lecture: Guy Dovert, Scandales à la MNEF

DOVERT, Guy, Scandales à la MNEF AKR 1998. Sans attendre notre article à paraître dans les Cahiers du Germe spécial N° 4 sur le sujet, il est nécessaire de parler de ce livre à mi-chemin du rapport financier et du pamphlet, mélange qui nuit à chacun des deux genres. Nous laisserons de côté les parties consacrées aux chiffres et aux noms (qu’il est intéressant de consulter car il fait apparaître effectivement l’opacité d’un système de participations en cascade, croisées ainsi que des noms d’actionnaires qu’on retrouve, souvent anciens syndicalistes étudiants de la période des années 1970/1980. S’il nous est parvenu des échos critiques de la part de certains qui maîtrisent ces aspects financiers (visiblement le chiffre de «100 millions de détournement annuel» semble peu sérieux, additionnant des bananes et des poires), il est vrai que sur des aspects historiques, que nous maîtrisons mieux, l’argumentation manque de sérieux. Passons sur la création de la MNEF  en 1948 présentée comme un «os à ronger» devant «calmer l’appétit naissant» de «cette meute de jeunes». Mais constater que «le régime particulier, attribué à la MNEF, est une remise en cause de la volonté affichée par le pouvoir d’unifier et de généraliser la sécurité sociale» (p 29) est une curieuse façon de refaire l’histoire de la sécurité sociale. En effet, le premier projet de la libération (sécurité sociale généralisée s’inspirant du système britannique) s’est heurté à des résistances émanant tant de certains corps de salariés qui disposaient déjà de régimes particuliers (fonctionnaires, mineurs, gaziers-électriciens, cheminots) que des professions libérales. Or, curieusement, notre auteur omet de citer ces dernières pour ne s’en prendre qu’au «corporatisme» des mutuelles de salariés (utilisant là les dangers des discours sur les «privilégiés» dotés d’un statut tout comme d’autres estiment qu’avoir un travail aujourd’hui est un «privilège» et non un droit). La gestion de la MNEF étant contrôlée par le syndicat unique étudiant de l’époque, l’UNEF, est présentée comme pratiquant un «pilotage» qui n’est «pas toujours d’une efficacité exemplaire puisque, sous son règne, le déficit ne fait que s’amplifier» (p 31). Aucun document cité, et pour cause. L’inspection de 1956 se concluait par un rapport positif remarquant que ce n’est pas la MNEF qui tire profit de la sécurité sociale, mais l’inverse… Certes, les difficultés s’accumuleront ensuite, notamment après les ordonnances de 1967 et l’instauration du «ticket modérateur», mais dans ce chapitre qui se veut historique, nulle trace ni de textes, ni du contexte. Sans oublier les erreurs historiques puisque la période de la scission de l’UNEF (1971) est présentée comme celle où l’UNEF ID aurait pris le contrôle de la MNEF. Or, l’UNEF-ID n’est crée qu’en 1980. Admettons la confusion avec l’UNEF-unité syndicale crée, elle, en 1971, mais même à l’époque son poids est bien faible dans une mutuelle contrôlée par le CERES (courant «chévenementiste» du PS). Enfin, du point de vue de l’analyse, et en comparant les poids respectifs des effectifs et des moyens MNEF / UNEF-ID on peut légitimement se demander dans quel sens fonctionnerait un tel contrôle. La direction de la MNEF a sans doute par exemple bien plus pesé sur la vie de l’UNEF-ID, notamment au moment du changement de majorité en 1994, que l’UNEF ID n’a pesé sur la MNEF. Enfin, écrire (p 164) que les signataires de l’accord conclu dans les années 70 entre MNEF et trotskistes «lambertistes» étaient «côté trotskyste, MM. Cambadélis et Le Guen» est assez farfelu. Cambadélis était bien membre du PCI, et Le Guen dirigeant des étudiants socialistes. Certes, une vision policière de l’histoire permet d’attribuer ici ou là des labels de «taupes», encore faut-il exposer la question et établir une démonstration.  De ce point de vue, le livre de C. Bourseiller (Cet étrange Monsieur Blondel Ed. Bartillat 1997) est bien plus documenté, prudent et nuancé. L’important en réalité est ailleurs, c’est dans la recherche des intérêts communs liant dans une compétition/collaboration les différentes fractions, dont quelques dizaines de membres ont continué sous d’autres formes (y compris dans la MNEF et dans le PS) a cheminer ensemble.

Le sujet aurait mérité un travail plus sérieux et une meilleure utilisation des sources et des ressources.

Robi Morder

Les Cahiers du GERME trimestriel n° 9 – 4° trimestre 1998

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