Ivan Denys: 1926-2021

hqdefaultLe 11 novembre 1940, Ivan Denys, élève à Janson de Sailly en classe de 3e, et qui n’a pas encore quatorze ans, décide de se rendre place de l’Étoile en compagnie d’un certain nombre d’élèves de Janson, bravant l’interdiction de manifester. Il prend la tête de ce petit groupe, et ensemble ils vont se joindre aux « grands » du lycée. Il rentre alors dans la résistance, puis en militantisme, Agrégé de lettres, il revint comme enseignant dans ce même lycée. Il n’eut de cesse de témoigner, écrit un livre: Un lycéen résistant, (Signes et balises, 2013), et intervient , notamment auprès des lycéens (par exemple à Montreuil). Il avait ainsi participé à notre atelier archives et mémoires étudiantes du 30 mars 2011 que l’on peut visionner. Nous étions présents à ses obsèques au Père Lachaise le 26 août 2021. Nous publions ici un texte d’Alain Monchablon.

J’ai rencontré Ivan Denys pour la première fois il y a près de soixante ans.

J’étais alors élève en classe de terminale au lycée Janson de Sailly où il était professeur. Je n’étais pas dans sa classe et je n’avais pas de raison de le connaître dans ce lycée de trois cents professeurs et cinq mille élèves ; ce n’est donc pas la pédagogie qui nous a fait nous rencontrer ; mais nous étions dans les derniers temps de la guerre d’Algérie, et les tenants de l’Algérie française  étaient dans ce lycée plus qu’actifs, activistes. Face à quoi, s’était formé un Comité antifasciste groupant élèves, enseignants et personnel de service. Nous n’étions pas trop nombreux dans ce milieu  pour dénoncer la guerre coloniale et défendre les valeurs démocratiques. C’est dans ce cadre que j’ai croisé Ivan, qui m’intimidait malgré son visage souriant de fumeur de pipe. Puis la guerre d’Algérie a pris fin, j’ai passé mon bac et quitté le lycée, pas lui.

Quinze ans plus tard, loin du 16e arrondissement j’ai retrouvé Ivan.  Devenu père de deux enfants, que j’accompagnai parfois à l’école voisine, dans le 12e arrondissement, j’y rencontrai un autre parent d’élève, père d’un garçon du même âge que mon fils. : Ivan. Chacun de nous  avait changé, mais la vieille sympathie a fonctionné et nous sommes devenus des amis, comme l’ont été nos enfants. Une dizaine d’années plus tard, nos deux garçons étant partis un an pour étudier en Chine, nous avons en tant que parents fait un voyage de quinze jours pour leur rendre visite. Je me rappelle un épisode : le minicar qui nous transportait dans la compagne chinoise  avait fait une halte permettant à chacun, y compris moi, une « pause technique ».  J’eus alors un moment d’inquiétude en voyant le minicar repartir sans moi, m’abandonnant en rase campagne.  Le minicar revenu, j’appris que c’était Ivan qui avait signalé mon absence ! Tout à fait par ailleurs,  il se trouve  que quelques années plus tard, nous avons connu tous deux le même deuil.

Mais il y a une troisième occasion que j’ai eue d’avoir connu et aimé Ivan. C’est que, professeur d’histoire  et chercheur je me suis penché sur l’histoire de la Résistance. Je suis de ce fait tombé, si je peux dire, sur Ivan. Je dis « tombé », car à mon souvenir il ne m’avait jamais parlé de son activité de  résistant, d’abord en culottes courtes dès le 11 novembre 1940 dont il fut un participant, puis jusqu’à la Libération. A ce titre il a bien voulu témoigner à plusieurs reprises et  répondre avec précision aux questions que nous, petit groupe  de chercheurs, lui posions.  Souriant et chaleureux, c’est le même Ivan, mais sans la moustache et la pipe, que j’avais connu il y a moins de soixante ans.

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