biographie : Marc Coutty (1952-2004)

Marc Coutty rentrée 1968 TurgotDans le numéro 74 de Matériaux, pour illustrer son article sur les jeunesses en 1968, Jean-Philippe Legois  avait choisi dans le fonds Elie Kagan une photographie. Son choix ne relevait pas d’un hasard total, évidemment, mais il ne connaissait pas les personnes sur la photographie. Tout juste une indication, « lycée Turgot, mai 68 »  au verso de l’original. Erreur de Kagan rajeunissant l’image de quelques mois. Il s’agissait de la rentrée de septembre 1968 au moment où les comités d’action lycéens lancent la campagne pour le boycott.  Dans cette salle de réunion (qui sert les dimanches électoraux de bureau de vote) on y distingue au centre nettement quelqu’un qui lève le poing. C’est Marc Coutty, ou plutôt c’était… Je ne crois pas que les membres du GERME le connaissaient, mais lui nous connaissait bien, et après avoir été acteur des mouvements lycéen, il a été observateur compétent de mouvements de jeunes et d’étudiants. Dissident des jeunesses communistes (on l’aperçoit un moment avec sa veste de cuir dans le film Mourir à trente ans de Romain Goupil, en train de vendre l’Avant-garde ou bien l’Humanité ) il rejoint les JCR et les comités vietnam lycéens. En 1968, il est l’un des principaux animateurs du CAL Turgot. Il est de cette génération lycéenne de Maurice Najman, Michel Recanati, Romain Goupil, Bernard Schalcha… C’est à la rentrée que je fais la connaissance de celui qui se considèrera comme une sorte de « grand frère » pour moi. Il est un jeune âge autour de 14 ans où toute personne de 17/18 ans apparaît comme adulte, forte, et Marc était impressionnant, brillant orateur, doté d’un sens de la repartie, de la polémique et de la confrontation à l’autorité. D’ailleurs, il a tout autant contesté ses chefs de rédaction que les proviseurs, ce qui sans doute ne lui permit pas de faire une « carrière » qu’il ne cherchait d’ailleurs pas à faire. Marc était affectueux, fragile, un peu instable mais avec une solide constance en amitié comme dans sa révolte. A son enterrement, au Père Lachaise, le mot qui revenait le plus souvent pour chacun c’était le souvenir avant tout de sa « gentillesse » Brillant agrégé de philosophie, il enseigne mais quitte la sécurité de l’emploi de fonctionnaire pour devenir journaliste. Spécialiste de l’éducation dans différents quotidiens Libé, Le Matin de Paris, Le Monde de l’éducation. Il « couvre » la vie syndicale étudiante au début des années 1980, dans les mouvements anti Savary en 1983 il enquête sur l’infiltration de l’extrême-droite dans les coordinations étudiantes, il est toujours présent pour couvrir le mouvement de 1986 . Au Monde de l’Education, il interviewe les acteurs, contribue à y faire connaître le GERME dont il recevait les publications. Il me propose aussi un projet : écrire un Que Sais-je sur le syndicalisme étudiant, mais cela n’aboutit pas. Ecrire un livre lui était plus difficile que plusieurs articles, toutefois il avait coordonné un Autrement sur les lycéens, ces « inconnus », y donnant la parole à la CPL (coordination permanente lycéenne). Il était très attaché à la conservation de la mémoire et participait, avec les amis des éditions Syllepse, au projet de récolte de témoignages de militants, notamment ceux de la guerre et de la Résistance. Une fois noués, les liens avec Marc ne pouvaient se dissoudre. C’est ainsi que David Assouline, non en tant que porte parole d’une coordination mais en sa qualité d’adjoint au Maire du 20° se trouve à célèbrer son mariage avec Laurence.

Il intègre Le Monde. Il aurait voulu travailler à la rubrique sociale, mais on lui attribua les voyages, ce qui n’était pas pour lui déplaire à vrai dire. Il est mort en avril 2004 enThaïlande, où il adorait se rendre.. Bonne plume, bon coude… au bar des congrès étudiants, et chez lui, tapant sur sa machine à écrire (longue résistance à l’ordinateur…), cigarette au bec et verre de whisky… Véritable image de film américain, vivant intensément, brûlant la vie très vite, trop vite.

Il nous laisse un grand vide, mais peut-être quelques bouquins  sur les jeunes et l’éducation que Laurence a l’intention de nous donner orneront un rayon qui portera son nom à Reims. Pour le Germe c’était un ami gentil et discret, bref, un ami. Un an déjà…

Robi Morder

Les Cahiers du Germe n° 25, 2005

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