un malaise. Il faut donc revenir sur les pages pour s’apercevoir d’abord de certaines contradictions, et d’une méthode d’exposition qui s’apparente à une vision héroïque de l’histoire. Exemple, dès 1975 «l’OCI compte dans ses rangs un leader déterminé et ambitieux qui va servir son dessein (celui de Mitterrand) en espérant gagner son propre avenir» (p.26). Il s’agit bien entendu de Jean-Christophe Cambadelis. Pour parfaire la mise en scène, ce «jeune loup» a des «allures de play boy […] bien coiffé, toujours impeccable» (pp. 28-29). Mais on apprend (p.30) qu’il ne pense probablement pas déjà à son passage au PS. Bref, dès 1975 il sait qu’il ne sait pas mais ce n’est pas grave puisqu’il sera et que s’il n’avait pas été ce qu’il est on n’en parlerait pas… C’est du Raymond Devos. Terminons sur une caractéristique de Jean-Christophe Cambadelis qui le promet à ce grand avenir : «il a la passion de la politique. Voilà qui tranche avec la moyenne des militants trotskystes» (p.29). Ah bon. Il y a des militants qui – à l’époque – s’investissent avec l’énergie qu’on sait mais qui n’ont pas cette passion de la politique…
De même, le Yalta de janvier 1979 devient le «coup d’état» et «ne reste plus aux troyskystes qu’à prendre le contrôle du grand syndicat unifié» et, en mai 1980, à sa fondation «les trotskystes s’emparent de la toute nouvelle UNEF ID». Ainsi, le lecteur moyen qui ne connaît pas la période (pas plus qu’Eric Decouty visiblement) en conclut que, par un accord secret, les «trotskystes» s’emparent, avec l’appui des socialistes, d’un syndicat qu’ils arrachent des mains de… Mais au fait, des mains de qui ? Il n’y avait pas besoin d’un accord secret pour constater que l’OCI disposait en 1978/1979 d’un nombre de militants étudiants supérieur à celui de la LCR, et bien plus encore que les étudiants socialistes. Par contre, ces négociations jouent effectivement à la marge, sur des modalités d’amplification ou de minimisation des rapports de force, comme sur des mises en scène. Ainsi, quand, en avril 1980, un CA de la MNEF, précédant le congrès de réunification, ne peut voter les hausses de cotisations, c’est tout simplement qu’une altercation oppose Marc Rosenblat et Jean-Christophe Cambadélis à Jean-Marie Le Guen et Jean-Lou Salzman, qui ne cessaient d’interrompre Julien Dray, obligeant le Président (Jean-Michel Grosz) à lever la séance. Pas besoin de connaître d’accord secret, la pièce se jouait devant tout le monde puisqu’une fois la séance close (à la suite de l’intervention de Julien Dray nous dit le PV), les quatre protagonistes vont boire un coup ensemble. Cela empêcha t’il le vote des hausses au CA suivant durant les vacances par la majorité du CA ? Non. Mais le congrès de réunification était passé. Et dire de ce congrès : «Nanterre est avant tout le résultat de jeux politiques souterrains», c’est ignorer que les enjeux politiques étaient tout sauf souterrains, et qu’au cours de ces premiers mois de 1980, dans la plupart des courants, les militants discutaient, et qu’à plusieurs reprises le processus d’unification MAS / UNEF-US a été sur le point d’être rompu. Heureusement que les accords secrets ne prévoient pas tout (surtout s’ils sont secrets, ils ne peuvent être connus et il peut donc y avoir d’autres accords secrets, l’ensemble pouvant s’annuler).
De même, la fameuse intervention de Jean-Michel Grosz au congrès de 1980 n’avait rien d’un «aveu» honteux puisque c’est tout a fait officiellement qu’UNEF ID et MNEF décidaient de renouer avec la tradition ancienne où des membres du BN de l’un assistaient aux BN de l’autre. Evidemment, la situation était différente entre le moment où il y une seule UNEF et celle de 1980.
Autre exemple d’incompréhension : «pour les leaders étudiants des années 70 l’avenir politique ne passe en revanche ni par la mutuelle, ni par le syndicalisme […] la gestion de la MNEF et la protection sociale des étudiants ne figurèrent plus guère parmi leurs préoccupations» (p.41)… Mais – à part quelques individus passionnés par cette gestion et la protection sociale – la majorité des syndicalistes (et ce depuis la fondation de la MNEF) n’a jamais eu ces préoccupations comme souci prioritaire. Là encore, on ne peut pas perdre ce qu’on n’a jamais eu…
Comment croire que François Mitterrand «sait que sa marche au sommet de l’Etat ne se fera pas sans le contrôle du monde étudiant»… Ah bon ! 800 000 étudiants à l’époque empêcheraient Mitterrand d’être Président ? Et pourquoi pas 2 millions d’agriculteurs? De même, dire (p.63) que la diversification de la fin des années 1980 va aboutir à la «mise en place d’une fondation santé», alors qu’elle existe depuis 1923, est un élément parmi d’autres qui peut jeter le discrédit sur d’autres éléments. Quel besoin de décrire Jean-Christophe Cambadelis rongeant son frein dans «les sous-sols d’une OCI de plus en plus paranoïaque» (p.44) pour parler des contradictions de plus en plus grandes entre la surface ouverte par l’action syndicale et celle – beaucoup plus restreinte – d’une petite organisation politique (contradiction qui existe également dans d’autres mouvements, y compris au PCF).
Laisser sous-entendre (p.251) que Jacques Delpy est une créature d’Olivier Spitakis sans le dire («ce n’est pas un proche de Spitakis, (mais) il va se garder de démanteler les structures qu’il a mises en place»), quitte à expliquer, quand on tourne la page, «et ce n’est pas la suppression par Delpy de plusieurs filiales qui peut désormais empêcher l’inexorable descente aux enfers» (p.265) n’est ni clair, ni très honnête. Evidemment, le lecteur se dira qu’avec Jacques Delpy, trésorier de l’association des anciens de l’UNEF, qui «connaît tous les rouages de la mutuelle», tout est imaginable. Mais pour qui fréquente régulièrement les Anciens de l’UNEF, (anciens d’avant la scission de 1970 – mais cela Eric Decouty ne le dit pas, il n’a sans doute pas cherché à le savoir), cette vénérable assemblée est tout sauf une pieuvre tentaculaire. On y mange bien, on y travaille parfois sur certains sujets, j’en suis témoin. Quant à penser qu’entre Pouria Amirshahi et jacques Delpy «le courant passe très bien, au point que le vieux monsieur un peu hautain, se laisse gentiment tutoyer par ce «gamin» d’Amirshahi, le Président de la Mutuelle qui a très vite gagné sa confiance» (p.269), on laissera à l’historien le soin d’interpréter les discussions de fond qui ont eu lieu entre eux, le tutoiement étant plutôt facile dans le milieu militant, même entre adversaires.
Beaucoup d’éléments sont ainsi mélangés, présentés (ou plutôt «mis en scène») d’une manière certes attractive, mais qui n’apporte rien, sinon de la confusion (qu’on écrive plutôt un roman policier, «meurtres à la MNEF» ou alors qu’on mène une véritable enquête sans mélanger les genres).
On apprend qu’à «la fin des années quatre-vingt, tous les anciens gauchistes étudiants sont installés dans des fauteuils de notables». Il y avait donc décidément peu de «gauchistes «. Des chiffres, des noms… Les cabinets ministériels «remplis» d’anciens de l’UNEF-ID ou de la MNEF ? Reprenons les noms de tous les conseillers dans les ministères et on verra qu’il y a plus d’énarques ou de membres des partis de gauche, qui ne sont pas passés par des responsabilités au sein des syndicats ou de la mutuelle étudiants. Et la proportion est encore moindre à l’assemblée nationale. Ce qui rejoint d’ailleurs le type de résultats obtenus pour l’UNEF des années 50 et 60 (voir contributions de Didier Fischer et Alain Monchablon au colloque de Nanterre en mai 2000).
Tout comme Nathanael Herzberg dans Le Monde, Eric Decouty parle de «génération MNEF». En fait, l’enquêteur reprend à son compte, sans s’interroger, la notion de génération qu’Olivier Spitakis, ou Jean-Christophe Cambadelis (mais chacun avec son langage), construisent pour légitimer leur propre trajectoire de représentants d’une génération. C’est la discussion de fond qu’ouvre bien plus sérieusement le livre de Jean-Christophe Cambadélis.
Jean-Christophe Cambadelis, Le chuchotement de la vérité…
Ce livre – à la différence des deux autres – ne se présente ni comme une menace de règlement de comptes (dans tous les sens de l’expression), ni une comme une enquête objective. Sa prétention se limite à raconter un itinéraire (parfois en confession comme le laisse entendre le « chuchotement»). Mais c’est justement le passage à d’autres genres : essai, étude, message politique, qui est à la source d’une quantité importante d’erreurs. La plupart paraissent mineures, même si l’interrogation subsiste sur certaines d’entre elles (et sur certains silences). On ne sait pas toujours si le «nous» est un nous qui représente la «génération», l’organisation (politique, syndicale), un groupe d’individus (mais alors, lesquels) ou un «je», d’autant que si l’auteur peut témoigner de ce qu’il a personnellement vécu, il y a d’autres moments qu’il narre comme s’il en avait été acteur ce qui est parfois faux. Par exemple en ce qui concerne les lycéens dans les mouvements de 1971 ou 1973, c’est du «seconde main» (entendu lors d’une réunion de compte-rendu, raconté par un des acteurs…). Ecrit à la hâte, sans grand souci de vérifications, n’oublions pas qu’il s’agit avant tout du livre d’un homme politique, et c’est bien ainsi qu’il se présente. Il y a un effort particulier pour laisser la place à la plupart des personnes et personnages, ainsi que des courants, connus ou inconnus, vivants ou disparus, ce qui change par rapport à tous ceux qui ne s’intéressent qu’au passé des illustres du moment. Cet effort lui permet en tout cas de montrer que ce qu’il appelle la «génération UNEF» est bien plus large que ne le laisse entendre la presse, et dépasse les quelques mis en examen. De mauvaises langues disent qu’il s’agit de « mouiller un maximum de monde ». Sans doute les deux… On remarquera toutefois en lisant bien ce livre qu’il y a deux catégories : ceux qui ont continué à faire de la politique sont au PS, et les autres auraient cessé au profit d’autres activités, notamment professionnelles. Cela permet d’évacuer ceux qui font de la politique ailleurs qu’au PS et même au delà de la «gauche plurielle». Mais là, c’est le «N°2 du PS» qui écrit.
Si plus bas je m’attacherai à rectifier quelques erreurs (en essayant d’ailleurs d’en comprendre et d’expliciter le pourquoi pour certaines), commençons surtout sur le problème de fond : celui de la génération.
à propos du «phénomène clanico-générationnel»
«Il n’y a pas de génération MNEF» (p.42). Nous en sommes d’accord (voir «humeurs I» dans le précédent Cahiers du Germe trimestriel). C’est justement la raison pour laquelle j’avais évoqué un «phénomène clanico-générationnel» pour parler de la «présence persistante dans la «galaxie MNEF» […] d’une série de militants entrés dans le mouvement et le mutualisme étudiant au milieu des années 70» dans l’article cité par Cambadélis. Celui-ci après avoir rappelé d’ou parlait Robi Morder : «Robi est militant révolutionnaire, ce qui est son droit. Il a été membre du courant Comité communiste autogestionnaire et acteur actif de cette histoire, de ses grands mais aussi de tout petits moments. Il refusa par contre l’évolution de nombre de ses amis vers le parti socialiste. Pourquoi pas! Mais le concept de «clanico-générationnel» fleure quand même bon le praticien du trotskysme. Dans ce langage, il induit que ce «regroupement» n’a pas de base politique. Cette thèse ne tient pas parce que la plupart des acteurs de la MNEF sont au parti socialiste». (p.44).
Or, dans l’article critiqué («Eléments pour une histoire politique de la MNEF»), j’explique justement la trajectoire politique préalable de différents courants et acteurs du mouvement étudiant qui permet de comprendre le processus d’évolution de la Mutuelle (et non de la «génération» dans son ensemble). D’ailleurs, cet article est longuement repris (et cité) dans le chapitre «glissement progressif» (pp. 145-150). Et c’est bien pour ne pas confondre la partie pour le tout que je ne parle ni de «génération MNEF» (ou génération MNEF-UNEF comme Olivier Spitakis), tout comme je n’ai pas voulu parler de Mafia, ou simplement de clan (au sens de «famille»), parce que cette «famille recomposée» (à partir d’éléments issus de plusieurs familles politiques) est justement composée d’individus issus uniquement de cette «génération». N’est-ce pas Jean-Christophe Cambadélis lui-même qui parle de la «constitution d’un «entourage» à la direction MNEF dont «le rapport avec le mouvement étudiant était pour le moins discutable» (p.150). Or, si dans cet entourage, il y a bien des hommes (et femmes) d’affaires ayant fait leurs armes dans les écoles de commerce, plus que dans le militantisme (mais certains ont lié les deux, ceux dont Olivier Spitakis parle dans son livre par exemple), il y a aussi des hommes et des femmes qui sont passés du militantisme aux «affaires», ou ont continué à n’y voir que deux dimensions d’un même engagement.
«Pas de base politique»?, depuis quand les «groupes d’intérêt» n’ont rien de politique ? Que les journalistes et des juges estiment qu’il y ait une affaire PS dans l’affaire MNEF (et – le plus étonnant – que JeanèChristophe Cambadélis s’appuie sur cela pour sa démonstration sur la «génération politique» qui se trouve au PS), c’est leur interprétation. Or, je persiste à dire que s’est bien constitué un groupe d’intérêt autour de la direction de la MNEF, à partir, notamment, de militants d’origine socialiste qui se sont agrégés à d’autres personnes, ce qui n’en fait pas pour autant un groupe socialiste. Dans le processus de cristallisation de ce groupe, il y a eu des individus qui rompent et d’autres qui arrivent, l’ensemble ayant fini par exploser dans une série de contradictions (comme le système soviétique a explosé). Evidemment, (comme le soulignent Boltanski et Chiapello dans Le nouvel esprit du capitalisme) qu’il y ait nécessité pour les individus d’expliquer, (et légitimer y compris à leurs propres yeux) leurs actes par une idéologie (une «culture MNEF» comme le dit Jean-Christophe Cambadélis) est évident. Je demeure peut-être un affreux «matérialiste», mais – malgré l’autonomie relative du politique (et des idées) – il y a tout de même des intérêts en jeu qui permettent d’expliquer tel ou tel positionnement. Depuis le début des années 1970, les différentes directions de la mutuelle se sont bien autonomisées vis-à-vis de leurs partis d’origine (cela vaut pour des éléments du BN PSU, puis du CERES, enfin des «mitterrandistes» dans toutes leurs «sensibilités»), rien «d’apolitique» donc là dedans, bien au contraire.
génération politique des années 1970 et génération morale des années 1980 ?
Je m’attarderai peu ici sur le sujet. C’est Claudie Weill qui résume bien lors de nos rencontres : «A l’heure du prêt à porter, Cambadélis se construit une génération sur mesure».
Jean-Christophe Cambadélis parle d’une génération des années 1970 coincée entre celle des années 1960 (Algérie et Mai 68) et 1981 (élection de François Mitterrand)». Coincées entre les deux époques, les années 70 sont absorbées par 68 ou dissoutes par 81, elles n’ont pas droit au chapitre […]. Pour comprendre cette génération, il nous faut la raconter» (pp. 46-47). Et c’est là que le bât blesse, et le débat commence. Car si l’on part des travaux sur «les années 68» (colloque «les années 68» à l’IHTP, nos propres rencontres de 1998 « Nouveaux regards sur le mai étudiant et jeune » ), la périodisation retenue est – grosso modo – 1965 (année retenue par Henri Mendras comme celle d’un tournant) – 1976 (du moins pour les étudiants). D’ailleurs Jean-Christophe Cambadelis nous parle bien d’une «page de 1968, déjà largement tournée en 1973, l’est définitivement en 1975» (p.128). Peut-on parler dès lors (si l’on accepte de parler de génération) de génération 68 pour ceux qui – même s’étant engagés immédiatement après – ont vécu 68 comme un moment extrêmement important (voire comme une «révélation») ou de génération des années 1970 ? Et peut-on dire – s’il y a une génération des années 1970 – que c’est la même génération que ceux qui s’engagent à la fin de la décennie, alors que s’affirme la crédibilité d’une alternance électorale au profit du parti socialiste, que s’est éloignée la possibilité révolutionnaire, que l’extrême-gauche décline et que les sidérurgistes sont défaits ?. Et Jean-Christophe Cambadelis – qui parle de lui comme étant de cette génération distincte de celle de 68 – nous dit pourtant qu’il est «politisé dès [ses] 16 ans» ( p.53). Né en 1951, le calcul est vite fait : il y a bien un effet 68. Nous dire ensuite (p.184) : «au début des années 70, je fis mes premiers pas de révolutionnaire», au moment où il adhére au trotskysme et à l’AJS, c’est tout de même effacer le «bref passage» dans l’organisation anarchiste «Rouge et Noir» (p. 53) passage qui va jusqu’en 1970 (p.194), comme si à 16 ans, s’engager dans l’anarchisme n’était pas révolutionnaire. Comment passer de cette sensibilité libertaire à un «enfermement volontaire» dans une version du trotskysme se préoccupant peu (voire condamnant) ces «nouveaux mouvements sociaux» (féminisme, homosexuels, immigrés, anti-militaristes…) qui symbolisent pour certains (dont l’auteur-même dans les premiers chapitres) ces années 7190 ? C’est que Jean-Christophe Cambadélis était «un révolutionnaire qui n’aimait pas le désordre» (p.194). C’était son droit, beaucoup ont fait comme lui, mais beaucoup ont fait d’autres choix. Notons toutefois que séparer d’un côté la «génération algérienne» et de l’autre celle «des années 70», c’est surtout contribuer à effacer Mai 68 comme moment, comme crise sociale, politique avec une grève générale et une situation où le problème du pouvoir s’est posé pendant quelques jours. Bref, une situation qui avait pu être caractérisée par certains comme révolutionnaire (ou « pré »-révolutionnaire), en tous cas assez exceptionnelle dans l’histoire.
Ce n’est pas l’histoire d’une génération que raconte Jean-Christophe, c’est son itinéraire (ou une partie de celui-ci, qui concerne son passage à l’OCI puisqu’il s’arrête en 1986), au cours duquel il croise d’autres individus, d’autres itinéraires. Est-ce que cela forme une génération ? Ou des éléments issus de plusieurs générations ? Ou bien autre chose?… Là est la véritable discussion à mener en dehors peut-être des projecteurs et des caméras. Car si le livre est celui du député Cambadélis, «N° 2» du parti socialiste, il serait intéressant de discuter tranquillement avec le sociologue.
la mémoire est-elle soluble dans l’histoire… «anti-mémoires»
Nombre d’erreurs émaillent le récit. On peut les considérer comme mineures pour la plupart et puis, pour un juriste, «la bonne foi se présume». A la différence d’autres commentateurs, j’estime que l’humanité des individus permet mieux de comprendre les évènements que la mythification du «héros» (infaillible, ou machiavélique, ou ayant tout prévu). Commettant les mêmes types d’erreurs spontanément, si je ne suis pas amené à vérifier (et notamment par les échanges et les confrontations soit avec le document, soit avec d’autres témoins), je comprends bien qu’il se glisse des anachronismes dans un ouvrage qui avait une échéance éditoriale rapide. Toutefois, je m’interroge sur le sens de certaines d’entre elles (volontaires ou inconscientes, en tous cas elles doivent bien avoir du sens?) mais j’attendrai de m’entretenir avec l’auteur. Je dois donc saisir l’occasion pour en relever quelques unes et puiser dans ma mémoire, confrontée à quelques vieux papiers et à quelques entretiens téléphoniques où j’ai du solliciter d’autres mémoires.
Les mouvements lycéens
C’est l’absence de clarté sur le «point de vue» (d’où parle t-il) sur les mouvements lycéens qui nuit le plus à Jean-Christophe Cambadélis. Car à force de mélanger témoignage direct, rapport de rapport, il confond ce qui ce passe là où il est (chez les étudiants, et dans les réunions internes de l’AJS et de l’OCI) et ce qui se passe là où il n’est pas. C’est inévitable dans les souvenirs, raison de plus pour vérifier et, du moins, émettre des réserves, utiliser les conditionnels.
J’ai sous la main les mémoires de maîtrise de Didier Leschi, le mémoire IEP de Karel Yon, sans oublier mes propres livres brochures, archives, tracts et documents d’un mouvement que j’ai bien connu puisque – à la différence de Jean-Christophe Cambadelis – j’étais lycéen et ai participé à différents degrés, après la rentrée 1968, aux CAL (Comités d’action lycéens), curieusement absents du livre, puis à «l’affaire Guiot» de 1971, à la lutte contre la loi Debré en 1973 et contre la réforme Fontanet en 1974.
Un oubli : les CAL (Comités d’action lycéens)
L’AJS (et avant 1968 la FER) étaient opposées à l’existence d’un mouvement autonome lycéen. Avant 1968, quand les CAL se créent, les jeunes «lambertistes» de «révoltes» proposent que les lycéens adhèrent à l’UNEF. Ils ne seront pas dans les CAL et jusqu’à la création, par l’UNEF-ID, du «syndicat lycéen» en 1981 (avec – il est vrai – l’existence dans l’année précédente d’une «Fédération nationale des délégués de classe»), la seule proposition que fera ce courant aux lycéens est de s’organiser politiquement. Mais ils ne s’opposeront pas (contrairement aux Jeunesses communistes et à leur syndicat lycéen, l’UNCAL) aux coordinations tant en 1971 qu’en 1973. Il est vrai qu’en l’absence de syndicat ayant vocation représentative dans les lycées, «l’auto-organisation» des luttes est le seul mode de représentation que peuvent défendre aussi bien l’AJS … que la LCR qui n’a pas d’orientation syndicale dans les lycées (et dans les facultés) à l’époque.
L’affaire Guiot (1971)
En ce qui concerne l’affaire Guiot (février 1971) – nom d’un lycéen de Chaptal condamné en flagrant délit, condamnation qui provoque une protestation – Jean-Christophe Cambadélis passe à côté de l’essentiel. C’est justement là que naît véritablement dans la jeunesse scolarisée la «coordination», et cela ne va pas de soi. Car si la LCR appelle à une coordination des comités de grève au lycée Chaptal, coordination qui appelle à une manifestation le mercredi 17 février au même moment se tiennent d’autres réunions : à la Halle-aux-Vins, aux Beaux-Arts, à Buffon, au lycée Saint-Louis. L’UNCAL propose des sit-in, le Secours rouge maoïste appelle à un meeting à la Halle aux Vins. Uncal et Secours rouge s’opposent à la manifestation car ce serait mener les lycéens à l’abattoir. Dans les AG des lycées parisiens, le débat est vif. La manifestation est un succès, avec une forte participation de lycées justement peu «politisés» de banlieue, et même des collèges. Ainsi, ayant défilé des heures dans Paris (lycée Chaptal – Place de la Concorde – traversée de la Seine – Boulevard Saint Germain), sans un policier en vue, c’est le succès de la manifestation qui donne la légitimité à la coordination. C’est à Turgot que se tiennent les deux coordinations suivantes. Celle du jeudi 18 février décide d’appeler à une manifestation des lycéens à Buffon, qui rejoindra ensuite le rassemblement à la Bourse du travail, organisé par la FEN (Fédération de l’éducation nationale), la Ligue des droits de l’homme et les parents d’élèves de la FCPE. Les deux branches de l’UNEF (la scission n’a qu’un mois, on est en pleine bataille de légitimité) appellent également à la Place de la République, en cortèges séparés. Celui de l’UNEF (dite AJS) vient de Bastille. La coordination lycéenne du vendredi matin reprend la proposition faite par Charlie Najman, de l’AMR, et du CLL, celle d’un sit-in au Quartier latin l’après-midi même, au moment où Gilles Guiot passe devant la cour d’appel. L’UNCAL de son côté appelle à des actions «lycée par lycée» et l’AJS appelle à… un meeting de l’UNEF-us à Jussieu. UNCAL et UNEF-us se rallieront au sit-in à partir du moment où il y a des milliers de lycéens sur place, boulevard Saint-Michel. Il n’y a donc pas de manifestation organisée par «la coordination avec l’UNEF-AJS» (p.61), mais un sit-in organisé par la coordination lycéenne auquel une série de forces, au départ hostiles, se rallient..
La Loi Debré (1973)
Ce sont les deux UNEF qui avaient, les premières, mené campagne contre la Loi Debré lors de son adoption en 1971 (en fait, la réforme du service militaire fut votée par morceaux avec réduction du service de 16 à 12 mois et suppression des sursis). Mais, c’est en 1973, première année d’application, avec d’autres forces dominantes, que le mouvement est déclenché.
Ce mouvement reprend, au départ, en les amplifiant, les caractéristiques de l’affaire Guiot : coordinations, participation des lycées de filles, des élèves de 3e et 4e, et des collèges d’enseignement technique. Mais la grève de 1973 est aussi une grève étudiante (contre les DEUG). Et si Lutte Ouvrière participe au mouvement, elle prend l’initiative de séparer l’enseignement technique dans une coordination spécifique dès le 26 mars, non pour réclamer «le rétablissement des sursis» (dont les collégiens ne bénéficiaient pas, puisqu’ils ne faisaient pas d’études supérieures) mais «l’abolition du service militaire». Cette coordination CET est purement et simplement «oubliée» (Jean-Christophe Cambadélis ne parle que des coordinations étudiante et lycéenne). L’affaire CET était pourtant d’importance, et la CGT ne s’y trompa point, qui impulsa une CP-CET, «Coordination permanente des CET» (qui devient CP-LEP avec le changement de dénomination institutionnelle), indépendamment de l’UNCAL, et avec une volonté de travailler de manière assez autonome, y compris en s’appuyant sur des militants d’extrême-gauche.
Pourquoi expliquer qu’un «mouvement apparemment anodin» (l’affaire Wander, en novembre 1972) révéla finalement une grande partie de la génération qui composera l’UNEF, dont on parle aujourd’hui» (p.77), sinon que parce que Jean-Louis Wander était à l’AJS. Des affaires « anodines » du type Wander, il y en avait régulièrement depuis des années. A chaque fois, il y avait réunions unitaires LCR, Révolution, AMR, AJS, des tracts communs, organisation de coordinations. Ce fut le cas dès mars 1971 (affaire Guionnet du lycée Jean-Baptiste Say), en avril contre l’exclusion de lycéens de Louis-le-Grand, en mai, contre l’exclusion du lycée Claude-Bernard d’un certain Michel Field, à l’automne 1971, contre la «circulaire Guichard» (ministre de l’Education nationale) qui limitait la liberté d’expression, contre des incidents antisémites à Jean-Baptiste Say au printemps 1972, et encore je ne cite que quelques exemples parisiens.
Quant aux personnes, si Julien Dray émerge en 1973, ce n’est pas le cas de Michel Field, déjà connu par les journaux depuis que – présenté au concours général – il fit paraître dans Le Monde, à la suite de son exclusion en 1971, une tribune. Il n’ira pas dans le syndicalisme étudiant, pas plus que Pierre Morville de Révolution. Pour Laurent Zappi, il faut attendre 1975, et surtout 1976, pour qu’il devienne un «leader» lycéen, tout comme Philippe Darriulat, avant de passer dans le syndicalisme étudiant. Jean-Louis Wander, qui sera bien un dirigeant de l’UNEF-US, ne participera pas à la «réunification» de 1980, ayant fait d’autres choix dès 1979, alors que Bernard Rayard et Marc Rosenblat demeurent dans l’appareil syndical. Charles Najman de l’AMR, lycéen en 1973, est à la direction du MAS en 1976, mais pas à la réunification de 1980. Jean-Christophe Cambadélis est étudiant dès 1970, et Gilles Casanova qui est lycéen au moment de l’affaire Guiot est déjà dans le mouvement étudiant à Vincennes en 1973. Quant à moi, je participe aux mouvements lycéens, mais pas au mouvement étudiant de 1976 (travaillant dans une petite maison d’édition, je passe deux ans à la CFDT du livre), et ce n’est qu’en 1979, que je «prends du service» dans le MAS étudiant. Ainsi, si une partie des BN syndicaux de l’UNEF-US et du MAS ont une expérience antérieure, elle est tout de même diversifiée : pour certains, ce sont les mouvements lycéens de 1973 ou de 1976, pour d’autres, ce sont les mouvements lycéens de 1973 et les mouvements étudiants de 1976, enfin il y en a pour qui, ce sont les grèves étudiantes de 1976. On a bien plusieurs cohortes. Mais il est vrai que ce sont des années où la coordination s’impose dans le répertoire d’action collective et est plus ou moins intégrée par les organisations syndicales étudiantes par conviction ou adaptation.
Effectivement, depuis l’affaire Guiot, l’AJS avait développé son travail lycéen avec «l’UCL» (Union des cercles lycéens) mais de là à dire que cette bande de lycéens de l’AJS «faisait dans ce mouvement jeu égal avec les lycéens de la LCR» (p.77), est aller un peu vite en besogne. Il suffit de demander à Benjamin Stora, qui suivait les lycéens de l’AJS à l’époque, pour savoir quels étaient les rapports de force. La LCR avait un tel poids qu’il n’a pas fallu beaucoup de «tractations» pour constituer un comité central de grève. Quelques exemples :
– le 27 février 1973, première coordination parisienne des comités contre la Loi Debré. Sont élus au collectif Charles Najman de l’AMR, Pierre Morville (ou quelqu’un d’autre) de Révolution, et deux LC : Isabelle Alleton ou Julien Dray (je ne sais plus), et moi-même. Il n’y a pas d’AJS car je m’oppose à l’élection de Marc Rozenblat au motif qu’il aurait «cassé une grève au lycée Voltaire». C’est totalement stupide, et dans la réunion du secrétariat lycéen qui suit, Michel Recanati (responsable du travail lycéen au bureau politique de la LCR) est furieux. Cette bêtise risque de donner à l’AJS l’occasion de lancer une polémique et de casser un mouvement encore très fragile de comités. Mais l’AJS joue le jeu, et ne tire pas – comme la LC le craignait – 50000 tracts de dénonciation. Elle participe à la coordination du 1er mars, et le 7 mars à l’assemblée parisienne des comités contre la loi Debré, salle Lancry, où est remis en place un nouveau collectif parisien à partir de «coordinations locales». Cette fois-ci; sur 14 personnes, l’AJS est présente avec notamment Bernard Rayard et Marc Rosenblat. Ce collectif se réunit dans divers locaux, dont une fois dans celui de l’AJS. C’est ce collectif qui prépare la coordination nationale.
Le 14 mars se tient à Jussieu, amphi Guy de la Brosse,la première coordination nationale des comités contre la Loi Debré. Le mot d’ordre adopté est celui de «rétablissement et extension des sursis», alors que l’AJS préfère ne s’en tenir qu’au simple «rétablissement», fidèle à sa ligne de «défense des acquis». La coordination parisienne est chargée de l’exécution des décisions, et un collectif de cinq personnes est désigné en son sein. Il y a Pierre Morville pour Révolution, Marc Rosenblat pour l’AJS, et trois de la LC : Michel Field, Isabelle Alleton et moi-même. La LC impose Michel Field comme porte-parole médiatique.
Après la coordination nationale du 24 mars, se met en place un comité central de grève avec un système à deux étages : deux délégués par coordination locale parisienne et de ville éliront un collectif plus restreint. Pour éviter une surreprésentation de la LC et l’exclusion d’une organisation, c’est la LC qui décide que, dans les coordinations locales, pour deux candidats, il n’y aura qu’un LC, et, c’est en direction lycéenne de la LC, qu’il est décidé que dans tel endroit on votera pour un AMR, ailleurs un Révolution, ailleurs un AJS, pour être certains qu’au moins tout le monde sera représenté. D’ailleurs, c’est à peu près ce que fera Jean-Christophe Cambadélis dans l’UNEF-ID en 1980. Mais si le Comité central de grève du 27 mars ne pose pas de problème, celui du dimanche 1er avril, qui se tient rue d’Ulm, voit l’AJS majoritaire dans la salle avec des délégués des petites villes (chaque ville avait droit à 2 délégués, qu’il y ait un ou quinze lycées). Mais elle savait que ce n’était pas le reflet de la réalité et ne profita pas de l’occasion pour provoquer un conflit de légitimité.
De même, la réunion, dans la nuit du 21 au 22 mars 1973, à la suite de l’interdiction de la manifestation ne se tient pas au Nemrod (p.82) – café de Jussieu qui en a vu certes d’autres – mais au local de LC, Impasse Guéménée, réunion qui se continue de façon plus élargie vers trois heures du matin au Café le Tambour à Bastille (café qui n’existe plus mais qui a vu nombre de réunions et de conférences de presse). Et quand Jean-Christophe Cambadélis nous conte sa journée du 22 mars avec les rendez-vous secondaires autour de la Place Denfert-Rochereau pour parer à l’interdiction de la manifestation, il oublie de dire que dans la coordination lycéenne le matin même, l’AJS s’est battue pour maintenir l’appel à Denfert, contre le principe de cinq rendez-vous secondaires.
Enfin, dernière remarque concernant ce mouvement. Si Jean-Christophe Cambadélis parle du «front» constitué avec Révo et l’AMR contre la «recup CGT» pour le 1er mai 1973 – alors que le mouvement de grève est terminé (p.87), il oublie la belle alliance entre UNCAL et AJS dans les coordinations précédant les manifestations du 9 avril. En effet, après les manifestations jeunes du 22 et du 27 mars et surtout du 2 avril, s’engagent des discussions avec les confédérations pour une manifestation commune. Pour l’UNEF-us, l’enjeu est d’arriver au travers d’une signature avec la FEN, la CFDT et la CGT à une reconnaissance, ne serait-ce que conjoncturelle, sur le même plan que l’UNEF (renouveau). De plus, l’UNCAL et l’UNEF-renouveau arrivent dans les coordinations qu’elles ne peuvent plus nier ou contourner. D’un autre côté, la LC, Révolution et l’AMR refusent que soient mis sur le même pied la coordination représentative de l’ensemble et deux de ses composantes. Or, la CGT notamment, tend à considérer les coordinations comme une tendance du mouvement, et explique qu’elle fait déjà une concession en acceptant de signer avec les deux UNEF. Finalement, après de longues discussions, on arrive à un compromis. Une tête de manifestations constituée des… grévistes de Renault (cette tête de manifestation des travailleurs de Billancourt ne se situe donc pas le 2 avril comme il est écrit page 84) et un appel ou l’on cite certes les UNEF, le MARC et l’UNCAL, mais comme soutenant et de façon distincte (y compris typographiquement) des coordinations.
Les étudiants
«Notre histoire commence en janvier 1971» (p.55). Qui est ce «nous»? L’histoire de Jean-Christophe Cambadélis commence bien avant, celle de l’OCI et de l’AJS aussi. Certes, 1971, c’est la scission de l’UNEF , mais il s’agit de l’issue (une des issues possibles et pas la seule) d’une histoire antérieure. Jean-Christophe Cambadelis n’hésite d’ailleurs pas à parler du courant «unité syndicale» constitué dès 1969 (lors d’une assemblée à Dauphine) qui récolte 628 mandats au congrès de l’UNEF d’Orléans d’avril 1970, contre 320 à la tendance Renouveau. Certes, «sur la base du congrès d’Orléans l’UNEF-AJS était donc majoritaire […] le PCF ne pouvait l’accepter». On aurait aimé également nuancer le propos car les mandats du congrès d’Orléans n’étaient pas forcément le reflet des rapports de force militants sur les universités. L’UEC, avec l’appui du PCF et de la CGT, en alliance avec les radicaux de gauche, les conventionnels de François Mitterrand et le CERES de Jean-Pierre Chevènement avait de quoi construire et développer une organisation qui disposait déjà de quelques milliers d’élus dans les conseils d’Université.
Certes, l’UNEF-US appelait au boycott des élections universitaires mais il n’est pas sur qu’elle aurait été en état de présenter autant de listes et de candidats que l’UNEF-renouveau. Ne pas se présenter résolvait le problème, on ne pouvait pas comparer.
Le boycott est abandonné en 1981, après la victoire de la gauche. Pour s’en sortir la tête haute, l’UNEF-ID annonce qu’elle a obtenu «l’abrogation de la Loi Faure» (p.176) contre laquelle elle a lutté par le boycott. Mais Jean-Christophe Cambadélis oublie que la loi Faure n’a pas été totalement abrogée, le Conseil constitutionnel ayant décidé d’annuler l’abrogation législative. Et, que l’on sache, la loi Savary a poursuivi la logique de la loi Faure en matière d’autonomie, renforcé le pouvoir des présidents d’université. En fait, l’argumentaire n’était qu’une manière de «sauver la face» en montrant à la base que ce n’est pas la ligne qui changeait, mais la situation (la loi). Ce qui changeait, c’est qu’à partir de sa constitution l’UNEF-ID, avec les socialistes, les forces issues du MAS est en état de présenter des listes dans toutes les Universités, d’autant que le système électoral a changé : ce ne sont plus des élections à deux niveaux (dans les UER, puis chaque conseil d’UER désigne des élus au Conseil d’Université) mais des élections séparées et directes dans les conseils centraux. L’important, c’est de pouvoir présenter environ 2 000 candidats pour des élections centrales dans 70 universités, puisque là se trouvent les «grands électeurs» pour le CNESER. Dès lors, peut importe que l’on ne puisse présenter des listes (avec 10 000 candidats environ) dans les 700 à 800 UFR.
Quant à l’interprétation des résultats électoraux, elle est toujours sujette à caution. Par exemple, il est vrai qu’aux premières élections auxquelles l’UNEF ID participe en 1982, cette dernière obtient plus d’élus que l’UNEF renouveau. Mais en nombre de voix, c’est encore l’UNEF renouveau qui passe devant pour peu de temps encore.
Pour «simplifier» l’auteur parle de «l’UNEF-AJS» Or, c’est l’UNEF (dite renouveau) qui traitait l’autre UNEF, «d’UNEF-AJS». L’UNEF (renouveau) ne s’est jamais présentée officiellement autrement que comme «UNEF», tandis que la branche animée par l’AJS s’est vite présentée elle-même comme UNEF Soufflot face à l’UNEF Provence. (La distinction portait sur les adresses : l’une rue Soufflot, l’autre rue de Provence). Ensuite, elle se présente comme «UNEF unité syndicale». La nécessité de rajouter un terme à UNEF, pour que les étudiants ne confondent pas, indique bien quels étaient les rapports de force entre les deux branches issues de la scission de 1971. D’ailleurs, quand l’UNEF ID s’affirme majoritaire (de par la synthèse qui s’opère entre les différentes traditions désormais présentes en son sein : gestionnaires, mouvementistes, revendicatifs, participationnistes….), affirmation qui se consolide de 1982 jusqu’à son «couronnement» en 1986, c’est finalement là que l’autre UNEF – tout en s’affirmant «UNEF» – tend à systématiser un autre «logo», notamment électoral, avec la ligne de la «solidarité étudiante» adoptée dans un congrès à Reims. Jusqu’à maintenant toutefois, elle continue à se présenter comme «UNEF» tout court. Si l’UNEF-US a tenu (y compris en assumant les dettes) à être la continuité de l’UNEF, aucune décision judiciaire n’a légitimé l’une ou l’autre, les deux parties ayant volontairement mis un terme à la longue procédure qui les opposa de 1971 à 1979.
De même, parler du «MAS CFDT emmené par Stéphane Fouks et Alain Bauer» au conseil d’administration de la MNEF en 1979 au lieu de parler des rocardiens a de quoi induire le lecteur dans la confusion (pp. 140 et 141).
Il n’y a plus de MAS (dit «CFDT» par l’UNEF-us) une fois que la LCR y est devenue majoritaire au congrès de Grenoble en mai 1977. Il y a, dès lors, pour des raisons juridiques, un MAS «luttes étudiantes», le sigle «MAS» restant aux mains des rocardiens et du PSU le peu de temps qui leur restait à vivre ensemble, à savoir quelques mois. Au passage, rappelons que ce ne sont pas les résultats des élections aux CROUS de 1975 et le bon score de l’UNEF-us qui provoque la création du MAS (p. 106), le processus était déjà engagé par le MARC. Quant aux individus, ni Stéphane Fouks, ni Alain Bauer, ne sont membres du CA de la MNEF en février 1979 (ni d’une direction syndicale étudiante). Ils y rentreront plus tard, nul besoin de les vieillir prématurément.
Je me concentrerai surtout ici sur quelques éléments concernant la «réunification»
les CCA
Cambadélis est le seul à traiter des CCA (Comités communistes pour l’autogestion). Ayant appartenu à cette organisation et à divers échelons de sa direction Je suis donc reconnaissant à Jean-Christophe Cambadelis de ne pas se comporter en « négationniste » politique (comme les journalistes Herzberg ou Decouty). Mais Jean-Christophe Cambadelis cite les CCA quand il parle de Gilles Casanova dans la grève de 1976. Or, cette organisation n’existe pas au moment de la grève. Si, à la coordination de 76, Charles Najman représente bien le PSU, Gilles Casanova est un des dirigeants étudiants de la LCR dans cette coordination. Les CCA ne sont même pas conçus. De même (p.124) si la coordination lycéenne de 1976 est bien «suivie» par Benjamin Stora pour l’OCI, Didier Leschi y est pour l’OCT («Révolution» pour les intimes) et non pour les CCA. Quant à la LCR, ce n’est pas Olive mais… Robi Morder qui a repris du «service» pour aider le secteur lycéen en remplacement d’Edwy Plenel…
Ce n’est qu’à la rentrée 1976/1977 qu’il y aura des contacts plus formalisés entre un groupe de militants de la LCR, (dit «groupe carrefour»), et l’ex-AMR qui animait dans le PSU la tendance B. C’est la fusion en mai 1977 de cette gauche du PSU et de militants issus de la LCR, principalement du groupe «carrefour», qui donne naissance aux CCA, rejoints ensuite par un petit groupe issu de l’OCT, parmi lesquels Didier Leschi, Michel Taubman, Jean-François Jousselin. Il ne faut pas négliger que – du moins du côté des jeunes – la plupart de ces militants, malgré leurs affiliations diverses, se sont auparavant fréquentés, d’abord politiquement dans les mouvements lycéens et étudiants, mais aussi personnellement. Leur regroupement dans une même organisation, les CCA, était également le fruit de cette histoire.
L’aventure durera quelques années pour se terminer par deux scissions. Celle de la tendance I qui quitte les CCA en mai 1981 pour fonder une nouvelle AMR (avec le soutien de Michel Pablo). Puis, en novembre 1982, la majorité de la tendance II quitte cette organisation, et rejoint la LCR (Robi Morder, Patrick Worms, Christophe Ramaux parmi les plus connus chez les étudiants). Gilles Casanova lui saisit l’occasion pour adhérer au PS, parmi les «jospinistes», courant rejoint par les amis de Jean-Christophe Cambadélis en mars 1986. Gilles Casanova rompt avec ce courant au moment de la guerre du Golfe (1991) et participe à la fondation du «Mouvement des citoyens». Quant à Didier Leschi qui avait pendant un temps suivi la majorité de ses amis dans la LCR, il rejoint également, avant les légistatives de 1986, ce grand parti, mais au sein de la tendance chevènementiste «Socialisme et république» qui sera la colonne vertébrale du Mouvement des citoyens en 1993.
Il y a parfois de l’ethnocentrisme dans ces «chuchotements de la vérité». Ainsi, expliquer que «l’extrême-gauche, avec la LCR, le PSU et les CCA, venait de faire son tournant syndical» en 1976 (p.160), c’est passer un peu vite sur les différences qui existaient entre ces courants. Certes, la LCR venait de revenir dans le syndicalisme étudiant huit ans après avoir quitté l’UNEF, mais le courant «pabliste» (AMR, puis CCA) n’avait jamais abandonné une conception syndicale. Ce sont des militants de l’AMR et de la gauche du PSU (comme Olivier Bouquillard ou Isabelle Chauvenet), qui sont déjà présents dans le MARC avant 1976, et qui poussent à la transformation de ce mouvement en organisation syndicale. C’est à l’entrée de l’AMR dans le PSU en 1974 que ce parti reprend une orientation syndicale à l’université après avoir quitté l’UNEF en 1971.
De même, c’est parfois prendre ses désirs pour des réalités quand, parlant du processus de «réunification» (p.162), Jean-Christophe Cambadélis explique que le MAS «se scinde en deux parties, l’une animée par les CCA de Gilles Casanova et Robi Morder, rejoignit les autogestionnaires rocardiens. L’autre, à l’initiative de François Morin, dont la tendance dans la LCR s’apprêtait à rejoindre l’OCI, créa le MASE».
Donnons d’abord quelques points de repère. En janvier 1980, MAS et UNEF-US décident d’organiser un «congrès de réunification» en mai 1980. Evidemment, l’accord de principe ne fut déjà pas facile à conclure. Dans le MAS, dirigé depuis 1977 par la LCR, existe une minorité autogestionnaire, la TSA (tendance syndicaliste autogestionnaire) qui réunit CCA et rocardiens. De son côté, l’UNEF-unité syndicale est dirigée par l’OCI («lambertiste») mais une tendance socialiste (à majorité mitterrandiste mais avec des rocardiens aussi) y existe : la TRS (tendance reconstruction syndicale). TSA et TRS ont conclu un texte commun pour le congrès de réunification. Pour ratifier le processus engagé, des assises du MAS sont convoquées le 14 mars à Paris.
C’est lors de ces assises que les militants de la tendance «LEPIRS» – qu’on prononce «les pires» – forment l’éphémère MASE («Mouvement d’action syndicale étudiant»). Mais, contrairement à ce que prétend Jean-Christophe Cambadélis, la tendance syndicaliste autogestionnaire (et donc les CCA) reste au MAS et condamne la scission. En fait, Jean-Christophe Cambadelis confond désir et réalité et – à 20 ans de distance – confirme quelques intuitions. En effet, à ces assises du MAS, l’UNEF-us était représentée par Michel Assoun (OCI) et Philippe Bonnefoy (socialiste, il avait passé quelques mois à l’AJS dans sa prime jeunesse politique). Ce dernier ne cessait de nous presser de questions «pourquoi vous ne quittez pas le MAS ?», voire de nous prodiguer des conseils pour que la TSA scissionne. Ces conseils ne furent pas suivis car, si la tendance autogestionnaire ne nourrissait guère de tendresse pour la majorité du MAS, affaiblir le bureau national n’était pas sa préoccupation exclusive ni prioritaire.
Jean-Christophe Cambadélis nous dit également que «les CCA rejoignent les rocardiens». L’histoire a pourtant été différente. Depuis le changement de majorité du MAS en mai 1977 (la LCR majoritaire à la base l’est à la direction également) et le retrait du soutien de la CFDT, les rocardiens se retrouvent dispersés entre les deux UNEF, certains à l’UNEF-renouveau (tel Jean-Philippe Dorent à Sciences-po), d’autres à l’UNEF-us (comme Denis Laplagne à Amiens). En 1979, ils décident de réinvestir à nouveau des forces dans le MAS. Ils sont présents au congrès de mai 1979 avec un texte «rendre ses chances au mouvement étudiant» et rejoignent la «tendance syndicaliste autogestionnaire» qui venait d’être constitué par les CCA, récoltant 20% des mandats. C’est Philippe Grassin qui suit l’affaire. Les rocardiens, avec trois délégués au congrès, rejoignent donc la trentaine que comptait la TSA, mais obtiennent 2 postes sur les 8 de la tendance au Conseil national, et un (Richard Dorent, étudiant en médecine et frère de Jean-Philippe Dorent) sur deux au BN du MAS. Dans les mois qui suivirent le congrès de mai 1979, les rocardiens renforcèrent la TSA du MAS par des adhésions individuelles et collectives. Jean-Philippe Dorent, animateur de l’UNEF-renouveau Sciences-po, fait basculer l’AGE en section MAS. A Nantes, le groupe MAS autonome, animé par Eric Leproust (CCA) et Pascal Olive (Rocardien), adhère au MAS. Parallèlement, les rocardiens renforcent également la tendance socialiste de l’UNEF-us (qui change son nom de «tendance université démocratique – université socialiste», en «tendance reconstruction syndicale», TRS) pour renforcer leurs positions vis-à-vis du courant mitterrandiste. N’oublions pas qu’au printemps 1980 François Mitterrand n’est pas encore candidat et que Michel Rocard se prépare à être «candidat à la candidature», d’autant que les sondages lui sont favorables. Au sein de la tendance socialiste, les rapports ne sont pas tendres entre mitterrandistes et rocardiens (et d’ailleurs, le livre de Spitakis est révélateur de cette défiance frisant parfois des sentiments plus violents encore).
le COSEF : mythe ou réalité ?
On parle beaucoup du congrès de l’UNEF-id de 1980 comme celui de la fusion de l’UNEF-us, du MAS, et du COSEF qui aurait «décidé de participer à titre d’observateur à ces premières réunions». Mais le COSEF n’est pas, en tant que tel, partie prenante de cette réunification. A la CPN (commission paritaire nationale), mise en place à partir de janvier 1980 par l’accord MAS/UNEF-us, siégeaient les représentants des bureaux nationaux et de chacune des tendances (TSA du MAS, TRS de l’UNEF-us), soit quatre composantes (puis cinq avec le MASE pendant quelques semaines). Jean-Michel Grosz et Jean-Marie Le Guen, dirigeants de la MNEF, participaient aux réunions de la TRS, comme Pascal Beau, Carlos Pieroni, Philippe Bonnefoy. Le COSEF n’était pas présent en tant que tel, personne d’ailleurs ne le refusait puisque personne ne l’avait demandé. Pas une fois le COSEF n’apparaît ni dans le protocole d’accord, ni dans les différentes notes de la commission paritaire, ni dans le texte TSA-TRS. C’est a posteriori qu’il y a reconstruction des faits…
En réalité, le COSEF est un échec et, dès 1977/1978, les «mitterrandistes» rejoignaient l’UNEF-us, d’autant plus qu’une tendance socialiste leur servait de structure d’accueil avec un pourcentage honorable. L’OCI (et Jean-Christophe Cambadélis) – comme les CCA d’un autre côté -savaient ne pas écraser des partenaires indispensables dans des stratégies de construction syndicale (et non de construction de courants révolutionnaires dans les syndicats). C’est la raison pour laquelle d’ailleurs l’OCI comme la direction mitterrandiste étudiante oeuvra pour séparer les autogestionnaires «rocardiens» du PS, des autogestionnaires «révolutionnaires» des CCA, ces derniers ayant «trop d’influence» sur ces jeunes socialistes. Et si la longue et dernière nuit du 3 au 4 mai du congrès de 1980, dans laquelle en pleinière Philippe Plantagenest occupait à traiter pendant des heures des budgets, des oeuvres, de l’histoire de la laïcité, et autres problèmes universitaires, dont il avait une connaissance parfaite sans avoir besoin de papiers, était destinée à permettre à la LCR de discuter de sa position, à ce moment, c’est surtout les socialistes qui devaient régler leurs problèmes à la fois d’équilibre interne et de relations avec les CCA. Car au cours de cette dernière nuit du congrès, la direction mitterrandiste de la MNEF fit une pression considérable sur les rocardiens. Les mitterrandistes proposaient une tendance socialiste pure sans les CCA. Si les rocardiens voulaient maintenir de leur côté une tendance avec les CCA, outre l’agitation que cela ne manquerait pas de créer au sein du PS contre la candidature Rocard aux présidentielles (on ne se priverait pas de signaler cette alliance avec des «gauchistes» pour discréditer un candidat «respectable»), cela les priverait d’un certain nombre de postes à la MNEF (et notamment d’administrateurs délégués et des moyens matériels et humains y étant attachés). Dans le cas contraire, ils auraient deux administrateurs délégués s’ils acceptaient une tendance socialiste «pure». Les rocardiens tranchèrent en ce sens, mettant en minorité l’équipe qui avait mené leur aventure syndicale jusque là (les frères Dorent, et le regretté Philippe Grassin). Le travail d’intoxication fut tel que certains, comme Stéphane Fouks, accepta le diktat mitterrandiste persuadé que les CCA avaient négocié cette formule (c’est ce qu’il pensa alors, et nous le dit bien plus tard). D’autres visages que ceux des syndicalistes étudiants étaient aussi soudainement apparus, arborant des tenues plus « honorables », portant costumes et attache-case. Ainsi de Fernand (ancien du mouvement lycéen de 1973 pour les jeunes communistes, travaillant dans le personnel municipal de Montreuil) que je retrouve alors comme rocardien, de même qu’apparaît Pierre Henry (que je retrouverai en voisin en 1995 comme candidat radical de gauche à la Mairie du 11e, aujourd’hui animateur d’une ONG humanitaire). Certains dirigeants rocardiens pensèrent même qu’il y avait eu des «agents lambertistes» infiltrés chez eux. Les lambertistes avaient effectivement intérêt à ce que les rocardiens «rejoignent la tendance PS» (p.165) dépassant ainsi la LCR. Mais ils n’avaient pas intérêt à ce que les CCA, au sein d’une tendance socialiste et autogestionnaire, fassent concurrence à leur «influence» exercée tant en interne qu’en externe. Les intérêts de la direction mitterrandiste de la MNEF et des étudiants de l’OCI convergeaient ainsi là aussi. Pas besoin de savoir s’il y avait des « entristes » (et qui) pour comprendre l’essentiel.
«Un pacte secret» ?
Quant au «pacte secret» évoqué page 165, lors d’une réunion qui se serait tenue à l’initiative de Gilles Casanova dans la nuit du 2 au 3 mai pour «dynamiser» la direction, il y a sans doute mélange chez Jean-Christophe Cambadelis de deux épisodes distincts, ayant donné chacun lieu à la signature d’un accord, dont on va voir que le secret était soit tout relatif, soit inefficace.
Le premier épisode se situe lors de la dernière grande Commission paritaire nationale de réunification, avec les représentants de toutes les commissions paritaires locales de ville et d’université, au CHU de la Pitié. (Chaque CPL est composée d’un représentant par tendance). Cette réunion débute le samedi 6 avril 1980 en début d’après-midi et se termine le lendemain après une longue suspension de séance… et l’adhésion de 4 à 5 000 étudiants dans les campus au cours de cette longue nuit. (Je m’étais d’ailleurs félicité lors d’une intervention, évidemment ironique, de ce passage de 12000 à près de 17000 adhésions, base retenue pour les mandats au congrès, avec un délégué pour 27 et un par reste de 14). Ce n’est donc pas (p.167) au congrès de réunification mais un mois avant qu’éclate «l’affaire d’Amiens».
Dans cette nuit du 5 au 6 avril, à la suite d’un incident (visiblement préparé par le BN de l’UNEF-us) qui se transforma en «affaire Javaso» (nom du militant LCR de la ville d’Amiens) et qu’il faudrait plus de place pour raconter, profitant de la longue suspension de séance, CCA et rocardiens saisissent l’occasion pour amener les mitterrandistes à discuter de la direction. En effet, il y a un texte commun TSA-TRS, mais pas d’accord concrétisant la représentation de ce courant. Et comme les anciens du COSEF et les mutualistes avaient de quoi exercer leurs talents de rouleaux compresseurs pour satisfaire une gourmandise de postes bien connue, le moment était venu de prendre des garanties. Le sort de la réunification était à ce moment là en jeu, vraiment suspendu, chaque acteur pouvait quitter la scène et donc mettre à bas tout un édifice qui ne tenait que parce que tous étaient là. C’est donc dans un café en face de la Pitié que Jean-Philippe Dorent, Philippe Grassin, Jean-Michel Grosz, Pascal Beau, Jean-Marie Le Guen, Gilles Casanova, moi-même, discutions de formules pendant que nous demandions au garçon de café des sucres… Pourquoi des sucres? Pour leur emballage qui servait de papier sur quoi écrire puisque personne n’avait pensé à en prendre. Il fallait que mitterrandistes et rocardiens consultent (ces derniers devaient tenir au courant un des leurs qui n’avait pu se libérer de sa caserne de Reims, je ne me souviens pas s’il s’agissait de Emmanuel De Poncins ou de Thivollier). «4 – 3 – 2», telle fut la formule retenue qui permettait à chacun de s’en sortir dans l’honneur. 4 mitterrandistes, 3 rocardiens, 2 CCA. Du côté socialiste, il y avait plus de mitterrandistes (4) que de rocardiens (3), mais les rocardiens pouvaient dire qu’il y avait plus d’autogestionnaires (5 sur 9). Puisqu’il y aurait un mitterrandiste et un rocardien à la Commission de contrôle, au bureau national il y aurait autant de rocardiens (2) que de CCA (2), et plus d’autogestionnaires (4) que de mitterrandistes (3). Mais comme les rocardiens étaient dans les deux tendances (TSA d’un côté, TRS de l’autre), il y aurait plus de TRS (5 – dont un rocardien, Laplagne à la commission de contrôle) que de TSA (4).
Gilles Casanova et moi avions l’habitude de discussions et de négociations entre groupe d’extrême-gauche, ou la parole suffisait. Nous fûmes un peu étonnés de voir Pascal Beau annoncer qu’il fallait soumettre notre accord à Jean-Christophe Cambadélis. On traverse le boulevard, on rentre dans l’amphi. Jean-Christophe Cambadelis sort un stylo et un papier, met tout cela noir (ou bleu ?) sur blanc et chacun signa. C’était sans doute comme cela que ça fonctionnait à la MNEF, telle fut notre impression commune avec Gilles Casanova. On ne parlait donc ni de l’OCI, ni de la LCR dans cet accord. C’était tout simplement Jean-Christophe Cambadélis qui – tel le Président Wilson aux négociations de 1918-1919 – se portait garant et gendarme des accords intervenant entre divers courants socialistes et CCA. Philippe Grassin informa les CCA que la CFDT était partante pour soutenir (y compris matériellement) une tendance autogestionnaire séparée de la tendance mitterrandiste.
La séance reprit donc. Mais durant quelques jours, la crise entre OCI et LCR se poursuivit, menaçant le processus. Il y eut une réunion entre les bureaux politiques de l’OCI et de la LCR. Jean-Christophe Cambadélis explique, qu’au moment de la «crise», lors de cette réunion des bureaux politiques, il trouve alors la formule de compromis, qui permet à la LCR de «revenir dans le processus», à savoir un article dans la charte de réunification qui fait référence à l’auto-organisation. « Et cette réunion sera, comme il se doit, secrète». Il en rajoute : «Ce que personne ne sait encore aujourd’hui c’est que nous passâmes à deux doigts du blocage définiti » (p.162). Le commentaire est étonnant. La crise était ouverte et tout le monde était au courant : les centaines de militants, la polémique dans Rouge et informations ouvrières par des articles de deux pages, des circulaires, des appels, des pétitions pour que le BN du MAS signe la «note N° 6 de la CPN», etc… Quand au caractère secret des réunions, tout cela était bien relatif. Tout le monde savait que chacun discutait avec chacun. La LCR discutait avec l’OCI, les CCA ont discuté avec la LCR et avec l’OCI et les différents courants du PS, etc… Le principe de ces contacts était de notoriété publique même si leur contenu pouvait demeurer moins connu (ou sujet à rumeurs et intoxications). Ce qui est certain, concernant la réunion des BP d’avril 1980, c’est qu’elle ne traita pas de la Charte de réunification – du moins de l’auto-organisation – pour une simple raison : depuis plus de deux mois la «charte de Paris» a été signée par toutes les composantes (ratifiée par les assises du MAS du 15 mars), charte comportant le fameux paragraphe sur l’auto-organisation qui n’est donc plus en discussion.
La résolution de la crise par un accord OCI/LCR ramena à la configuration de trois tendances pour le congrès : une tendance BN UNEF-us, une tendance BN du MAS (la LCR voulait un accord des deux BN pour un texte commun, orientation adoptée le 23 février 1980 par le BP de la LCR, mais puisque l’OCI refusait, la LCR ferait cavalier seul), une tendance TSA-TRS. C’est donc trois textes – et non quatre orientations – qui furent soumis aux suffrages des adhérents.
Le deuxième épisode se déroule au cours de la dernière commission de validation des mandats, qui débute le 30 avril pour se terminer le 2 mai au matin, avec une interruption pour permettre la participation aux défilés du 1er mai. Ce n’est donc pas la nuit du 2 au 3 mai mais celle du 1er au 2 mai qu’évoque sans doute Jean-Christophe Cambadélis. Le congrès de réunification doit commencer le 3 mai, précédé le 2 mai par un congrès du MAS (à Dauphine) et de l’UNEF-us (à Nanterre). Comme le rappelle Jean-Christophe Cambadelis, la majorité de l’UNEF-us dispose d’équipes qui se relaient et sont toujours fraîches, tandis que, du côté des autres tendances, les «négociateurs» sont en nombre plus restreint et doivent donc tenir plus longtemps (et la fatigue n’est guère conseillée pour la vigilance). A un moment, lors d’une suspension, Laurent Zappi (LCR) est «fixé» dans une discussion par Marc Rosenblat ou Philippe Darriulat dans une pièce du local de l’UNEF US, tandis que TRS-TSA (en fait Philippe Bonnefoy pour les mitterrandistes, Philippe Grassin pour les rocardiens et moi-même avec les deux Patrick, Worms et Le Tréhondat pour les CCA, Gilles Casanova n’est pas là) se concertent avec Jean-Christophe Cambadélis pour régler les derniers détails de la répartition des mandats entre les trois sensibilités de la TSA-TRS. Jean-Christophe Cambadelis accepte à nouveau de «garantir» l’accord interne (mais cette fois-ci, on dispose des résultats globaux des congrès locaux, donc nul besoin de garantir à l’OCI une majorité absolue qu’elle a déjà) à la condition qu’on ne vote pas contre le règlement intérieur (et son fameux «article 16» donnant tous pouvoirs à la commission de contrôle). Véritable petit chantage, puisqu’à défaut Jean-Christophe Cambadélis menace de ne plus garantir l’accord N°1 du 6/7 avril, (ce qui menace un peu les rocardiens, et surtout les CCA). Finalement, après discussion entre les deux Patrick et moi, nous acceptons et je signe. Le matin du 2 mai nous passons directement du quartier du Quatre-Septembre (siège de l’UNEF-us) à Dauphine, au congrès du MAS. Le soir, dernière réunion de préparation du congrès pour les étudiants des CCA. Cela fait déjà deux nuits quasiment sans dormir, et la perspective est la même pour les jours à venir. Il ne reste plus qu’une nuit de repos possible. Je vais me coucher, et – bel acte manqué (et finalement réussi) – j’ai oublié – tout comme Patrick Worms et Patrick Le Trehondat – dans le compte-rendu (et dans ma tête) l’accord que j’ai signé.
Lundi 5 mai. Dernier jour du « congrès de réunification ». Il y a évidemment du retard. Je m’absente de 15 h à 20 h pour aller à mon travail. Pendant ce temps, vient le vote des statuts et du règlement intérieur. La TSA présente ses amendements, rejetés par la majorité. Au moment du vote final, Gilles Casanova et les délégués des CCA s’abstiennent sur le règlement intérieur, ignorant (et pour cause) l’engagement signé. Après ce vote, Jean-Christophe Cambadelis sort de sa poche le papier dument paraphé et le montre à Gilles casanova un peu stupéfait. Quant aux mitterrandistes, qui n’attendaient qu’une occasion d’assouvir encore plus leur gourmandise, ils se précipitent pour exiger de Jean-Christophe Cambadélis qu’il n’y ait aucun CCA au BN. Jean-Christophe Cambadelis s’y refuse. Quand je rentre vers 20 h 30 à Nanterre, mes camarades me narrent l’épisode. Je conserverai de cette histoire la compréhension du fonctionnement d’une négociation, notamment dans les institutions européennes quand il faut trancher à l’unanimité, et une relativisation des accords de sommet dits «secrets» qui ne remplacent pas des dynamiques en cours.
Continuités ? Ruptures ? «On a eu raison d’avoir tort»?
L’individu cherche souvent à trouver entre les différents moments de sa vie, et ses diverses positions, une cohérence, une continuité qui le légitime vis-à-vis de l’extérieur, mais aussi vis-à-vis de lui-même. Or, il n’y a pas forcément de cohérence, si ce n’est celle relevant de l’intime et même de l’inconscient. La meilleure manière de s’en sortir facilement, c’est d’attribuer les changements à l’extérieur, la situation, alors qu’il convient aussi de s’avouer qu’on s’est trompé, même si on comprend pourquoi. L’auteur nous présente son histoire comme l’histoire d’une évolution toute naturelle d’une génération et d’un courant. Continuité qui donne au président sortant de l’UNEF-id, un don prémonitoire, quand il est dit qu’au congrès de 1984 «il fallait bien aussi renouveler les générations, les former pour qu’elles affrontent le dernier grand mouvement étudiant, celui de 1986» (p.181). Qui prévoyait en 1984 qu’en 1986 la gauche allait perdre les élections, qu’il y aurait un projet de réforme, qu’il y aurait une grève générale étudiante? Il y avait un renouvellement partiel, normal au sein d’une organisation étudiante. Un président de l’UNEF-id partait, un nouveau venait, Marc Rosenblat. Personne ne savait à l’époque que, deux ans plus tard, le président suivant serait Philippe Darriulat, ni le passage au PS de la majorité de l’UNEF-id.
C’est ainsi que s’éclaire la «simplification» qui autorise l’auteur à parler de «l’UNEF-AJS» pour l’UNEF Soufflot, puis unité syndicale, puis indépendante et démocratique, «jusqu’au moment ou l’UNEF devint définitivement l’UNEF-id» (p. 59).
Question : à quel moment l’UNEF-id (qui est autre chose que la simple continuité d’une l’UNEF-us qui aurait grossi) devient-elle vraiment UNEF-id ? On a l’impression que, pour Jean-Christophe Cambadélis, c’est au moment où la majorité de la direction syndicale et le secteur étudiant de l’OCI passe au PS. Ainsi, avec cette «simplification», apparaît le primat du parti sur le syndicat, puisque ce qui caractérise, pour l’auteur, la période 1970-1986, c’est la continuité de la direction OCI. Où est l’autonomie relative du secteur étudiant ? Où sont les transformations qui font qu’entre l’UNEF-Soufflot très «politique» (très AJS), on passe à une UNEF-us plus syndicale avec les élections aux CROUS et plus ouverte aux coordinations comme aux corpos : l’ACES (Assoxiation corporative des étudiants en sciences) adhère à l’UNEF-us en 1979, moment où elle se désiste de son action en justice, puis à une UNEF-id qui participe aux élections universitaires, négocie la réforme Savary. Est-ce le passage du secteur étudiant de l’OCI au PS qui transforme l’UNEF-id ou est-ce l’UNEF-id qui transforme ce secteur étudiant de l’OCI ? Et pourquoi ne pas parler de «l’UNEF-PS» puisque l’auteur parle de «l’UNEF-PC» ? La «simplification» revendiquée révèle une certaine vision des rapports partis/syndicats, après tout très «léniniste» , ce qui étonne quand on connaît les qualités qu’il a fallu à Jean-Christophe Cambadelis pour mener à bien le processus de réunification et de naissance d’une force syndicale nouvelle. A moins que ces qualités n’aient été mises au service d’un seul objectif à l’époque : renforcer l’OCI et son influence. Mais, alors, si par des voies augustes, l’objectif assigné était étroit, le but visé à l’époque a été manqué. La dynamique a échappé à la volonté, car les appareils ne maîtrisent pas tout.
En tous cas, livre à lire car il s’agit d’un point de vue d’un acteur et on apprend bien des choses (sur les liens avec Bergeron et FO, sur les liens internationaux et avec l’UIMM et le CNPF) sur des orientations et… sur l’auteur. Livre stimulant – par toutes les rectifications nécessaires – pour motiver les différents acteurs à parler, écrire et surtout pour confronter ces différents points de vue… Un autre titre aurait mieux convenu, mais il était déjà prix : plutôt que des chuchotements de la vérité, «ma part de vérité».
Robi Morder
Les Cahiers du Germe trimestriel n° 15-16 – 3°/4° trimestre 2000