lecture : Valérie Erlich, Les étudiants, un groupe social en mutation. Etude des transformations de la population étudiante française et de ses modes de vie (1960-1994)

Valérie Erlich, Les étudiants, un groupe social en mutation. Etude des transformations de la population étudiante française et de ses modes de vie (1960-1994). Thèse sciences de l’éducation. Sous la direction de Richard Pottier – Université de Nice. Partant du constat que la population étudiante s’est modifiée ces dernières décennies (chapitre 1 : Les étudiants et les transformations de l’enseignement supérieur), Valérie Erlich propose dans cette thèse d’en analyser les principales transformations. la massification de l’enseignement supérieur favorisant une diversification du recrutement social, l’évolution de l’offre de formation, la ralentissement de l’insertion professionnelle, entre autres (chapitre 2 : L’évolution des caractéristiques et des conditions d’étude des étudiants), seraient ainsi à l’origine d’une mutation de la population étudiante, d’où «la nécessité d'{en} redéfinir les contours». Pour ce faire, Valérie Erlich tient compte «des transformations des caractéristiques scolaires et sociales des étudiants, mais aussi (_) des transformations de leurs modes de vie» (p 9). peu étudiés en ce qui concerne les étudiants, les modes de vie «renvoient à une diversité d’angles de vue sur le pratiques des individus et des groupes sociaux, dans l’espace de la vie quotidienne et une multitude de représentations en termes variés (conditions de vie, vie quotidienne, vécu quotidien, styles de vie, genres de vie» (p 8). Cette «diversité», cette «multitude», conduit Valérie Erlich à entamer, à partir d’enquêtes menées auprès des étudiants de l’université de Nice, une longue description de ces modes de vie (logement, ressources, relations avec les parents, relations amicales, loisirs, temps de travail, lieux de vie) (chapitre 3). Au final, elle réussit à faire une description très riche des modes de vie des étudiants de Nice. Cependant, ce survol tend à nuire à l’objet lui-même, la description prenant parfois le pas sur la problématisation. En effet, à la lecture du titre de la thèse Les étudiants, un groupe social en mutation, on s’attend à une réflexion plus complète sur la question de la définition des étudiants comme groupe social, sur le sens du statut d’étudiant, problématiques centrales pour la compréhension de leur situation, de leur représentation et de leur devenir. Or, ces questions ne sont que trop faiblement abordées. C’est principalement dans l’introduction que Valérie Erlich postule que les étudiants constituent un groupe social. «Il existe ainsi un ensemble de caractéristiques objectivables et de représentations sociales étroitement imbriquées les unes aux autres qui permettent de parler d’un groupe social étudiant : une appellation commune d’abord ; une certaine similitude dans l’activité et les rythmes de vie ensuite, qui oppose les étudiants, d’une part, aux jeunes actifs et aux travailleurs, et, d’autre part, à ceux qui contribuent à cette activité : les enseignants ; des proximités culturelles et sociabiliaires ; un certain nombre d’avantages sociaux et économiques ; des institutions qui les prennent en charge ou qui les représentent ; une capacité d’action collective sur la scène politique ; enfin des stéréotypes de l’identité sociale et des comportements des étudiants, pour ne citer que les plus visibles.» (p 18).

S’appuyant sur les travaux de Luc Boltanski sur les cadres, Valérie Erlich considère un peu trop rapidement l’enjeu de sa thèse. Peut-être est-ce pour cette raison qu’elle en vient à conclure que les étudiants ne constituent pas un «groupe social au sens strict» (p 473) mais qu’ils partagent des modes de vie, les expériences des étudiants étant trop diverses pour en impulser un commun (p 478), et qu’ils existent plus comme un groupe social par défaut (par opposition aux jeunes actifs) qu’en tant que tel. En fait, si les modes de vie constituaient une approche nouvelle dans la compréhension du monde étudiant, le postulat du groupe social a été quelque peu noyé. On peut d’ailleurs même se demander dans quelle mesure la diversité du groupe étudiant n’aurait pas pu servir de départ puisqu’en partant de son unité, on souligne sa diversité.

Valérie Becquet

Les Cahiers du Germe trimestriel n° 7/8 – 2° et 3° trimestre 1998

Print Friendly, PDF & Email
(Comments are closed)