Résurrection d’une mémoire : reconstitution d’une histoire, avant-propos au livre de Frédérick Genevée et de Guillaume Hoibian

Derniere-page-numero-7Vient de sortir des presses Histoire de l’UNEF (1971-2001): du « Renouveau » à la « réunification » en coédition Arcante 17 et Syllepse, il est en librairie à partir de la semaine prochaine, présenté dès le 29 février au Maltais rouge (voir agenda du Germe). Après avoir publié en décembre des bonnes feuilles sur cette UNEF et le mouvement de 1986 contre la réforme Devaquet, et un entretien entre Robi Morder et les auteurs, voici l’avant-propos rédigé par les directrice et directeurs de la collection Germe.

« Résurrection d’une mémoire : reconstitution d’une histoire » Ioanna Kasapi, Jean-Philippe Legois, Alain Monchablon, Robi Morder[1]

Le livre de Frédérick Genevée et de Guillaume Hoibian que nous publions dans la collection Germe n’est pas une conclusion, mais une étape dans le travail de reconstitution d’une histoire et résurrection d’une mémoire qui ont failli tomber dans l’oubli.

En effet, la scission de l’UNEF vit à partir de 1971, et pour trente ans, deux organisations se revendiquer d’un même sigle, qu’il fallait compléter pour les distinguer par des appellations complémentaires (Renouveau/Unité syndicale, Solidarité étudiante/ Indépendante et démocratique)

Quand ils fusionnent en 2001 en une seule UNEF « réunifiée », les héritiers des deux branches n’ont pas laissé les mêmes traces. L’UNEF indépendante et démocratique, fondée en 1980, avait conservé une grande partie des archives de la « grande UNEF », celle qui s’achève en 1971, et celles de la branche « unité syndicale ». Avec plusieurs versements dès 1990, renouvelés à plusieurs reprises, ces archives furent transférées à la BDIC (devenue La Contemporaine) à Nanterre, et à la Cité des mémoires étudiantes, et furent exploitées pour des travaux de recherche[2]. En revanche, des archives de l’UNEF dite « renouveau » puis « solidarité », que l’on appelle ici UNEF (1971-2001) et qui est étudiée ici, il ne restait quasiment plus rien. Les anciens locaux de la rue Pailleron furent restitués à leur propriétaire[3]. Personne ne s’est préoccupé de ces archives et c’est sans doute à la benne que leur destin s’acheva. L’on pourrait dire que c’est la plus grande catastrophe archivistique du mouvement étudiant. Il, n’y avait plus pour qui s’intéressait à cette histoire, qu’à consulter des données périphériques, la presse de ces années, ce qu’en disaient les organisations amies, concurrentes ou adversaires.

C’est à cette aune qu’il faut mesurer l’ampleur du travail qui a été accompli – et celui qui reste à faire. Des opposants à la fusion de 2001 avaient conservé des traces de leur histoire récente, remontant parfois plus haut, avec le souci plutôt de numérisation que de conservation. Au-delà, en quelques années, ce qui est devenu le groupe « Pour l’histoire de l’UNEF », a accompli un travail que l’on peut qualifier de titanesque, une « reconstitution d’archives dissoutes » est-on en droit de dire. Il a été fait, en sollicitant et obtenant des ancien·nes militantes et militants, en collaboration avec les archivistes professionnels de la Cité des mémoires étudiantes, avec les chercheuses et chercheurs du Germe pour exploiter, valoriser ces archives qui sont écrites, mais aussi orales tant les témoignages sont précieux, comme la documentation iconographique (photographies, affiches, films). Les JARME (Journées archives, recherches et mémoires étudiantes) de novembre 2021, préparées en commun, visibles sur Youtube, ont constitué un premier rendez-vous général, tremplin pour une nouvelle vague de collecte ayant impliqué plusieurs centaines d’anciens membres de cette UNEF soucieux d’en transmettre une mémoire en confiant leurs carnets de notes, archives, journaux, souvenirs.

Les deux auteurs ont été des responsables, des acteurs de cette histoire, mais ils sont des historiens, tenus par les règles du métier, non à la neutralité (il n’est jamais anodin de prendre un sujet d’écriture) mais à l’objectivité et à la distance, dans le souci non de plaire (ou d’éviter de déplaire) mais d’établir des faits, d’émettre des hypothèses, de donner des éléments d’interprétation.

C’est l’intérêt d’un exposé non essentiellement chronologique, il est principalement thématique, ce qui permet aussi des développements de comparaison avec les prises de position des autres organisations du champ syndical étudiant confrontés aux mêmes problèmes et échéances.

Ce livre est un (grand) pas en avant d’une histoire à approfondir. Il provoquera, nous l’espérons, des débats et suscitera d’autres travaux. C’est surtout la démonstration qu’une coopération entre acteurs et actrices, archivistes, chercheurs et chercheuses, avec leurs compétences respectives, sur un pied d’égalité, leur permet d’accomplir leurs missions propres. Et puis, donner à connaître et à penser, c’est utile pour celles et ceux qui veulent agir au présent.

[1]. Responsables du Germe et de la Cité des mémoires étudiantes.

[2]. Robi Morder, « Les archives de l’UNEF », Chroniques de la BDIC, Cahiers du Centre d’histoire contemporaine, Paris 10, n° 13, 1992. Jean-Philippe Legois (dir.), « Archives et mémoires étudiantes : état des lieux », actes des deux premières journées d’études organisées par le Germe, les 23 février 2000 à Nanterre et le 6 juin 2001 à Paris, La Gazette des archives, n° 193, 2002.

[3]. Les locaux de l’UNEF-ID devinrent, avec la fusion, les locaux de l’UNEF désormais « réunifiée ». et il n’y avait plus besoin d’un autre local.

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