1956: Il y a 60 ans, le congrès de Rambouillet de la Fédération nationale des étudiants socialistes

FRP SFIO SEINE 1956

Affiche de la fédération de la Seine de la SFIO, élections 1956

Dans les crises des mouvements de jeunesse concomitantes aux luttes pour la décolonisation, et notamment de la guerre d’Algérie, l’on a souvent traité bien sûr de l’UNEF, des organisations confessionnelles, notamment chrétiennes, ou des mouvements politiques tels ceux liés au Parti communiste. [1] L’on s’est moins attaché à ce qui s’est joué dans les jeunesses socialistes. Jacques Delpy, ancien de l’UNEF et de la Fédération nationale des étudiantes socialistes[2], qui s’est attelé à la publication d’une étude sur la FNES dans cette période, nous a autorisé en publier un extrait, ce dont nous le remercions.

Le Mouvement des jeunesses socialistes avait été dissous après les évènements qui avaient suivi les émeutes de 1947 ; lors de sa reconstitution sont séparés les Jeunesses socialistes et les Etudiants socialistes, regroupés en une Fédération nationale des étudiants socialistes (FNES). On peut adhérer à la FNES sans adhérer à la SFIO.

Les éléments ci-après concernent les prises de position des Etudiants socialistes relatives à l’Algérie en 1956. Ils s’insèrent dans une recherche plus large en cours dont l’objet sera de montrer quelle fut l’action de la FNES, d’une part au niveau des associations générales d’étudiants, d’autre part dans la constitution de ce que l’on appela la minorité de l’UNEF, enfin la place qu’elle prit dans les batailles de la décolonisation dans les années 1953-1858[3].

timthumb.php– l’opération franco-britannique menée en Egypte, aux côtés des Israéliens pour contrer la nationalisation du canal de Suez par Nasser fut l’occasion de l’envoi par Pierre Eelsen d’une lettre au journal Le Monde pour protester contre les poursuites engagées contre ce journal et lui apporter le soutien des étudiants socialiste s; une nouvelle interview de Pierre Eelsen dans la revue Réalités où interrogé sur le sens de la journée du 6 février 1956 il déclara «  le Président Mollet a cédé à l’affolement de la population algérienne »[4] lui valut une convocation, début décembre de Guy Mollet.

Tout ceci conduisit Pierre Eelsen à démissionner et à passer le témoin à P.Biarnès puis rapidement à Jacques Bugnicourt.

-La motion adoptée au congrès de Rambouillet, diffusée dans le bulletin intérieur de la FNES de mars-avril 1956 durcit la position :

« Après avoir constaté avec amertume l’absence d’action des gouvernements précédents et constaté que la situation actuelle résulte du retard et du sabotage de toute politique de progrès en Algérie, ils souhaitent que soient prises envers les agitateurs et les féodaux les mesures les plus fermes, soit, après enquête, le rapatriement forcé des responsables français du fascisme en Algérie et la mise sous séquestre de leurs biens, de faire venir en France les condamnés à mort musulmans en instance d’exécution, pour qu’ils soient jugés avec l’impartialité garantie par la loi, le développement d’une action telle que les grands féodaux ne puissent continuer à façonner l’opinion des européens, ils proposent un cessez le feu, et, simultanément : le choix d’une date aussi rapprochée que possible pour des élections générales d’une assemblée algérienne dont les membres seront habilités à proposer des négociateurs au gouvernement français, élections librement organisées sous la surveillance souveraine de tous les partis politiques français et algériens[…].

-Trois autres motions mettent en cause les tortures commises au nom de la France en Algérie, s’appuient sur la démission d’un officier supérieur, le suicide de l’avocat Maître Boumendjel et s’indignent que de tels excès puissent être commis sous la responsabilité d’un Président du conseil et d’un ministre résident socialistes et, à ce titre, mettant en cause l’honneur du Parti

Par la suite, le 10ème Congrés de la FNES, tenu à Puteaux , adoptera le 31 mars 1957 une motion plus critique encore entraînant une série de décisions du bureau du parti qui aboutira la mise en place d’un  BN provisoire des ES, et de sanctions. En1958 à Montluçon se tiendra un congrès de mise au pas des étudiants socialistes; les ES historiques, en grande majorité , vont quitter les séances.

[1] Voir; Robert Chapuis, Les chrétiens et le socialisme, Paris, Calmann Levy, 1976 ; Robi Morder, « Années 1960 : crise des jeunesses, mutations de la jeunesse » Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 74, 2004

[2] Né en 1933 à Brive-la-Gaillarde, il s’installe à Toulouse après son baccalauréat et commence des études de droit. Rapidement, il adhère à la SFIO, et aux étudiants socialistes. Il adhère ensuite à l’UNEF, dont il devient le secrétaire général lors du congrès de Nice en 1955, puis vice-président information dans ce qu’on a appelé le « bureau d’union » majo/mino, ou le bureau de transition. Docteur de l’Institut d’études politiques de Toulouse, et obtient ensuite un second doctorat à la fac de Dakar, en sciences économiques avant de préparer l’ENA entre 1961 et 1962. Il entre ensuite à l’UNEDIC, et y restera jusqu’en l’an 2000. Ecouter son témoignage recueilli le 25 octobre 2012 par Marina Marchal et Eithan Orkibi , résumé analytique réalisé par Charlotte Zamith.

[3] L’auteur a utilisé ses propres archives mais tient à remercier les services de l’OURS (Office universitaire de recherche socialiste) qui ont ouvert, avec patience, son fonds historique

[4] Il s’agit de la « journée des tomates » où Guy Mollet renonce, sous la pression de la rue algéroise (français d’Algérie) à remplacer Jacques Soustelle, hostile à toute discussion avec le FLN, par le général Catroux.

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