lecture : Thierry Lichet, Du développement associatif étudiant comme acteur dans le développement local

LICHET, Thierry  Du développement associatif étudiant comme acteur dans le développement local, Mémoire de DESS de Sociologie appliquée au développement local, sous la direction de M. G. Bertin, Université Catholique de l’Ouest, octobre 1998, 192 pages. Thierry Lichet prend le cas des IUT, en particulier celui de Villeurbanne (69), pour illustrer la réflexion qu’il souhaite mener sur les rapports entre la vie associative étudiante et le développement local. Ancien militant associatif, il tente de considérer les différents apports économiques, politiques et sociaux des associations étudiantes. Vaste programme pour un seul mémoire. Peut-être même un peu trop. En effet, Thierry Lichet aborde trop de thèmes pour qu’il puisse les étudier en profondeur. De plus, comme il le dit lui-même, il développe parfois un discours plus proche de celui du militant que celui du chercheur. Malgré ces restrictions, son travail pose des questions très actuelles et ses remarques ne peuvent que contribuer à la recherche sur la vie associative étudiante.

Dans son travail, il s’attache à rappeler les spécificités du « système IUT » et la manière dont les associations s’y sont développées et fédérées. « Elles remplissent les rôles de points d’information et de réflexion pour les étudiants à la recherche de renseignements, et sont les lieux d’organisation et de structurations lors de crises ouvertes » (p.38). Assurant aux étudiants « une indépendance vis-à-vis de syndicats politisés », elles favorise aussi le développement d’un « esprit de corps ».  Le militant associatif « doit penser IUT », nous dit même Thierry Lichet (p.147). Il doit le faire en dehors de tout clivage politique puisque ces associations se disent apolitiques, à savoir que « la disctinction gauche-droite est exclue » de leurs discours (p.132) . On retrouve là l’éternel hiatus du monde associatif étudiant : une méfiance vis-à-vis des syndicats et une revendication d’apolitisme conjuguées avec l’élaboration de revendications, l’exercice de mandats au sein des conseils universitaires, et derrière tout ça, la nécessaire invention d’un discours politique fondé sur une conception des IUT, dont les liens avec des référents politiciens sont niés. Cet aspect mériterait vraiment d’être approfondie car il illustre, dans une certaine mesure, le rapport qu’un bon nombre d’étudiants et de jeunes entretiennent avec la politique. Dans notre seconde enquête sur les associations étudiantes, beaucoup d’étudiants ont refuser de se positionner sur une échelle gauche-droite. Certains considèrent que leurs idées politiques appartiennent à une sphère privée totalement détachée de l’espace public dans lequel ils s’investissent.

Revenons au travail de Thierry Lichet. Notre attention a également été retenue par sa réflexion, très rapidement inspirée par l’analyse institutionnelle, sur les rapports entre l’administration des IUT et les associations. Quels sont leurs rôles respectifs ? Et comment se négocient leur territoires respectifs ? L’attrait des associations pour les étudiants et les services qu’elles leur rendent tendent à supprimer la légitimité des administrations, ou tout du moins, à la remettre en cause. Les associations semblent tellement bien jouer leur rôle de « corps intermédiaires » qu’elles attentent à l’institution. L’autre rapport conflictuel, qui semble se développer, est celui avec les enseignants, qui reconnaissent l’importance des activités des associations mais pas celle de l’investissement des étudiants. Un tel décalage conduit Thierry Lichet à entamer une réflexion sur la question de la validation des activités associatives. Dans les propositions qu’il élabore à la fin de son mémoire, se trouvent l’idée de faire valider les activités associatives au titre de stage, qui ne remplacerait pas celui de fin d’étude, et celle de donner des bonus aux élus étudiants. A nouveau, l’assurance avec laquelle l’auteur défend cette validation ne peut que nous inviter à poser le débat. On peut s’interroger sur ce qui justifierait cette validation et sur le sens qu’elle donnerait à la participation associative ? Les étudiants les plus actifs semblent déjà éprouver moins de difficultés pour s’insérer professionnellement (d’après les résultats de son enquête). Ont’il besoin d’un certificat de plus ? Certes, la validation des acquis est à l’ordre du jour et on préfère parler de compétences plutôt que de diplômes, parce que cela comprend aussi bien la tarte au citron que vous réussissez si bien que les connaissances scolaires. Cette proposition serait alors dans l’air du temps. Est-ce suffisant ?

Ainsi, « école de formation » et « école de vie sociale », la vie associative dans les IUT remplit de multiples fonctions. Sa fonction économique est également étudiée mais on se passera volontiers de chiffres ici. Il est difficile de faire si rapidement le tour de tous les thèmes qu’aborde l’auteur. Chacun d’eux mériterait de longs développements et ce premier travail lui aura probablement donné envie d’aller plus loin. Il s’agira pour lui de sélectionner des thèmes et d’émailler sa réflexion de nouvelles lectures. La découverte des IUT qu’il nous propose reste néanmoins passionnante pour qui s’intéresse de près à cette question.

Valérie Becquet

Les Cahiers du GERME trimestriel n° 11/12 4° trimestre 1999

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