Les étudiants pendant la Commune n’ont guère été étudiés, pas davantage semble-t-il que l’Université elle-même dont on sait peu de choses sur la période. L’étude de Jean Claude Caron sur la « génération romantique » s’arrête en 1851[1], tandis que celle de Pierre Moulinier commence en 1881[2]. Les lignes qui suivent sont donc une modeste ébauche d’une recherche à mener.
Déjà peu nombreux, les étudiants quittèrent pour beaucoup la capitale lors du siège, ce qui explique la notation ironique d’un bourgeois de Paris sur « dans le Quartier latin les veuves non inconsolables de messieurs les étudiants repartis en province.[3] »
Au lendemain du 18 mars, on trouve des étudiants parmi les tentatives de conciliation avec Versailles. C’est ce que note le bourgeois de Paris, reprenant en 1895 ses souvenirs d’époque : « le 24 mars, trois cents étudiants rassemblés à l’École de médecine avaient voté une déclaration de guerre au Comité central, tout en prévenant charitablement[4] l’Assemblée nationale qu’ils répudiaient toute complicité avec la réaction.[5] » Ce que confirme Bernard Noel dans son Dictionnaire de la Commune : « la jeunesse des Ecoles, assemblée dans l’amphithéâtre de l’École de Médecine, considérant que le Comité central a porté atteinte au suffrage universel, déclare qu’elle fait cause commune avec les représentants et les maires de Paris, et qu’elle est prête à lutter avec eux par tous les moyens contre le Comité sans mandat populaire. Elle affirme en outre qu’elle répudie toute espèce de complicité avec la réaction, qu’elle entend repousser toute tentative de coup d’Etat venant du pouvoir et veut maintenir pleine et entière la République une et indivisible. Paris, le 24 mars 1871. [6]» On ignore s’il y eut une nouvelle prise de position au lendemain des élections organisées par la Commune le 26 mars.
Le bourgeois du Quartier latin nous apprend qu’en avril, tandis que l’École polytechnique s’apprêtait à fermer en la quasi-absence des élèves, les professeurs de l’Ecole de médecine décidèrent de ne plus faire leurs cours, et que la Commune leur infligea un blâme dans L‘Officiel du 18 avril. Selon notre auteur, « en même temps elle convoqua les étudiants pour aujourd’hui (24 avril) dans le grand amphithéâtre de l’École, afin d’avoir leur avis sur la réorganisation de l’enseignement médical ; ils accoururent tous, mais repoussèrent l’appel de la Commune aux cris de Vive la République ![7] » Edouard Vaillant lui-même, délégué à l’Enseignement vint y présenter une « réforme démocratique des études médicales », nous indique la notice qui lui est consacrée dans le récent La Commune de Paris 1871.
Puis le Cri du Peuple de Jules Vallès publie le 14 mai un manifeste de la Fédération républicaine des écoles, daté du 8 mai. On ne sait de quand date cette fédération. Le manifeste est adressé « Aux Écoles de France.». Il énonce d’emblée : « dès la première heure nous avons songé à vous convier à une œuvre commune », sans plus de précision ; la suite est beaucoup moins une apologie de la Commune qu’une dénonciation de Versailles, de son caractère non républicain et de sa volonté de vengeance. Après avoir évoqué les diverses tentatives de conciliation entre la Commune et Versailles, le manifeste appelait les étudiants de province à soutenir le mouvement, et concluait : « Mais si toute votre énergie et toute la force de patience et de résignation que vous puisez dans la sincérité de vos convictions politiques viennent se briser à leur tour contre l’entêtement de Versailles, eh bien alors, camarades, aux Armes, et que les Républicains ne commettent pas en combattant isolément les fautes de 1848 et de 1851 que la France et la liberté déplorent encore ! L’union fait la force ! Vive la République ! [8]» Suivait l’adresse de la Fédération, « petit amphithéâtre de l’École de Médecine » ainsi qu’une liste de signataires, étudiants en Pharmacie, Sciences naturelles, de l’École des Mines, de Médecine, Beaux-Arts, et Droit. Une confrontation de ces noms avec les notices du Maitron permet de repérer au moins des coïncidences :
A Carlevan de l’École de Pharmacie, peut correspondre un Carlevan nommé le 17 mai aide-major au 217e bataillon fédéré.
A Déviers de Sciences naturelles peut correspondre Rémy Déviers aide-major du 13e bataillon.
A Gadaud de l’École de Médecine peut correspondre Gadaud chirutgien à la 4e légion.
A Masseron de l’École de Droit pourrait correspondre Masseron chirurgien-major du 1er bataillon fédéré.
Mais l’absence des prénoms, des dates de naissances et d’autres précisions interdit de conclure.
En revanche les choses semblent plus nettes s’agissant de l’étudiant de l’École des Mines, Firminhac : le Maitron mentionne en effet Eugène Hilaire Casimir Firminhac, né en 1850 à Decazeville, ex-élève de l’École des mines ; celui-ci, lieutenant d’état-major fédéré, fut en 1873 condamné par contumace à la déportation ; arrêté en 1875 il fut condamné à cinq ans de bannissement.
L’histoire des étudiants sous la Commune reste à faire, l’usage du Maitron se confirme un outil indispensable.
[1] Jean-Claude Caron, Générations romantiques : les étudiants de paris et le Quartier latin (1814-1851), A. Colin, 1991, 435 p.
[2] Pierre Moulinier, Naissance de l’Etudiant moderne, Belin, 2002, 330 p.
[3] Henri Dabot, Griffonnages quotidiens d’un bourgeois du Quartier latin, Mercure de France 2011 (1895), p. 75.
[4] En italique dans le texte.
[5] H.Dabot, op.cit., p 174.
[6] Bernard Noel, Dictionnaire de la Commune, Fernand Hazan, 1971, p 155.
[7] H.Dabot, op.cit. p 193.
[8] cité dans Bernard Noel, op. cit. p. 156.