Bernard Ravenel qui vient de disparaître a été une figure majeure du PSU, dont il a d’ailleurs écrit l’histoire en 2016[1] : adhérent dès la fondation en 1960, secrétaire de sa section étudiante d’Antony, il fut membre de son Bureau national de 1972 à 1984, et demeura au PSU à diverses responsabilités, jusqu’à l’autodissolution en 1989. Précocement sensible à la question palestinienne, il dirigea la Plateforme française des ONG françaises pour la Palestine, puis fut président de l’Association France-Palestine solidarité de 2001 à 2009[2].
Mais il fut aussi et d’abord un militant étudiant, dont l’activisme eut pour principal théâtre la résidence universitaire d’Antony[3].
Étudiant en histoire sorti du sanatorium où il fut soigné pour tuberculose, son statut de boursier lui permit d’être admis en 1958 à la résidence universitaire Jean Zay d’Antony, ouverte en 1955, la plus grande d’Europe avec 3000 étudiants. Par le nombre des résidents, Antony fut un bouillonnant microcosme de l’activisme étudiant des années 1960 qui inquiétait les autorités. Ravenel y resta près de dix ans, alors que la durée moyenne du séjour était de trois ans. Il y fut simultanément un actif responsable politique et syndical. Secrétaire de la section PSU, candidat aux élections locales, il y organisa des réunions-débats sur des thèmes alors peu fréquents, la contraception (1962) et la question palestinienne (1964). Pour lui, Mai 68 se passa principalement à la résidence universitaire (d’autant que la grève freinait les déplacements) et dans la ville d’Antony, où il soutint activement les ouvriers en grève.
Précédemment l’essentiel du militantisme était consacré à l’action contre la guerre d’Algérie. Identifié politiquement, Bernard Ravenel fut tôt élu vice-président de l’AERUA, l’association des résidents, qui rassembla plus d’un étudiant sur deux. Les listes pro-PSU dont il était obtenaient en moyenne 1/3 des voix, comme les listes pro-PCF, face à un tiers pro Algérie française. Au sein du bureau de l’AERUA Ravenel fut chargé de la lutte contre l’OAS, qui en fit sa cible (ce qu’il ignora alors). L’Association des résidents mena avec succès de 1962 à 1965 une grève contre l’augmentation des loyers. Mais elle ne se limita pas aux intérêts matériels, Ravenel constituant en son sein des groupes d’études par discipline universitaire comparables à ce que faisait alors (1963-1964) l’UNEF en Sorbonne. Et, phénomène alors inédit, c’est à Antony que furent contestés pour la première fois les règlements intérieurs coercitifs : contre le nouveau règlement qui interdisait l’accès au pavillon des filles, l’AERUA avec Ravenel envahit en janvier 1965 le bureau du directeur de la résidence. Puis, lorsqu’en octobre fut édifiée, aux fins de contrôle, dans le même pavillon une loge de concierge, 1700 résidents manifestèrent sur place. Peu après la loge fut murée avec du ciment. La venue d’un nouveau directeur mit fin au litige. Sans les magnifier, Bernard Ravenel a donné de ces années étudiantes des souvenirs très intéressants[4].
Alain Monchablon
[1] Bernard Ravenel, Quand la gauche se réinventait. Le PSU, histoire d’un parti visionnaire, 1960-1989, Paris, La Découverte, 2016. Voir la présentation en vidéo sur le site de l’ITS.
[2] Voir la notice biographique du Maitron, nous développons ici la partie étudiante de sa vie.
[3] Voir sur la chaîne Youtube de la Cité des mémoires étudiantes les extraits de son témoignage (« éclats d’archives orales : Bernard Ravenel ») Voir aussi Chloé Maurel « Vivre à la cité universitaire d’Antony dans les années 1960», Les Cahiers du Germe, n° 32/2019, p. 57.
[4] « Les années 68 à la Résidence universitaire d’Antony », contribution de Bernard Ravenel au colloque «Logement étudiant, histoire et enjeux actuels», organisé par l’AAUNEF, en liaison avec l’UNEF, avec le concours du Germe et de la Cité des mémoires étudiantes, 7 novembre 2015. Le texte est accessible sur le site de l’AAUNEF.