lecture : Philippe Campinchi, Les lambertistes, un courant trotskyste français,

CAMPINCHI Philippe, Les lambertistes, un courant trotskyste français, Balland, 2000. Voici un livre qui annonce – sinon la couleur – du moins son objet : «les lambertistes». Christophe Bourseiller avait également traité de ce courant, mais avec le titre «cet étrange Monsieur Blondel». C’était sans doute un argument de vente (le dirigeant de la CGT-FO est plus connu que «cet étrange Monsieur Lambert») mais aussi de contenu. En effet, autant Bourseiller cherchait à résoudre la question «les lambertistes contrôlent-t-ils Force Ouvrière», ce qui est une approche particulière centrée sur le «secret» et «l’entrisme», autant Philippe Campinchi tente sinon d’expliquer, du moins de décrire différents aspects «sans concession ni illusion, sans fascination ni refoulement».

Philippe Campinchi dispose d’un atout, qui peut évidemment s’avérer un handicap : il fut membre de l’organisation dont il traite, et il a été ensuite dirigeant de l’UNEF ID, membre de son bureau national, puis Président. Certains pourraient ainsi le soupçonner soit de régler des comptes avec son ancienne organisation, comme d’autres d’y déceler malgré tout de la sympathie. Mais Philippe Campinchi a passé moins de temps dans l’OCI-PCI que Jean-Christophe Cambadélis, ce qui fait que dans Les chuchotements de la vérité, on peut percevoir une sorte de nostalgie qu’il n’y a pas dans le livre de Philippe Campinchi. Evidemment, il s’agit d’un livre «journalistique» et sans ambition scientifique. Mais – sans apporter d’élément fondamentalement nouveau sur les grandes tendances de l’histoire de l’UNEF et du mouvement étudiant que nous avons pu travailler – les nombreuses anecdotes viennent confirmer, compléter d’autres témoignages et d’autres travaux, notamment sur la scission de l’UNEF, la MNEF et la «réunification».

L’intérêt de ce livre est de prendre également le point de vue «d’en bas». Si Christophe Bourseiller ne semble s’intéresser qu’aux stratégies d’appareil, Philippe Campinchi tente de donner la parole, à partir des entretiens, aux militants. Mais Philipe Campinchi est un «ex», et il n’a pu interroger que des «ex», d’où la difficulté de savoir si ces anciens membres de l’OCI-PCI reconstruisent, et surtout comment. Il est dommage – mais la responsabilité n’incombe pas à l’auteur – de n’avoir pu confronter avec des entretiens de ceux et celles qui y sont.

Le chapitre consacré à «l’entrisme» et aux «taupes» loin de donner des réponses affirmatives sur «qui est qui», permet au contraire d’approcher la complexité de la question. Quant à moi, je répéterai même son peu d’intérêt autre qu’anecdotique et secondaire. L’important n’est pas tant l’univers du secret, mais ce qui est visible. Et des «compagnons de route» menant avec une organisation une campagne ouverte sont plus efficaces que des informateurs dûment «encartés». Et, pour en revenir à l’exemple étudiant, ce qui était notable et premier c’était la concurrence UNEF renouveau / UNEF-us avec la dimension affrontements physiques, et non que Paul Robel («lambertiste» infiltré à l’UNEF renouveau) ait reçu sans broncher des coups de ses camarades de parti qui pensaient avoir à faire à un «stalinien». Avec ou sans Paul Robel, les affrontements avaient lieu et auraient eu lieu.

En fait, Philippe Campinchi nous montre que cette organisation ne se résume ni à un réseau (Bourseiller), ni à une «maison de fous» comme le disent certains de ceux qui en sont sortis, mais c’est également un parti, avec ses orientations, des militants.  Ne reste t’il pas à faire, non pas l’histoire ou la sociologie du «lambertisme», mais plus largement l’histoire d’un vaste courant du mouvement ouvrier – qui a eu une influence sur les organisations et mouvements étudiants –  puisant dans des sources du mouvement laïc, de la franc-maçonnerie, d’un syndicalisme de type Force Ouvrière, mélangeant anti-stalinisme et anti-communisme dont le «lambertisme» est une composante.

Robi Morder

Les Cahiers du GERME trimestriel n° 18 –  2°  trimestre 2001

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